Chapitre 3

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 Sophie tique lorsque je parle de Lilian. Je sors avec lui depuis le début de l'année scolaire. Et elle commence tout juste à devenir sérieuse. Bien entendu, nous ne nous affichons pas. Je n'étais qu'une Princesse de second plan, certes. Mais mes agissements auraient pu nuire à ma famille si je ne faisais pas attention. Je connais de nombreux journalistes en mal de scoop qui serait capable de faire les gros titres avec une photos de moi buvant un café en ville. Avec des légendes, on peut stimuler les esprits et faire croire à n'importe quoi.

Je ne voulais pas de ça avec Lilian, même si nous savions qu'il y avait un risque. Ma relation avec lui est plus que compromise. Je pourrais en parler avec Père, mais que dirait-il ? Je doute qu'il fasse des concessions avec ce qu'il s'est passé avec Marc. J'affectionne Lilian, énormément. Mais je ne sais si je risquerai la colère de mon père pour sauver notre liaison. J'ai besoin d'y réfléchir. Je ne sais pas quoi faire. Sophie pose une main sur la mienne.

– Lila, n'y pense pas tout de suite. Attends que tout ça se tasse dans la journée, d'accord.

Je soupire et j'acquiesce d'un signe de tête. Elle a raison, je dois me concentrer sur ce qu'il m'arrive maintenant. Je dois remettre mes idées en place et réaliser ce qui me tombe dessus : une météorite enflammée que je ne peux ni déviée ni évitée. J'essaie de mettre ce mal-être oppressant de côté, cette frustration de ne plus avoir aucun contrôle sur ma vie ou ce que je veux faire. Je hais ce sentiment.

Je finis par entrer dans ma chambre pour m'arrêter immédiatement. Devant moi, deux suivantes, deux gardes et un conseilles s'inclinent. Le conseiller s'approche de moi avant de me regarder avec un sourire. Mes vieux cours d'étiquette font surface dans mon esprit et je lui tends la main. Après un baise-main très cérémonieux, il se tourne vers mon amie.

– Dame Sophie, un garde va vous accompagner dans vous nouveaux appartements. Vous pourrez enfiler une tenue qui sierra plus à votre nouveau rang.

Ma dame de compagnie reste un instant pétrifiée, étonnée, avant de suivre l'un des deux gardes. À son sourire, je sens son excitation. Elle est ma Dame de compagnie, et non plus ma suivante. Elle a maintenant droit à des privilèges qu'elle n'avait pas. Et je suis heureuse que Père ait pensé à elle dans sa pseudo négociation.

Une fois Sophie parti, le conseiller se pousse pour me laisser passer derrière le paravent. Je dois changer de vêtements, paraît-il. Il reprend alors que je me déshabille pour enfiler une robe digne d'une tenue de soirée, une véritable robe de Princesse comme on en voit dans les films. Ce n'est clairement pas le genre de tenue que je porte habituellement.

– Altesse, après vous être habillée, nous vous servirons une collation. Les cuisiniers nous ont signifié que vous n'aviez pas encore déjeuné.

Je ne suis pas accoutumé à ce ton cérémonieux, non plus, ni au fait qu'on surveille le moindre de mes gestes. Il y a encore vingt-quatre heures, on ne surveillait pas mes prises de repas. Je prends sur moi, mais je sens que tout cela va vite m'agacer.

– Dans une heure, vous aurez une première leçon de maintien et de danse. Après le repas, vos professeurs de langages et d'étiquette se présenteront à vous à leur tour. Je sais que tout cela est un grand changement, votre Grâce. Aussi, si je peux vous être utile en quoi que ce soit, n'hésitez pas à me le faire savoir.

Une de mes femmes de chambre serre mon corset au moment où elle termine, tellement fort que je hoquette. Je peine à respirer quelques instants et je ne réponds pas au conseiller. Il finit par se racler la gorge.

– Je vous laisse votre Altesse, vous avez une journée bien chargée. Je laisse les documents d'informations sur votre bureau, si l'envie vous vient d'y jeter un coup d'oeil. Si besoin, je ne serai jamais loin.

Je l'entends faire quelques pas et sortir de la chambre. J'ai l'impression de mettre un temps fou à m'habiller. Mais les gestes des demoiselles chargées de m'habiller sont rapides et précis, et je me retrouve rapidement vêtue d'une longue robe bleu pâle, au final assez simple comparée à ce que j'ai pu voir dans des films princiers comme Sissi, qui est toujours habillée de manière splendide. On me présente des petits escarpins assortis à la robe que j'enfile.

Sans un mot, l'une des deux demoiselles m'emmènent vers la coiffeuse. Une se charge du maquillage, l'autre de mes longs cheveux bruns. Je suis surprise de la vitesse à laquelle elles me préparent avant de m'emmener de nouveau devant le grand miroir au fond de ma chambre. En quelques coups de peigne et de pinceaux, elles m'ont métamorphosée. La crinière a été brossé et est maintenu dans un chignon simple serré, le maquillage est très naturelle, cachant les quelques imperfections de ma peau et mes tache de rousseur, faisant ressortir mes grands yeux noisettes. Je peine à réaliser que je suis bien devant mon reflet. J'en oublie quelques secondes mes ennuis du moment, tournant sur moi-même dans un instant de frivolité.

Deux coups à ma porte me font sursauter et me ramène à une réalité que je ne veux vivre. Il y a des jours où j'aimerais m'enfuir dans mes rêves. Sophie entre, coiffée et habillé de la même manière que moi, la tenue étant plus simple. Elle me sourit sans un mot. Elle et moi auront des choses à nous dire lorsque nous seront seules. Un garde s'incline devant moi et me tend la main.

– J'ai reçu l'ordre de vous prendre votre téléphone, votre Altesse. Dans un souci de confidentialité et de peur qu'il y ait certaines fuites, votre Père a pris cette décision pour vous protéger de vos détracteurs.

Mes détracteurs ? Je ne crois pas en avoir. La couronne en a quelques uns, mais moi ? Non ! Je n'avais pas d'importance avant aujourd'hui, j'aimerais le lui rappeler. Avant que je ne dise quoi que ce soit, une de mes domestiques attrape mon mobile et lui tend. Comment vais-je pouvoir parler de la situation à Lilian ? Peut-être pourrais-je le joindre avec le téléphone de Sophie ? Mais, le garde confisque également le sien. Plus aucun espoir de joindre mon petit ami pour le moment.

Résignée, pour le moment, je suis Sophie au petit salon bleu, adjacent à ma chambre, afin que nous puissions nous sustenter. Autant réfléchir à tout cela le ventre plein.

***

Les dernières heures ont passé à une vitesse affolante. Je n'ai pas eu le temps de penser à ma condition, ni même à quel dessert je prendrai au repas du soir. Maintien, valse, étiquette, diplomatie, les mots à dire ou ne pas dire, tout cela m'a épuisée. J'ai cherché à parler à mon père toute la journée, pour plaider ma cause perdue et éventuellement lui parler de Lilian. Mais j'ai déjeuné et dîné en tête à tête avec Sophie, sans le croiser une seule fois dans la journée.

La soirée est plutôt avancée lorsque je rejoins enfin ma chambre. Je renvoie mes femmes de chambre, étant d'humeur solitaire ce soir. J'enlève une à une les épingles qui retiennent ma lourde chevelure. Après un lourd soupir, je m'installe à ma coiffeuse et tire une lingette démaquillante pour nettoyer mon visage.

C'est à cet instant qu'un coup se fait sur ma vitre. Je pense d'abord à un oiseau, mais le bruit se répète à deux reprises. Mon visage s'illumine d'un sourire joyeux. J'ouvre la fenêtre et baisse le regard. Il est là. Il se sert de la gouttière pour monter et je recule pour le laisser entrer.

Au moment où je vais pour me blottir dans ses bras, son air sombre et déterminé m'arrête. Je fronce les sourcils. Il y a un problème. 

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