Vingt-six. Adieu la gratuité des musées, Monet, Klimt, Rodin et toute sa clique, je ne vous oublierai jamais.
Vingt-six. Terminé le temps des réductions au cinéma, chez le coiffeur, et dans mes restos préférés. Salles obscures, Blockbusters, films d'auteur, je vous salue pour le divertissement et les quelques roulages de pelles que vous m'avez apportés. Désormais, je mangerai des plats préparés sans saveur, en pleurant sur mes cheveux décoiffés devant Netflix.
Vingt-six. Fini la carte avantage dans les transports. Mes voyages ne se résumeront plus qu'à mon quartier glauque et à un regard vers la tour Eiffel du minuscule balcon de mon appartement.
Vingt-six. Je me rapproche de la trentaine et m'éloigne de la vingtaine. Adieu adolescence, premiers émois, insouciance et lendemains de fête pimpants. Bonjour responsabilités, pression sociale, cuites meurtrières, soirées pépères à tricoter.
Vingt-six ans. Purée de Monsieur Patate. Je me sens si vieille et si jeune à la fois. Cette impression que tout me fatigue, cette lassitude omniprésente, ce sentiment d'être blasée en permanence, me rongent de l'intérieur. Happy fucking birthday.
Pourtant, je suppose que beaucoup de choses m'échappent encore. « Tu verras, ça viendra avec l'expérience », qu'ils me disent. « Oh, tu es si jeune pour tirer autant la gueule », me sortent-ils. Je crois que plus j'avance dans la vie, et plus je perds pied. Je suis peut-être vouée à la monotonie jusqu'à la fin de mon existence. En vérité, je n'en sais rien du tout. Je me cherche encore. Et en même temps, ça me saoule... Je me saoule moi-même. Saoule. Saoule. Saoule.
Une vibration m'arrache soudain de mes pensées qui tournent en boucle, telles des ombres noires gravitant au-dessus de mon crâne. Je me relève difficilement, frotte mes paupières endormies et tourne la tête vers la fenêtre de mon studio. L'espace est si exigu que je peux dérouler le volet d'une main ; j'étire le bras tout en restant au chaud sous la couette. Pratique.
Dehors, la température est fraîche, le ciel grisonne, le vent siffle, s'amusant à tourmenter les passants qui pressent le pas pour rejoindre les bouches de métro ou regagner l'intérieur. On dirait des rongeurs qui cherchent à se terrer, cachés dans leurs épaisses écharpes et leurs manteaux sombres.
De ridicules décorations de Noël clignotent çà et là : guirlandes lumineuses surplombant les allées, rubans scintillants qui s'accrochent désespérément aux poteaux, boules brillantes dodelinant sur les murs. Un carnaval de couleurs criardes. J'en ai la nausée, mes pupilles se sentent agressées. Franchement, je plains les personnes épileptiques qui doivent subir ce cauchemar tous les ans.
Estimant en avoir assez vu, je tourne le dos à ce spectacle affligeant et attrape mon téléphone sur la table de nuit. Dans un bâillement, je le déverrouille et constate que la notification provenait d'un message de mon PCR — Plan Cul Régulier —, définition dépassée depuis mars 2020. Qu'est-ce qu'il me veut encore celui-là ?
[Allan] : Joyeux anniversaire babygirl, on se revoit quand pour fêter ça ?
Je roule des yeux si fort que ça me fait mal. Son babygirl m'agace au plus haut point. C'est d'un ringard. Allan représentait un bon passe-temps ces dernières semaines, mais je crois que c'est le moment de cesser tout rapport.
Et puis, au lit, c'était moyen-moyen. Je dirais... 12/20, peut mieux faire, encouragements.
Je tape frénétiquement sur mon clavier pour lui répondre.
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La contre-soirée de Noël [Publié aux éditions Addictives]
ChickLitDeux opposés, un défi : la magie de Noël fera-t-elle effet ? Noémie déteste Noël plus que tout. Chaque année, son seul réconfort en décembre est la soirée anti-Noël à laquelle elle participe avec ferveur. Et cette fois-ci, un cadeau de rêves est à l...