Miranda était passée me rendre visite l'après-midi avant le bal. Nous prenions le thé dans l'un des salons du manoir et la jeune femme peinait à camoufler son impatience. Il fallait dire, pour sa défense, qu'elle avait déjà repoussé son entrée d'une année.
— J'ai entendu dire que Mathilda Bonneron faisait également son entrée, dit-elle avec un reniflement méprisant.
— Maintenant que vous en parlez, dis-je en me remémorant ma rencontre avec elle, je l'ai croisée lors de ma visite chez le bijoutier.
Miranda fit un cercle parfait avec ses lèvres et m'interrogea du regard, l'air taquin. Cependant, je me contentai de hausser les épaules.
— Elle n'avait pas l'air de beaucoup m'apprécier. Mais, dans la mesure où je n'ai pas le moindre souvenir d'elle, cela ne m'a pas fait grand-chose, avouai-je.
— Pour une fois que je vous envie, rit-elle. Mathilda est une personne tout à fait méprisable, et méprisante, ajouta-t-elle aussitôt. Je suis vraiment embêtée qu'elle fasse son entrée en même temps que nous.
— Vous le serez d'autant plus lorsque je vous confierai ce que sa mère nous a dit.
Cette fois, elle posa sa tasse et se pencha vers moi, ses grands yeux azurés me détaillant avec intérêt.
— Il semblerait que sa mère ait conclu un accord avec la Reine. D'une façon ou d'une autre, Mathilda et le Prince sont déjà presque fiancés.
— Oh quel dommage ! Pour lui, bien sûr. Sa vie sera bien misérable avec une épouse pareille.
Je me mise à rire et elle en fit de même. Étonnamment, j'appréciais de plus en plus ces moments, autant que Miranda elle-même. Elle devenait une véritable amie et, finalement, je peinais à savoir si les souvenirs de Lucinia en étaient la cause ou si, plus simplement, j'appréciais sa personne. En fin de compte, je supposai que c'était un mélange des deux. Entre l'affection qu'elle me témoignait et le plaisir que revêtait sa compagnie, il était difficile de ne pas l'apprécier.
— Je pensais que le Prince vous intéressait davantage.
Elle haussa légèrement les épaules, un sourire mutin sur les lèvres.
— Il ne manque pas de prétendants et je ne pense pas avoir besoin d'un prince pour être comblée.
— Comme vous êtes raisonnable.
— Je le sais bien, soupira-t-elle d'un ton qui se voulait exaspéré. Ma raison ne cesse de l'emporter sur mes passions. C'est assurément pour cela que j'ai patienté une année pour faire mon entrée dans le monde, convaincue que vous sortiriez de votre torpeur.
— Peut-être étiez-vous la plus raisonnable. Après tout, j'en suis sortie.
— Je n'en ai jamais douté, sourit-elle. Parfois, j'ai eu peur, je le reconnais volontiers, mais j'étais certaine que vous nous reviendriez.
Sa voix, un peu ébranlée, me toucha plus que de raison. Un silence ému envahit alors la pièce. Ce fut Miranda qui le rompit en croquant dans un biscuit. Après cela, notre conversation reprit.
— J'y pense, demanda-t-elle distraitement, votre frère sera-t-il présent ? Il paraît que votre mère insiste pour qu'il trouve une épouse, lui aussi.
— En effet, mais Cassian n'a pas l'air pressé.
Elle ne répondit pas et je l'observai discrètement, les yeux plissés. Mon intuition me trompait rarement, mais je n'avais pas envie de mettre Miranda dans l'embarras. Ainsi, je ne fis aucune remarque, me contentant de finir ma tasse de thé. Cependant, je me promis silencieusement d'inciter Cassian à lui dédier une danse ou deux. Si mon instinct ne me trompait pas, Miranda en serait incontestablement ravie.
VOUS LISEZ
Réincarnée [Sous contrat d'édition]
RomanceComment réagiriez-vous si vous étiez propulsée dans un monde inconnu ? Après avoir été heurtée par une voiture, elle se réveille dans un lit, un monde et un corps qui ne sont pas les siens. Entre la crainte et la culpabilité, la récemment nommée Luc...