1. Le temple

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Il faisait une chaleur écrasante au soleil. Les cigales chantaient, et les dalles de pierre blanche du temple brillait d'un éclat si violent qu'il fallait couvrir ses yeux pour ne pas être aveuglé. Des jours si chauds en plein printemps, alors que l'été n'était malgré tout pas si près que ça, c'était rare. Et pendant que le temps était si pesant, il y avait toujours cours. Pour tout le monde.

« C'est pas vrai... » jura Aran intérieurement en finissant d'une gorgée la bouteille d'eau qu'il avait acheté à la supérette en face du campus de l'université. D'habitude, il résistait assez bien aux températures élevées mais aujourd'hui, il était fatigué au-delà du possible et d'une assez méchante humeur. Et cette bouteille d'eau ne l'avait pas aidé à se sentir mieux... Il essuya les gouttes qui dégoulinaient de son menton d'un geste rageur. Il ferait mieux de retourner chez lui. La journée avait été rude et il pourrait se changer les idées une fois la clim allumée.

Ojiro Aran, 22 ans et étudiant à l'université, était un bon garçon. Ami avec tout le monde, jouissant d'une certaine popularité parmi ses paires et même auprès des professeurs, il n'avait pour ainsi dire aucun vrai problème d'ordre social. Il n'avait jamais trouvé compliqué de parler aux autres ou de s'intégrer, alors même qu'il tranchait clairement parmi les jeunes japonais de son âge : il était grand, plus épais que la moyenne et il y avait aussi sa couleur de peau qui faisait qu'on le remarquait facilement. Aran avait cependant toujours assez bien réussis à se mêler aux autres et à se faire apprécier. Et étant un grand sportif, il avait également pas mal de succès auprès de la gent féminine. Seulement...

Aran s'étira en grognant, et les lanières de son sac à dos glissèrent sur ses épaules dénudés par le débardeur que la chaleur l'avait forcé à porter. Il n'avait pas pensé à cet aspect de sa vie comme un problème jusqu'à récemment mais... Sa vie romantique était en fait inexistante. Il faut dire que ce n'était vraiment pas quelque chose qui l'intéressait plus que ça, et il ne courait pas vraiment après l'amour non plus. Disons que pour lui, c'était loin d'être nécessaire. Mais au fond... L'idée l'intriguait quand même un peu. Et plus le temps passait, plus on le confrontait à son célibat, ce qui lui faisait l'effet assez désagréable d'une douche froide.

Il y avait eu sa famille, en premier. Toujours à le taquiner, à le titiller et à le harceler de questions pour savoir quand allait se terminer sa longue vie de célibataire. Il se mordilla la lèvre et se laissa tomber sur un des bancs du temple, décidant finalement qu'il pouvait bien attendre un peu avant de rentrer chez lui. Cette partie était déjà assez dure à gérer, mais ce n'était pas grand-chose comparé à ses camarades de l'université. Franchement, il commençait à en avoir un peu marre et ses ennuis avaient commencés à la suite d'une stupide maladresse.









-... Des conseils en amour ?

Il regarda l'expression suppliante de son ami Akagi d'un air perplexe. Ils étaient en plein milieu de la cafétéria et s'apprêtaient à prendre leur déjeuner quand il l'avait surpris avec cette question.

- Ben oui, gémit Akagi en abattant son plateau sur une table le plus fort possible, histoire de bien se faire remarquer par les autres élèves. Tu es, comme, expert sur le sujet pas vrai ? Il y a toujours plein de filles qui viennent te voir à l'entraînement !

Aran soupira, posa son plateau et son sac près de ceux d'Akagi et se redressa en croisant les bras, assez mal à l'aise.

- C'est-à-dire que... Je ne suis jamais sortis avec personne donc-

- QUOI ???? T'ES JAMAIS SORTIS AVEC PERSONNE ????

« Vas-y crie plus fort... » pensa Aran avec exaspération en voyant des yeux ronds se tourner vers lui.

- Tu as bien compris, alors demande à quelqu'un d'autre, trancha-t-il en s'asseyant le plus naturellement possible à sa place, essayant d'ignorer qu'il était devenu l'objet principal de l'attention.

Akagi se laissa tomber sur sa chaise et le fixa sans rien dire pendant une dizaines de secondes. Il y avait maintenant dans tout le réfectoire un silence assez gênant et Aran se mit à manger plus rapidement pour pouvoir vite échapper à l'atmosphère pesante.

-... Tu veux que je te présente quelqu'un ?

Aran en laissa tomber sa cuillère dans son curry.

- Pardon ? fit-il en haussant un sourcil.

- Je connais pas mal de filles sympas si tu veux. Je peux t'aider à te trouver une copine !

Aran leva les yeux aux ciel et reprit une bouchée en étouffant un ricanement.

- Eh bien quoi ? Tu viens pour des conseils et tu finis par m'en donner ?

- Je savais pas que t'avais jamais été en couple !

Aran haussa les épaules et finit son assiette en trois grandes bouchées.

- Quel importance ? Si ça doit arriver ça arrivera c'est tout. Maintenant, si tu permets...

Il se leva, embarqua rapidement son plateau et ses affaires et se sauva rapidement, sentant tout les murmures et les histoires qui se créaient dans son dos.









Pourtant depuis ce jour-là, rien n'allait plus et plus ça avançait, plus il perdait le contrôle de la situation. Entre ses amis qui le traînait à des gokkons ou il s'ennuyait à mourir tout en lui conseillant sans cesse de fréquenter de jolies filles à qui il n'avait jamais parlé et la quantité astronomique de confessions et de lettres d'amours qu'il avait commencé à recevoir, il se sentait écrasé. Aran n'avait jamais voulu se presser pour se mettre dans une relation, et sa vie amoureuse ne devrait concerner que lui, mais il y avait parfois des inconvénients à être populaire. Surtout qu'envoyer les gens bouler, c'était pas son truc, loin de là. La situation devenait compliquée pour lui. Il leva les yeux vers le ciel bleu, pensivement. Aujourd'hui, il avait rejeté une confession d'une fille plus jeune et il avait beau avoir été le plus gentil possible, il avait quand même réussis à la faire pleurer. Après ça, il avait eu le moral plombé pendant tout le reste de la journée. Il posa son menton dans le creux de sa main.

On n'aurait sans doute pas dit comme ça mais... Aran était en fait un gros romantique. Il refusait catégoriquement de sortir avec quelqu'un qu'il n'aimait pas juste pour faire plaisir aux autres, c'était contre ses principes. Quitte à commencer une relation, il voulait rencontrer la bonne personne et tomber amoureux. C'était comme ça que ça marchait, non ? Sinon, ça ne valait pas le coup.

Il y eut un coup de vent bienvenu qui vint agiter les branches de l'arbre qui abritait le banc ou il était assis et il ferma les yeux. Cependant... La situation commençait à être vraiment pénible. Alors il voulait bien un petit coup de pouce du destin, si possible.

C'est alors que ses yeux, à travers la brume de chaleur, distinguèrent l'autel. Il se creusa la tête et se souvint soudainement d'un truc qu'on lui avait dit comme une blague il y a quelques jours.

« Si t'es si désespéré, va faire une offrande au temple près de la supérette. »

Il se redressa, se grattant l'arrière du crâne. Ce temple, il passait devant à chaque fois qu'il rentrait chez lui. Il était petit et il n'y avait actuellement pas d'immense escalier pour s'y rendre, juste deux trois marches. Il se reposait souvent sur les bancs à côté, mais il n'avait actuellement jamais fait attention à ce petit bâtiment. Il se leva et marcha vers l'autel. Il était aussi petit que le reste, mais bien entretenu. Il y avait une cloche et le charme qu'entretenait tout les temples shinto. Il ne connaissait pas tout les dieux de cette religion et celui-là ne lui disait absolument rien, mais bon, il ne savait pas trop pourquoi il faisait ça, au départ. Alors sans se poser de questions, il jeta une pièce, sonna la cloche, frappa dans ses mains et pria très fort.

« Faites que je rencontre une personne que j'aime et qui m'aimeras le plus rapidement possible. »

Puis il rouvrit les yeux et se sentit un peu idiot. Finalement, il fit demi-tour et prit le chemin pour rentrer chez lui, parce qu'il faisait quand même très chaud. 

Ni le hasard, ni le destin (Arankita)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant