la châtaine fit la moue.
- mon verre est vide. en le faisant tourner en diagonale pour essayer de détecter ne serait-ce qu'une seule goutte d'alcool.
- et il le restera.
la plus âgée se renfrogna, et répéta :
- tu m'emmerdes.
vexée, d'autant plus que c'était la deuxième fois qu'elle se prenait ce genre de réflexion depuis le début de la conversation, la brune amorça un mouvement pour partir, arrêtée par un gros soupir de son interlocutrice.
- roh, le prend pas comme ça. j'aimerais juste me torcher la gueule.
la brune se rassit entièrement sur son tabouret.
- vous allez le regretter demain quand votre tête jouera au tambour avec vos oreilles.
- c'est déjà trop tard pour ça.
la conversation était étrange, chacune fixant un point imaginaire devant elle, mais n'étant pas tournée vers l'autre.
- autant finir le travail correctement.
- vous êtes...
elle hésita. elle ne savait pas vraiment comment terminer sa phrase.
- eh bien? je suis?
- pas comme d'habitude. finit par se décider la brune.
la châtaine ricana.
- et c'est quoi mon "moi" d'habitude?
facile, se répondit-elle dans sa tête à elle-même. tu joues à la sainte-Nitouche, la femme trop calme, trop sage et trop naïve.
- vous êtes quelqu'un d'adorable et de toujours présent pour chacun. et vous êtes réconfortante rien qu'en existant. alors que là, sans vouloir vous offenser, vous ressemblez plutôt à une épave.
sans tenir compte de la dernière phrase de sa voisine, la châtaine se fit percuter par les deux premières. elle n'avait jamais vu la situation sous cet angle de vision. certes, elle était à l'écoute. c'est ce que voulait l'image qu'elle s'efforçait de copier. mais jamais elle ne s'était rendu compte que l'on pouvait la voir comme venait de le décrire son interlocutrice.
- merci. souffla-t-elle.
la brune releva le coin de ses lèvres une courte seconde d'un sourire contrit, puis fit tournoyer sa bière au-dessus du comptoir par le goulot.
- je ne sais pas. lâcha abruptement la plus âgée.
- vous ne savez pas quoi?
- qui je suis. je ne sais pas.