Chapitre 15

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Je me laisse bercer par les soubresauts de la voiture. Les mains enfoncées dans le poil chaud de ma chienne. Des brides des conversations remontent à la surface de mon esprit et éclatent quand elles prennent enfin du sens.

"-C'est aussi comme ça que tu es revenu à la pêche, Marin.

-Oui. Dans un sens, il y a du positif pour moi aussi. Je le sais. Adèle, poursuit-il en se tournant vers sa sœur, tu ne pourras pas m'empêcher de m'en vouloir. Je travaille là-dessus, mais y'a encore du boulot."

Cet homme me plait. Chaque nouvelle découverte renforce l'attirance qui se déploie dans mon esprit et dans mes tripes. Oh, il n'est pas tout propret comme je l'imaginais à première vue, debout sur le pont de son bateau. Il a des failles, des faiblesses et les ongles noirs, métaphoriquement.

Les révélations d'Adèle n'ont choqué personne. Il n'y a pas de secret. Cette femme, comme tous les membres de leur famille, de leur tribu, ont l'habitude de parler. Les mots n'effraient personne, les émotions sont vécues, énoncées, et non pas enfouies comme des maladies vénériennes.

Yan babille à l'arrière du véhicule. Un peu éméchée, je suis douloureusement consciente de la présence de Marin à ma gauche. Je perçois comme une caresse potentielle chaque changement de vitesse. Sa main à quelques centimètres de ma cuisse. Je devrais me secouer et lui donner des indications claires de ce que je veux. Le rhum d'Adèle m'engourdie et je profite du brouillard.

Quand Yan se tait, Marin monte le son de la musique et l'ambiance change encore. Je m'enfonce dans ma capuche et dans mon esprit, à l'aise. Cela fait si longtemps que je n'ai pas été détendue comme ça. D'ordinaire mon hyperacuité à la présence d'autres personnes m'enferme dans une maîtrise permanente. Epuisante. Là, je suis juste bien.

Et le rhum n'a rien à voir là-dedans.

-Tu vas où Marin ?!

Je sursaute à la réaction de Yan.

-Il se passe quoi ?

-Je ne sais pas, demande au capitaine !

Evidemment je n'ai pas le temps de tourner ma tete vers Marin, que Yan enchaine.

-Il n'a pas tourné au bon endroit ! on est sur une presqu'ile, y'a qu'une route et il a trouvé le moyen de se tromper.

Je me marre devant l'air renfrogné que prennent les sourcils de Marin.

-C'est bon Yan, je me suis trompé, remet toi, je te dépose dans deux minutes et je fais demi tour !

-ça fait un détour, c'est tout.

-Remet toi, Yan.

Marin a grogné cette dernière phrase entre ses dents. Je ne vois pas où est le problème compte tenu que je n'ai absolument pas suivi le trajet, perdue dans mes pensées. Les voir se chicaner pour si peu est risible, et apercevoir fugacement un air boudeur sur le visage de Marin, là, c'est carrément irrésistible.

Yan se rencogne dans son siège. Quelques minutes plus tard, Marin se gare devant la grille d'une résidence moderne.

-Salut Léo ! à demain peut-etre au café ! Yan me pose une main sur l'épaule dans un geste amical avant de sortir de la voiture.

Marin redémarre après un geste de tête en direction de son petit frère. Et il ne revient pas sur nos pas.

-Tu m'emmènes chez toi ?

-oui.

Voilà qui est prometteur.

-Pas de faux semblant Monsieur le marin.

-Non, ce n'est pas trop le genre de la maison.

Un petit silence crépite entre nous.

-Mais tu n'as qu'un mot à dire et je change de direction.

J'apprécie la précision. Elle est inutile vu l'effet dans lequel me met l'idée d'aller chez lui.

-ça ira, Marin.

On laisse la voiture au bout d'une allée, en bord de mer. La ruelle est déserte et le clapotis de l'eau accompagne nos pas. Tout me parait normal. Je suis à ma place, dans cette ruelle, en direction de la maison de bord de mer de ce mec viril, sensible, taiseux et franc.

Marin pousse le portillon d'une maison basse. Volets vert, jardinet, arrière-cours sur la mer, ce cliché est délicieux.

L'impatience se glisse sous mon pull aussi surement qu'un frisson atteint mes reins quand je frôle Marin pour entrer.

Je fais le tour de la pièce principale, longe la table et le banc en bois qui en occupe le centre. Pas mal.

-C'est chaleureux.

-Oui, c'est la maison de famille.

-Vous avez grandi ici ?

Ça parait petit pour une famille de cinq. J'imagine un Marin et une Adèle poursuivit par un minuscule Yan qui ne veut pas les lâcher d'une semelle autour de cette grande table. Une porte semble mener vers une autre pièce.

-Il y a deux chambres et une sorte de bureau, ça allait. Surtout, c'était la maison de nos grand-parents et de leurs parents encore avant ça. Avec le tourisme et tout ça, plus personne ne peut se payer une maison ici maintenant. Alors mes parents étaient déjà heureux de pouvoir rester. Tu veux que je te fasse visiter ?

Je le suis et découvre une déco masculine, des livres, des étagères de cds, mais aussi des plantes vertes dans chaque recoin. Je ne fais bientôt plus attention aux pièces que je traverse. On danse. Je sens son corps dans mon sillage. Il tourne autour d'un meuble, je suis à revers. Quand je recule de trois pas, il vient au devant, et je prends un plaisir certain à ne pas éviter les chocs. La visite prend des airs de parade nuptiale à mesure que nos corps ne s'évitent plus. Ils cherchent le contact. Lorsque je jette un œil dans ce qui doit être une chambre d'ami, je me retrouve bloquée contre le chambranle.

Son torse me maintien contre le bois. Je hausse le menton pour croiser son regard, lourd et prometteur. Il penche son menton. Sa barbe frotte contre mon oreille, précipitant une floppée d'étincelle dans son sillage.

-On continue ?

Je ne sais plus de quoi il parle. Je suis trop occupée à compter les fourmis qui remontent dans mon ventre. Mon souffle est court et je me retiens de glisser ma langue dans le cou tendu devant mes lèvres. Je suivrais cette pente, jusqu'au creux de l'oreille, y glisserait mon souffle avant de déposer mes lèvres derrière le lobe, l'affleurant de mes dents, jusqu'à le rendre fou.

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Alors, "on continue ?"

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Ps: la vie est sens dessus dessous pour le moment mais je ne désespère pas de revenir avec de nouveaux chapitres dans quelques temps ! À bientôt ✨⚓ !
Charlotte

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 09, 2022 ⏰

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