Chapitre 2

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Je suis choquée pendant quelques secondes, le temps que tout se mette en place dans mon esprit. Est-ce une blague de mauvais goût ? En réalité, je préférerais. Mais, vu l'air sombre qu'affiche père, c'est la vérité. Je ne peux y croire ! Mon frère est incapable de faire une chose pareil ! Il a trop de respect pour la Couronne pour ça. Du moins, c'est ce qu'il a toujours montré. Il ne peut s'être enfui ! De plus, mes parents sont assez ouverts pour accepter n'importe quelle femme comme la sienne, non ?

Choquée, je me tourne d'abord vers Sophie, qui se tient toujours la tête baissée, derrière moi. Puis, je fixe mon père qui garde son air sérieux. Ce n'est pas une plaisanterie. Mon frère a vraiment fui. Je déglutis. Je ne veux pas être l'Héritière ! Je refuse de l'être. Mon frère a été élevé dans le but de devenir le futur Roi ! Je ne suis que sa sœur cadette, je n'ai pas eu toute cette éducation qu'il a eu, lui ! L'angoisse me sert le ventre. Je me sens mal d'un coup. Mon cœur s'emballe. Je ne peux pas. Je secoue la tête, lentement.

– Père, je ne peux pas. Marc était fait pour ça, pas moi !

Il a un léger sourire. Il semble vouloir me rassurer, mais comment le pourrait-il ? J'ai une vie de loin plus calme que celle de mon frère. Je vais à la faculté, j'ai une vie normale malgré mon statut de Princesse. Je n'ai pas été éduquée dans cette optique !

– Vous êtes capable, ma fille. Et vous n'avez guère le choix. Sans vous, le royaume irait droit dans un mur. Votre frère était l'évidence, vous êtes notre ultime espoir, je sais que vous ne nous décevrez pas.

Quand a-t-il commencé à me vouvoyer ? Il ne l'a jamais fait avec moi. Il vouvoyait mon frère, pour une histoire de protocole, mais moi, jamais. Sa décision est prise et je la sais irrévocable. Et je n'ai pas mon mot à dire sur le sujet. Si je refuse la couronne, le Conseil devra choisir un nouveau Roi à la mort de mon père et cela risque d'embraser l'Europe. C'est un risque que mon père ne veut pas courir. Je ne le souhaite pas non plus, idéalement. Mais entre cela et porter le lourd poids de la Royauté, j'avoue que mon cœur pourrait balancer.

L'angoisse m'enlace comme une vieille amie. Je me sens mal, j'ai la nausée. Je sens une boule se former au creux de mon ventre. J'aimerais pouvoir blâmer mon frère. Cependant, même si je n'approuve ni ne comprends son geste, je n'arrive pas à lui en vouloir. Sa fuite me met dans une position que je n'apprécie pas, mais que je n'ai pas le choix de subir. Devant mon silence, mon père enchaîne.

– Aujourd'hui, vous recevrez tous les cours qui vous serons nécessaire pour bien mener le début de votre entrée à la Cour en tant qu'Héritière. Vous êtes intelligente, Lila, je sais que vous y arriverez sans problème. Demain, les équipes de télévisions viendront poser leur matériel et installer tout ce qu'il leur faudra pour leur émission.

Une émission ? Que me cache-t-on encore ? Devant mon air surpris, il a un sourire des plus sécurisant. Mais il a l'effet inverse sur moi. La dernière fois qu'il a eu ce genre de sourire, si on oublie celui qu'il a eu en m'annonçant que je suis l'Héritière, c'était pour une des rares fois où j'ai dû exposer en public les raisons de l'instauration de l'uniforme scolaire une heure avant la conférence de presse. Je ne fais nullement confiance à ce genre de rictus venant de sa part. Je connais mon père, je sais qu'il m'aime. Mais je sais aussi qu'il sait très bien manipuler.

– Et bien, nous devons faire oublier au peuple la défection de ton frère aîné. C'est pourquoi une émission de télévision sera diffusée pendant une dizaine de jours. Emission où tu rencontreras tes prétendants et où, à la fin, tu choisiras ton futur époux.

Je veux bien être ouverte d'esprit, mais là, non. Je me lève de ma chaise, outrée, et fixe mon père, le cœur battant à tout rompre.

– Choisir mon futur époux, en moins de dix jours ? Mais Père, c'est impossible ! Je refuse de me marier avec un homme que je n'aimerais pas !

Son visage se durcit, il fronce les sourcils, décidé à m'imposer les choses. Il se lève à son tour et me fait face, de toute sa hauteur, l'autorité marquant son visage aux traits déjà dur et au regard de glace.

– Et pourtant, vous le choisirez, ma fille ! Vous apprendrez à l'aimer. Pensez que votre mère et moi-même n'avons guère eu le choix. Soyez raisonnable ma fille. De mes deux enfants, vous avez toujours été celle qui était la plus sage. Je sais que vous vous plierez à cette décision.

Me plier à ses décisions pour le bien du Royaume, ce n'est pas ce pourquoi j'ai été élevé. On m'a toujours dit que je passerai en second, qu'on ne s'intéresserait pas à moi, et aujourd'hui, me voilà propulsée au premier plan, devant les médias, devant notre Peuple, sans avoir mon mot à dire. Tout cela bien entendu est fait pour le bien de notre petite nation.

Deux coups sont donnés à la porte. Un domestique entre et tend un mot à mon père, qui le lit rapidement. Il se tourne vers moi.

– Vous êtes attendue dans vos appartement. Votre tenue du jour et vos deux nouvelles servantes sont arrivées. Quant à mademoiselle Sophie, elle sera dés aujourd'hui votre dame de compagnie. Je sais à quel point vous êtes proches, et cette nomination tombe à pic, je dois dire.

Sophie, rouge comme une pivoine, s'incline devant mon Père en signe de remerciement. Il nous fait signe de sortir, se replongeant dans ses papiers comme si de rien n'était. Je retourne à mes appartement au ralenti, marchant au pas, comme paralysée par la nouvelle. Angoissée, meurtrie faute d'écoute, je sens de la colère monter en moi. Pourquoi ? Pourquoi dois-je porter le poids des erreurs de mon frère ? C'est injuste ! Mais je ne peux rien dire, seulement garder cette colère en moi comme une plaie béante et profonde que je dois camoufler à tout prix.

Devant la porte, je pose la main sur la poignée, tremblante. Sophie vient me soutenir et m'interroge du regard. Je déglutis. Je parviens à parler au bout de quelques secondes.

– Et Lilian... Comment vais-je lui dire ? 

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