Il y avait toujours une sensation indescriptible dans le fait de se réveiller ailleurs que chez soi. Ton cerveau, dans la nuit, avait oublié où tu t'étais couché la veille et se réveillait dans un état un peu brumeux se demandant « où suis-je ». Puis, après un temps d'acclimatation, une certaine aise s'installait et c'était plaisant.
Mais pour Nana, cela était davantage différent puisqu'elle n'avait jamais vraiment connu de « chez soi ». Elle avait beaucoup bougé, aménagé, déménagé... Partir, revenir... La seule maison qu'elle avait vraiment connue et dans laquelle elle avait vécue c'était la maison de sa mère, de sa naissance jusqu'à ses six ans. Suite à ça, ce fut le foyer puis les familles d'accueil, puis re le foyer. Mais là-bas, sa chambre ne lui appartenait pas, elles dormaient à plusieurs dedans et elle ne s'était jamais senti suffisamment à son aise pour s'y épanouir en toute tranquillité.
Finalement, en y réfléchissant, Lilas était probablement son seul « chez soi », sa zone de confort, sa maison.
« Salut.
Nana ouvrit les yeux pour sourire à Hakim qui venait de se glisser dans la chaise de jardin face à elle. Il faisait un peu frais mais le soleil donnait déjà pas mal sur le jardin alors elle s'était discrètement glissé dehors pendant que tout le monde dormait encore dans le salon.
— Tu ronfles, répondit-elle en plissant les yeux
À leur retour du bain de minuit, Nana avait regardé Idriss, Hakim et Ken installer tous les matelas des chambres dans le salon, ne laissant qu'un matelas double à l'étage dans la chambre de Flor et Théo. Elle avait découvert qu'ils adoraient dormir un peu n'importe comment mais tous ensemble. Flor et Théo avaient un peu traîné avec nous, installés dans le canapé. La soirée avait été constituée d'un film sur netflix et de pas mal de blablas, puis le couple était monté se coucher et Nana s'était emmitouflée dans sa couverture, calée sur son matelas à l'autre bout de la pièce. Mais cela ne l'avait pas empêché d'entendre les bruits de tracteur de Mekra.
— Oui j'ai bien dormi, merci de demander, grogna-t-il en plissant les yeux à son tour
Un combat de regards commença, chacun trop têtu pour accepter de perdre en baissant les yeux. Mais au fur et à mesure un petit sourire narquois s'affichait sur leur visage. Il y avait un petit air de défi dans le regard de chacun mais pas pour les mêmes raisons. Nana avait juste envie de lui montrer une bonne fois pour toute qu'elle n'était pas n'importe quelle meuf qu'il pouvait persécuter, tandis que Hakim voulait juste voir si elle tiendrait le coup face à lui. Et il était forcé de constater qu'elle ne le décevait pas là-dessus.
— D'ailleurs, toi tu fais des petits bruits bizarres quand tu dors. Genre comme un chien qui fait un cauchemar, tu vois le délire ? Renchérît Hakim
— Je te crois pas !Jamais personne ne lui avait dit qu'elle faisait des bruits dans son sommeil. Ceci dit, elle n'avait pas passé la nuit avec beaucoup de personnes. Hakim jura sur les yeux de sa grand-mère, mais Nana continua de ne pas le croire.
— Il a raison.
Ken venait d'arriver dans le jardin. Nana senti son cœur s'arrêter une seconde et l'augmentation de sa chaleur corporelle monta jusqu'à ses joues. Il était torse nu et terriblement sexy avec ses cheveux qui allaient dans tous les sens. Il n'arrangea rien en s'approchant d'elle pour lui faire un bisou sur le haut du crâne avant de s'installer à côté d'elle.
— Vous êtes en train de vous liguer contre moi, je suis sûre vous mentez, Nana croisa ses bras contre sa poitrine
— Tu veux qu'on pari ? Cette nuit je t'enregistre, décréta Hakim
— Ok, on pari un McDo, Nana tendit sa main »Hakim lui serra pour sceller l'accord. Puis le reste du groupe se réveilla petit à petit. Sauf Flor et Théo qui revenaient de l'extérieur et avaient ramené le petit-déjeuner. Il n'y avait pas assez de chaises à l'extérieur alors ils allèrent s'installer dans la salle à manger. Ken et Flor s'occupaient des cafés, Nana sortait les cuillères et fouillait dans les placards pour le sucre, Hakim servait le jus d'orange tandis qu'Idriss et Théo étaient sagement assis à la table, déjà en train de picorer dans les sachets de viennoiseries.
« Vous connaissez la personne qui vit ici ? Demanda Nana
Elle avait déjà eu ce pressentiment hier et cela se confirmait ce matin alors qu'elle les voyait s'approprier la cuisine comme s'ils la connaissaient par cœur.
— Ouais c'est notre gars sûr, répondit Ken en échangeant un regard complice avec les autres
Nana s'installa confortablement dans sa chaise pour écouter l'histoire qui se cachait derrière ce « gars sûr » qui leur laissait sa maison les week-ends.
— Ça date de plusieurs années déjà. Dès qu'on a commencé à être vraiment connu, on trouvait trop galère de se retrouver sur Paris discrètement et même on en avait marre de la ville. Du coup je crois c'est Hakim qui a eu l'idée, on a cherché sur Airbnb une maison en bord de mer dans un coin qu'on connaît pas et on est tombé sur celle-ci. C'est un petit vieux grave gentil qui a une seconde maison pas loin d'ici. On lui tond sa pelouse et on l'aide sur certaines tâches quand il en a besoin et on passe un peu de temps avec lui. En échange on a sa maison. Il refuse qu'on le paye dorénavant car il dit que c'est notre maison mais on arrive toujours à lui glisser discrètement des billets dans les poches avant qu'on reparte.
— C'est... mignon, souffla-t-elle le sourire aux lèvresFlor approuva vivement d'un hochement de tête tout en posant les tasses chaudes devant chacun d'entre eux.
— J'ai du mal à comprendre votre rapport à la célébrité, avoua Nana
— On n'aime pas ça, trancha Hakim, c'est aussi simple que ça.
— Non, il abuse, s'opposa Théo, ça nous apporte beaucoup aujourd'hui mais c'est juste qu'il faut payer le prix.
— C'est clair. Ça nous a ouvert un milliard de portes et on a vécu des trucs de fou grâce à elle. On a tellement d'argent qu'on ne se pose même plus la question de comment on va réussir à finir le mois, ajouta Idriss
— C'est juste que ça nous a rendu méfiant et différent, compléta Ken. On n'a plus le même rapport au monde même si on essaye de garder une certaine simplicité. Et on n'est plus autant sociable qu'avant. Enfin là je parle pour moi. Moins je vois de monde, mieux je me porte, la vérité.
— Ah waw, je pensais pas, s'exprima Nana »Ça eut le don de taire tout le monde. Chacun s'était tourné vers ses propres pensées et plus aucun bruit ne flottait dans l'appartement à part le bruit des cuillères qui tintaient dans les tasses.
Ken fut enseveli de sa nostalgie habituelle, celle qui le ramenait des années en arrière dans un monde qui était diamétralement opposé à celui dans lequel il était actuellement. Avant, les soucis n'étaient pas les mêmes. Où est-ce qu'il allait dormir, qu'est-ce qu'il allait manger, comment allait-il faire pour réussir sa vie, est-ce que ses parents le pardonneraient un jour... Mille et une questions qui se répétaient comme un disque rayée. Aujourd'hui, on était plutôt sur des problèmes de riches. Est-ce qu'il fallait embaucher une seconde femme de ménage pour payer moins cher d'impôts, est-ce que son comptable avait bien gérer les factures, quel bien allait-il pouvoir acheter, quelle route pouvait-il emprunter pour ne pas se faire repérer par les paparazzis, quelle serait la prochaine destination de vacances pour écrire un album à l'abris des regards... Franchement, il avait presque envie de rire car en y pensant, il adorerait revivre ces années de galère.
Ça faisait certainement de lui quelqu'un d'ingrat, il en avant conscience. Mais il avait réussi sa vie et ça y est il savait ce que c'était de vivre sans regarder son compte en banque. Ouais, c'était cool mais putain que c'était ennuyeux. Chaque jour il fallait se démener pour trouver une occupation, un challenge à relever, un objectif à avoir... Heureusement que Nana était entrée dans sa vie depuis quelques mois, c'était dur à admettre mais elle était devenue son occupation favorite.
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imprévu | ken samaras
Fiksi Penggemar« Je me sens libre quand je t'écris quelques bribes de ma vie, rapidement dispersées par le bruit de ma ville. »