ONE SHOT

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« Par les liens sacrés du mariage je vous déclare Mari et Femme. Matthew, vous pouvez embrasser la mariée. »

Ses lèvres se posent sur un sourire rayonnant. Une huée se lève en même temps que la famille et les amis dernièrement assis sur les sièges blancs. Les pétales de roses volent ainsi que les pants de la robe blanche. La mère pleure et le père serre la main de son fils ; on peut percevoir un discret « Bien joué mon fils ». Mais seul l’intéressé l’entend vraiment ; son sourire s’agrandit encore (si c’est possible). Tout est brouillé autour, les mariés sont accrochés l’un à l’autre, ils ne le diront pas mais leur vision est floue devant ce joyeux bordel. Des accolades, des baisers, des cris. Tout a explosé au moment où le maire a laissé tomber son discours beaucoup trop long et a ordonné aux deux tourtereaux de mélanger leurs salives. Matthew lève la tête, il semble chercher quelqu’un ou quelque chose mais il est vite déconcentré par son bonheur et par les mots doux de sa toute nouvelle femme. Personne ne saura qui était cette personne recherchée - peut-être regrettée - pendant ces quelques secondes. Personne à part celui qui se cache pas très loin de là. Celui qui a échappé à tout ça.

Dominic est assis sur un trottoir à une rue de la mairie. Il fume une cigarette volée dans une veste de costard. Le regard viré sur le bitume sale, il essaye de faire abstraction des cris de joie un peu plus loin. Un soupir douloureux sort de ses lèvres. Dominic a honte, il se mort la lèvre inférieur. Dominic a mal, ho oui putain il a terriblement mal. Comme s’il vivait ses dernières secondes sur cette terre il avait revu sa vie défilée quand Matthew s’était penché vers elle avec un sourire. Une décharge électrique avait déchiré son cœur quand il avait entendu son ami dire « je le veux ».  JE-LE-VEUX. C’est comme s’il s’était retourné vers le blond et lui avait dit « Je veux oublier,  je la veux elle, je ne te veux pas toi ». Au moment où il s’était penché sur sa femme et l’avait embrassé, un ras de marré a ravagé le cerveau de Dominic. Prit de vertige il a adressé un sourire rapide à son ami avant de s’éclipser le plus discrètement possible de cette mascarade.

Mascarade, c’est sa vie à présent. Une succession de jours catastrophiques, de maux de têtes, de clopes, d’alcool et de larmes. Son corps tremble à présent parce qu’il n’est plus qu’une loque. Un vieux souvenir, une pauvre ombre de ce qu’était Dominic Howard il y a encore quelques années. Un faible sourire apparait sur son visage crispé. Dégouté de ce qu’il est devenu, il en a envie de vomir. De cracher cette haine, cet égocentrisme qui lui colle à la peau depuis tellement d’année, depuis toujours, depuis le début, depuis qu’ils l’a vu la première fois en fait. 

Dominic était un jeune homme gentil, apprécié de tout le monde. Secrètement il faisait tout pour se rapprocher des personnes les plus « cool » et être toujours au top. Il disait écouter de la musique qu’en vrai il détestait. Il sortait avec beaucoup de filles et avait beaucoup d’amis. Mais un jour, c’était en quatrième, un garçon aux longs cheveux noirs et aux vêtements trop grands pour lui était venu le voir. Il disait s’être perdu dans les couloirs du collège. « Tu peux m’aider ? » lui avait-il demandé.  Dominic se rappelle avoir voulu se débarrasser de lui parce qu’il était avec des amis et il ne voulait pas qu’on le voit trainer avec n’importe qui. Dominic se rappelle avoir été très con. Finalement il se souvient de ses yeux bleus qui l’avaient transpercé, il avait été comme mis à nu devant lui. Il se souvint d’un petit garçon réservé, élevé avec un grand frère peu attentif dans la maison de sa grand-mère. Peu de revenus, une passion commune avec un père toujours absent. Il se rappelle de la première fois où il lui a tendu une main aux longs doigts squelettiques et qu’il lui a dit « Je m’appelle Matthew, tu dois être Dominic. ». Dominic a mémoire de toutes les insultes, de tous les regards. Mais le plus pénétrant restait celui de Matthew. Il se rappelle être passé du groupe « cool » au groupe des rejetés de la société sans s’en rendre compte. Il se rappelle d’une amitié nouvelle, différente de toutes celles qu’il avait déjà eu ; pure et sans complexe. Il revoit le sourire et le rire qui est toujours enfantin de celui qu’il a très longtemps qualifié de meilleur ami. Dominic entend souvent les premières notes joués dans une cave avec de mauvais instruments, comme si c’était hier il pourrait décrire parfaitement l’odeur sucrée des sodas qui s’est fait remplacer par celle plus métallique de l’alcool, mélangée à la sueur et plus tard à la fumée de cigarette. Dominic se rappelle de tellement de choses, tellement de choses.

Protect me from what I wantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant