Les flammes. Elles étaient immenses. Alice n'en avait jamais vues d'aussi grandes.
- On va tous mourir !
Des cris fusaient de partout autour d'eux. Alice ne réalisait pas vraiment ce qui se passait. Était-elle réellement à l'intérieur du Bazar de la Charité en flammes ? Cela paraissait tellement surréaliste !
Le feu avait démarré si vite. Rose était venue les prévenir avec Julien qu'il fallait sortir. Et puis tout le monde s'était précipité vers la sortie. Et actuellement, tout le monde jouait des coudes pour sortir.
Alice ne respirait plus. Tout était flou autour d'elle. Elle ne sentait plus Rose ni Julien à côté d'elle.
Soudain, le sol se déroba sous ses pieds. Elle glissa et ne sentit plus rien. Peut-être était-elle déjà morte. La sensation qu'elle avait, elle ne l'avait jamais vécue.
Seul son esprit restait encore. Son corps était parti. Elle ne ressentait plus rien.
Pourquoi était-elle encore assez lucide pour penser cela ? Quand on était mort, on ne rencontrait pas le Christ qui nous emmenait au paradis ?
Alice pensait être digne du paradis. Après tout, elle avait toujours aidé les plus pauvres, et n'avait jamais pêché. Alors, elle n'avait pas peur de la mort.
Alice en était là dans sa réflexion lorsqu'elle revint dans son corps. Tout à coup, elle ressentit son poids sur le sol. Sa vision revint. Elle vit Rose, penchée sur elle, le visage apeuré. Et son ouïe. Le bruit, les cris. Que se passait-il donc ?
Tout lui revint d'un seul coup. L'incendie. Au Bazar de la Charité. Soudain, elle enviait son malaise de tout à l'heure. Elle n'avait pas eu besoin de se battre.
Peut-être était-elle faible, et lâche, mais mourir brûlée lui faisait peur. Mais elle devait tour faire pour s'en sortir.
Après tout, si sa vie s'arrêtait là, à vingt-deux ans, qu'avait-elle réellement réalisé ? Rien. Rien du tout. Elle allait se marier, oui, mais était ce vraiment de l'amour ? Non. Sa vie était un échec.
Devait-elle encore se battre pour sortir d'ici ? Elle n'en savait rien. Si elle sortait, elle reprendrait sa triste vie monotone.
Mais tout de même, un instinct la poussait à continuer. Sûrement ce qu'on appelait «l'instinct de survie». Elle n'avait jamais eu à en faire l'expérience. Et elle n'aurait souhaité ne jamais le connaitre.
Ces silhouettes. Alice ne les connaissait pas, mais elle savait que ces images resteront gravées à jamais dans sa tête. Ces personnes étaient littéralement en feu, les flammes à leur robe. Cela terrorisait Alice. Allait-elle finir ainsi ?
Soudain, la foule autour d'elle hurla. Elle comprit qu'ils étaient bloqués. Le tourniquet était coincé. Que faire ?
Le feu se rapprochait de plus en plus vite d'eux. Alors, cet instinct prit le dessus. Tous ceux qui étaient coincés allèrent dans la direction opposée à la porte, là où le feu avait fait moins de ravage.
Ils se cachèrent sous des tables. Alice ne réalisait toujours pas ce qui se passait. Julien pleurait à côté d'elle... Tout le monde se disait qu'ils allaient mourir.
Après tout, il n'y avait plus d'espoir. La porte était bloquée, et comment les pompiers rentreraient dans le bâtiment ? Personne ne viendrait les aider. C'était aussi sordide.
Le feu les entourait de partout. Au plafond, aux murs... Des poutres tombaient au sol, en flammes.
Tout le monde avait peur. C'était même pire que la peur, se dit Alice. Certaines personnes pleuraient à côté d'elle la mort d'un proche, qui venait de rendre l'âme dans ses bras. C'était une catastrophe.
Soudain, du bruit extérieur. Les pompiers ! Ils arrivaient, ils avaient enfin réussi à se frayer un chemin ! Tout n'était pas perdu !
Alice était tellement heureuse. Tout doucement, ils se relevaient, et suivaient les pompiers. Soudain, Alice glissa et tomba à terre, du moins, c'était l'impression qu'elle avait.
Elle n'arrivait pas à se relever. D'où elle était, elle voyait Rose qui essayait de revenir en arrière pour l'aider à repartir.
Mais certains n'en avait que faire de Rose. Un homme, qui de loin ressemblait à Julien, poussa sans mégarde Rose... dans les flammes ! Rose venait de tomber dans le feu, toute entière ! Rose venait de mourir !
Alice était sous le choc.Avec tout cela, les pompiers étaient partis. Alice se retrouvait seule au milieu des flammes, et se sentait partir peu à peu. Elle allait enfin mourir, après vingt minutes de peur inouïe. Elle allait rejoindre Rose... Alice ne s'en rendait toujours pas compte : Rose venait de mourir !
Les flammes. Elle aimait les observer, dans l'âtre de sa cheminée.
- Alice !
- J'arrive, maman !
Elle descendait les marches de l'escalier menant à son salon. Elle croisa son père.
- Alice, tu es en retard, ta mère t'attend pour le goûter.
- Mais je regardais le feu ! Il dansait avec ses belles flammes...
Alice arriva au salon, où l'attendait sa mère.
- Alice, ma chérie, viens.
La petite Alice de dix ans se blottit sur les genoux de sa mère.
- Maman, c'est tellement beau le feu...
- Ce n'est pas une bonne chose d'aimer le feu, tu sais. A trop s'approcher du feu...
- ... on se brûle ! compléta la petite fille.
Sa mère rit doucement.
- C'est cela. Tu me promets de faire attention et d'être prudente, plus tard ?
- Oui, c'est promis ! On peut manger le goûter maintenant ?
Elle était tellement bien, Alice, ici, dans sa salle à manger. Loin de tous les dangers de la vie. C'était beau, cette innocence.
Les doigts pleins de confiture, elle tacha la nappe.
- Alice !
Sa mère ne restait jamais fâchée très longtemps. Alice savait qu'elle était la petite princesse de ses parents et qu'ils ne pouvaient rien lui refuser.
- Je peux aller jouer avec Rose, maintenant ?
- Oui, si tu veux.
Sans même attendre la réponse, la petite fille partit en courant, son jupon flottant au vent.
- Rose !
La jeune femme se tourna vers elle.
- Vous voulez jouer avec moi ?
- Bien sûr, Mademoiselle Alice. A quoi voulez-vous jouer ?
- A un, deux, trois, soleil !
- Très bien, je commence à compter.
Rose se retourna et commença à jouer :
- Un... Deux... Trois... Soleil !
La petite était à deux doigts de tomber dans la position où elle était. Rose tourna autour d'elle et Alice ne réussit pas à tenir, et tomba sur le sol.
- Mademoiselle Alice ! Vous allez bien ?
La petite ne répondit pas, et Rose commençait à s'inquiéter. D'une voix inquiète, elle cria plus fort :
- Mademoiselle Alice ! Mademoiselle !
la voix se modifia dans l'esprit d'Alice, et se transforma en une voix masculine.
- Mademoiselle, vous m'entendez ? Vous m'entendez ? Est-ce que vous m'entendez ?
La vision d'Alice revint en un flash, et se retrouva avec un jeune homme penché au dessus d'elle. Enfin ce n'était pas n'importe quel jeune homme, c'était le beau voleur de tout à l'heure. Elle cligna des yeux en guise de réponse à sa question.
Peut-être que tout n'était pas fini.
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Alictor (Alice+Victor) Le Bazar De La Charité
FanficL'histoire d'amour d'une jeune noble, Alice de Jeansin et d'un voleur anarchiste, Victor Minville, dans le Paris de la fin du XIXème siècle. Cette histoire est tirée de la série Le Bazar de la Charité, diffusée sur TF1 et Netflix. Mon histoire repr...