Un deuil en bocal

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Isidore Clause sourit en relisant les dernière ligne du journal. Cette fois encore, la propagande s'était surpassée. Par une belle et douce matinée d'octobre, alors que la pluie tentait en vain de noyer la petite ville de New Toslek sous l'acharnement d'interminables déluges. Isidore avait rejoins son vieil ami Darius pour faire le point. Et comme son agenda avait bruler, il en avait déduit qu'il était libre pour la journée. Je crois bien que, si on fouillait un peu dans le passé des deux hommes, on y trouverait largement de quoi les faire enfermer tous les deux chez les fous. Mais ils étaient loin d'être fous. Peut-être même trop loin.  

Isidore profita de cette courte pause. Ces pieds battaient la mesure de Back in the U.S.S.R qui passait à fond dans son casque. Mais même la musique ne pouvait pas l'aider à oublier cette tragédie, et son sourire disparut. Aujourd'hui encore, et surement pour tous les jours à venir, la journée serait à chier. Son poisson rouge, qui arborait autrefois le magnifique nom de Tubule, était mort dans la matinée. Ce petit con de Tubule s'était lâchement fait carboniser dans les flammes. Quelqu'un avait osé pénétrer chez lui, et enlever la vie de ce petit être innocent. Merde Tubule. La perspective de voir son poisson rouge mort dans une explosion déprimait complètement Isidore. Autre petite chose à préciser: la maison d'Isidore avait explosé. Mais la maison lui importait peu. 

Darius releva la tête pour tomber nez à nez avec le visage déprimé d'Isidore. Autour de la petite table du café du coin, "Chez Hubert", les deux amis offraient un spectacle sinistre. D'abord, un bocal vide à moitié calciné trônait au milieu de la table. Puis des dizaines de dossiers d'assurance s'étaient amassés autour d'eux, cela formait à présent des piles de papiers informes. Enfin pour finir Isidor, Isidor qui, dans toute sa maturité, s'était munis d'une feuille et avait entrepris de dessiner des petits poissons arc-en-ciel.     

- Bon maintenant va falloir te ressaisir, c'était juste un poisson. Isidore t'as 42 ans, et ta maison vient de se réduire à un tas de cendre.

- Rien à faire de la maison, toi t'es au chômage. Et moi, j'ai plus de poisson. marmonna-t-il en désignant les dettes soigneusement posé en chiffon sur la table.

- Ça va la ferme ! On ira t'en acheter un autre de poisson, de toute façon j'en peux plus de ta tête de chien battu. Après quelques secondes d'hésitation Darius ajouta. Si je t'offre ce poisson, tu m'aideras avec mes papiers ?

Isidore répondit avec un grand sourire, Darius le lui rendit. Problème résolu.   

Darius Wonskey n'insista plus sur cette étrange obsession pour les poissons et contempla les alentours pour réfléchir. Premièrement son regard s'arrêta sur son ami de toujours, Isidore. Un homme de grande taille, la coupe en brosse, des lunettes d'instituteur et une carrure qui ne collait pas du tout avec ses manières. Face à ce portrait, Darius essaya de se faire une idée de sa propre image. Lui, la quarantaine, une barbe de six jours, une insomnie sévère qui lui collait au cul depuis trois semaines et un manteau couvert de cendre. Cendre qui venait évidemment des décombres de la maison d'Isidor. Tous ces détails réunis formaient un tableau intéressant qui ne manqua certainement pas de culot. Bien sûr il est important de souligner quelque points. Tout d'abord, Darius était agent de sécurité à Carrefour, trop petit pour l'être certes, mais un agent quand même. Isidore quant à lui, travaillait aussi chez Carrefour mais en caisse. Pourquoi Carrefour me direz vous ? Parce que Lidle ne recrutait plus, et que deux types recherchés par la police devaient penser à faire profil bas.

Mais cette histoire ne parlera pas d'Isidore et de son magnifique poisson rouge, ni de Darius et de ses anormaux problèmes d'insomnie. Peut-être même qu'on ne saura jamais le qui du comment du pourquoi cette foutue maison a explosé. Cette histoire, qui est presque, quoique pas exactement, tout sauf n'importe quoi, débutera à 56 kilomètres du café "Chez Hubert". plus exactement dans une petite animalerie. Une animalerie tenue par un stagiaire, un stagiaire lui même maltraité par son patron, patron lui même assassiné il y a deux minutes par ce même malheureux stagiaire. Mais ça, c'est une toute autre affaire.     


La ligne RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant