Chapitre 2

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 Peut-être qu'un jour, quand je raconterai mon histoire, on me traitera de lâche, mais je ne pouvais plus rester. J'ai voyagé pendant des semaines et des semaines à pied, cherchant un endroit qui me correspondait, et où je pourrais refaire ma vie.

Je suis finalement tombé sur ce charmant endroit qu'est la ville de Londres. Avec ses habitants, ses hommes de lettres, politiciens, femmes de chambres... C'est une ville toujours animée, Londres... Je ne m'y sentais jamais seul, mais il faut dire que je ne restais que très peu chez moi. Je dînais chez l'un, allais au casino avec l'autre, partais déjeuner au café, allais au théâtre, puis me rendais chez mon amie Ambrose pour prendre le thé, sortais de son salon avec une jolie dame et l'invitais à dîner. Enfin, vers le milieu de la nuit, je m'endormais, ivre de ce rythme effréné que je reprenais tous les jours.

Quelques mois plus tard, alors que je rentrais dans mon petit appartement, je croisai le vieux fou qui habitait juste à côté, malheur à moi. Il aurait dû partir à l'asile il y a bien longtemps, ce vieux détraqué. Toujours à prononcer des paroles étranges, des incantations maléfiques, sans doute. Ce monsieur-là me rappelait ma famille, et à chaque fois que je le voyais, ou bien que je l'entendais, une bouffée de haine remontait jusqu'à mon visage, colorait mes joues d'une teinte de rage, et pour me calmer, il fallait vite que je m'en aille.

Le vieil homme semblait très perturbé ce jour-là. Il me saisit le bras, comme s'il s'y agrippait pour rester en vie, et dans un mouvement désespéré, comme s'il avait vu un spectre, il me murmura : « Cette haine...que tu as en toi... est perceptible à des kilomètres à la ronde...fais attention...ils la sentent...et ils seront bientôt là. »

Pensant qu'il avait passé beaucoup trop de temps enfermé, exposé à ses vapeurs toxiques se dégageant des produits que les fous utilisent, je lui répondis : « Mon bon monsieur, je ne comprends absolument rien à ce que vous me chantez-là... Vous êtes tous simplement drogué et tout juste bon pour faire un petit somme. Laissez-moi vous raccompagner jusqu'... » Mais il me coupa en s'écriant : « Noble crétin, ne comprenez-vous donc pas de qui je parle ? Vous n'avez aucun savoir, par Dieu, mais je suis déjà mort pour avoir parlé. » Ce fut la dernière parole qu'il prononça avant de s'écrouler.

Après avoir appelé le médecin, alors que je m'en allais vers ma porte, quelque chose m'attrapa le pied. Pris de peur, je me retournai vivement et regardai mon pied. Mais il n'y avait rien, rien du tout. Mon pied était libre et bougeait normalement. Pensant que le vieux fou déteignait sur moi, je pris une grande inspiration, et me dis que tout cela n'était que le fruit de mon imagination. Et c'était bien vrai, une quinzaine de minute plus tard, j'étais prêt à aller prendre mon thé chez Ambrose. 

Un compagnon de voyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant