Princess Show

Chapitre 4

Je fixe Lilian, désemparée. Un mauvais pressentiment s'empare de moi. Je n'aime pas ce sérieux peint sur son visage. Il reste volontairement loin de moi. Je crois deviner la raison de sa présence. Mais je ne me l'admettrais que lorsqu'il l'aura dit. Pour le moment, je reste silencieuse, attendant dignement la sentence. Il soupire et passe une main dans les cheveux. Il est gêné, mais sans doute moins que moi.

– Lila, écoute... Je t'apprécie beaucoup. Mais, vu les circonstances, je préfère qu'on s'arrête là. Je ne t'affectionne pas au point de me battre contre la Couronne.

Je m'en doutais. Je m'étais résignée à prendre le risque de parler de lui à mon père. Au final, c'est lui qui me quitte. Enveloppée dans ma dignité, je ne lui réponds pas. Je serre quelques secondes la mâchoire pour ne pas répliquer. J'estime qu'il ne mérite pas un mot de ma part. Il n'en a même pas discuté avec moi, il a pris la décision seul. Il finit par soupirer et fait un pas vers moi. Je me raidis et recule. Je secoue la tête. Il comprend sans doute que je ne lui parlerai pas. Étrangement voûté, il tourne les talons et passent de nouveau par la fenêtre. J'attends quelques secondes avant de la fermer derrière lui.

Meurtrie, je me change avec des gestes automatiques. Ce n'est que lorsque je me glisse dans mon lit que la première larme coule. Bien sûr, j'ai retourné la situation dans ma tête toute la journée. J'ai vite abandonné l'idée de le quitter sans parler avec lui de tout ce qu'il se passait. Même si notre relation était récente, j'avais envie de voir jusqu'où nous pouvions aller. Mais ce n'était de toute évidence pas son cas. Triste et blessée dans mon amour-propre, je pleure longuement, en silence, pendant une partie de la nuit, avant de m'endormir, épuisée.

***

– La prochaine fois, appelle-moi, tu pourras parler. Et tu n'auras pas l'air si dévastée. Regarde-toi, tu as des cernes énormes. J'espère que tes femmes des chambre savent manier le fond de teint.

J'ai peu dormi et cela se voit sur mon visage. La demoiselle qui s'occupe de mon maquillage a un sourire et lève la tête vers mon amie.

– Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle, son teint sera parfait.

Très vite, elle cache les poches que j'ai sous les yeux, me rendant fraîche et lumineuse en l'espace de quelques instants. Le maquillage est plus appuyé qu'hier et pour cause : je dois participer à la conférence de presse donné par Père en milieu de matinée, soit dans moins d'une demie heure. En y pensant, mon cœur se serre d'angoisse. Mais je suis prête, enfin je crois l'être. Si la rupture de cette nuit m'a bouleversée, elle m'a convaincue de suivre les directives de mon père, du moins, pour le moment. Je ne me marierai que par amour. Et je doute qu'il me tombe dessus en une poignée de jours.

Mes suivantes terminent de me préparer avant de quitter discrètement la chambre. Mais Sophie et moi n'avons pas le temps de discuter. Quelques secondes après leur départ, on frappe à la porte. Le conseiller entre et s'incline devant moi. Je me lève. Il est temps, je le sais.

– Majesté, la conférence de presse va bientôt commencer. Je me permets de dire à son Altesse qu'elle est splendide.

J'ai un sourire, sans joie et acquiesce d'un signe de tête. La robe blanche que je porte ressemble à une robe de mariée, du genre qui me faisait rêver lorsque j'étais enfant. Blanche, pour symboliser non pas ma virginité, bien que ce soit le cas, mais la pureté de mon esprit et ma dévotion au Royaume d'Ilanya.

Le conseiller nous emmène dans la pièce adjacente aux jardins extérieures, où a lieu la conférence de presse. Sophie ajuste la fausse fourrure blanche qui recouvre mes épaules. Nous sommes en plein hiver et le temps, bien que clément, nous apporte son lot de froid.

J'entends le silence se faire de l'autre côté des porte. Mon cœur bat la chamade. J'entends mon père s'exprimer, mais je ne l'écoute pas, trop occupée à prendre de profondes inspirations pour me calmer. Lorsque je me retourne, Sophie n'est plus là. Je déglutis. Je dois rester calme et digne. Mes décisions ont maintenant un impact sur le Royaume, mon père me l'a bien fait comprendre. Et même si je n'approuve toujours pas cette décision, je suivrai cette route pour le moment.

Soudain, les porte s'ouvrent devant moi, et je suis aveuglée par les flashs des appareils photos. Je reste impassible, sans bouger, l'espace de quelques secondes, avant d'avancer vers mon Père qui tend la main vers moi. Avant de la prendre, je m'incline. Un sourire se peint sur mon visage. Malheureusement, sur un point, il avait raison : je tiens bien mon rôle et j'ai bien appris mes leçons.

Beaucoup de photos sont prises, mais, avant qu'on ne puisse me poser la moindre question, le conseiller me fait sortir par l'arrière. J'entends Père dire que je répondrais à toutes les questions dans les jours qui suivent, mais qu'actuellement, j'ai encore beaucoup à faire pour me préparer à la soirée qui m'attend.

Le conseiller m'emmène dans le bureau de mon père avant de s'incliner.

– Son Altesse votre Père vous rejoindra dans quelques instants, Majesté. Il vous demande de l'attendre. N'hésitez pas à demander si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Après une énième révérence, il va pour partir quand une illumination éclaire mon esprit.

– Excusez-moi, mais quel est votre nom ? Je ne vais pas vous appeler Monsieur le conseiller pendant des lustres.

Il a un sourire, je le sens un peu ému.

– Bastien, Majesté. Vous pouvez m'appeler Bastien.

Je lui souris à mon tour et il quitte la pièce. Entre son départ et l'arrivée du Roi, il me semble qu'il s'est passé une éternité, alors qu'il n'y a que quelques minutes qui se sont écoulées. Il me sourit, semblant détendu. C'est que la conférence de Presse s'est bien passée pour lui. Sans un mot, il sort une pile de dossiers qu'il me tend.

– Vous trouverez ici toutes les informations nécessaires sur vos douze prétendants. Ils arriveront dans l'après-midi, mais vous ne les verrez que pour l'émission de ce soir. Je ne suis pas un monstre, j'aimerais que vous sachiez à quoi vous attendre. Peut-être que cela vous permettra de faire un premier choix.

Mes prétendants. Je vais pouvoir aviser tout cela et avoir un peu de recul pour la soirée. Je vais aussi voir à quoi ils ressemblent, et, pour je ne sais quelle raison, cette idée me terrifie.