PETIT SOLEIL DEVENU GRAND.

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Elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Ce n'était pas nouveau pour elle, elle avait toujours eu un cycle de sommeil bancal. Des nuits de 13h, des nuits d'1h... elle n'avait jamais su comprendre comment elle fonctionnait. Ceci dit, aujourd'hui il y avait une raison à son absence de sommeil : son nouvel environnement. Elle n'avait jamais été friande des changements, rêvant d'une stabilité. Alors dès qu'il y avait quelque chose qui changeait dans sa vie, elle pouvait être sûre de finir chamboulée.

« Pourquoi tu m'appelles ? Lança Nana aussitôt après avoir vu son visage apparaître sur l'écran
Pour faire le bilan du mois, p'tite tête.
On est le 21 août, qu'est-ce que tu me chantes, grogna-t-elle toujours recroquevillée dans son lit

Nana n'avait pas besoin de voir plus que le visage de Lilas pour savoir exactement ce qu'elle était en train de faire à 8h47 du matin. Assise sur la petite marche du perron devant le foyer, elle avait très probablement posé sa tasse de café à côté d'elle pendant qu'elle se fumait une clope. La fumée qui se répandait autour de son crâne rasé confirmait ses suppositions.

Cette nuit t'étais connectée sur Messenger vers 4h du matin, ce qui veut dire que t'as passé une sale nuit. Donc soit c'est une insomnie soit c'est qu'il y a eu du changement. Et j'ai pas l'air de me tromper puisque t'es encore dans ton lit, grosse marmotte !
Bien trop perspicace celle-là, souffla Nana

Elle quitta son lit pour se retrouver dans le salon. Elle mis quelques secondes à comprendre où elle était réellement. L'appartement d'Hakim, c'est vrai... Le téléphone en main, elle marcha jusqu'à la cuisine et installa son téléphone dans un coin pendant qu'elle se préparait un café avec la senseo dernier cri.

Elle sortit un bol, un fromage blanc, une pomme, des mueslis et du miel. Préparant sa tambouille sous le regard dégoûté de Lilas.

Je comprends pas comment tu fais pour manger ça le matin, grogna son ancienne éducatrice
Bah c'est bon tiens ! Répondit-il C'est pour ça que je mange ça !
Tu dois avoir de la coke dans l'organisme pour être autant en forme à peine éveillée, c'est incroyable.

Nana se contenta de lever les yeux au ciel avant de sauter sur le comptoir, le téléphone en main. Elle n'avait jamais compris pourquoi les autres manquaient d'énergie le matin. Elle pris une cuillerée de son mélange.

Miam, délicieux, surjoua-t -elle, bon tu veux quoi ?
Raconte-moi ta vie, tête de mule.
J'ai emménagé sur Paris hier, lâcha-t-elle enfin, dans le 15e.
Et t'as fait la pute pour te payer cet appartement ou quoi ? Je crois pas qu'être vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter te fasse gagner suffisamment.
Direct les grands mots ! Un ami m'a dégoté cet appartement.
T'as des amis maintenant ? Lilas ricana

Elle n'avait pas tord avec cette remarque. Nana n'avait pas d'amis, c'était certain. Elle était une femme seule qui traçait son chemin sans l'aide de personne. Ce n'était pas vraiment une fierté pour elle. En effet, elle avait appris avec le temps que son indépendance extrême était tout simplement la conséquence de traumatismes plus profonds. Et cela avait très certainement avoir avec le fait qu'elle s'était retrouvé en foyer à l'âge de six ans, après que les services sociaux aies jugé sa mère inapte à s'occuper d'elle.

Il faut un début à tout, grimaça Nana, il s'appelle Ken. Je l'ai rencontré quand je suis venue en juin.
Et tu m'en parles que maintenant ?! S'époumona Lilas. T'es vraiment une cachotière !
Tu veux que je te confie quelque chose Lilas ?

Cette dernière hocha simplement la tête. Alors, Nana s'approcha du téléphone et se mis à chuchoter :

Ça fait vraiment du bien de se reposer sur l'épaule de quelqu'un. »

Lilas ne pu que sourire fièrement. C'était ce qu'elle s'était tué à lui dire pendant des années, mais Nana avait toujours été trop têtue pour le comprendre. Une vraie tête de mule. Lilas avait appris avec le temps qu'elle ne pourrait jamais sauver tous ces enfants qu'elle croisait sur son lieu de travail, mais lorsque Nana était arrivée, un matin d'été, elle s'était promis de faire en sorte que ce petit soleil devienne grand et surtout, qu'il continue de briller très fort. C'était presque mission accomplie à cette heure-ci.

La conversation se termina sur Lilas qui aperçu Jules en train de faire le mur, Nana ne réussit pas à cacher son rire lorsqu'elle entendit la flopée de jurons et la manière dont l'éducatrice avait bondit sur ses deux pieds pour courir après le fuyant. Ça lui rappelait le bon vieux temps, lorsque c'était après elle que Lilas hurlait en courant.

La nouvelle parisienne emporta son bol et se laissa tomber dans le canapé, les yeux figés sur la télé éteinte. Il y avait quelque chose d'irréel dans sa nouvelle vie, à tel point qu'elle n'osait même pas se pincer de peur de se réveiller et de réaliser que tout ça n'était qu'un rêve. Elle se mis à divaguer sur la cause de cette nouvelle vie : Ken, cet artiste au grand cœur qui semblait avoir tissé de ses propres mains un cocon à la taille de Nana, dans lequel elle se sentait merveilleusement bien.

Elle allait devoir le remercier pour tout ça, elle ne savait pas encore comment mais elle ne se laissait pas le choix de trouver. Ainsi, elle abandonna son bol et fouilla dans ses cartons à la recherche du trieur dans lequel elle avait soigneusement rangé tous ses papiers administratifs. Elle en sortit une pile de CV qu'elle avait imprimé en prévision de trouver un autre travail. Elle ne savait pas où elle allait chercher, elle n'avait pas vraiment eu le temps d'observer les environs mais peu lui importait, elle avait déjà accumulé des expériences dans plusieurs domaines. La priorité était de trouver un travail, gagner de l'argent et payer le loyer qu'elle aurait normalement du devoir à Hakim.

Nana refusait de vivre aux frais de la princesse. Ken avait beau être riche, elle refusait d'être redevable envers quelqu'un. Elle ne voulait pas être un cas de charité ou simplement une bonne action dans la vie de ces rappeurs qui s'étaient pointé tout beau tout sourire. Elle n'avait certainement pas besoin d'eux pour se débrouiller et elle allait leur prouver.

imprévu | ken samarasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant