3 | Knight

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Sierra, Jacksonville
Présent

— Tesoro... Ce surnom...

Cette sensation de peau qui brûle... Ma tête est lourde...
Sa voix continue de m'appeler, mais je crie. Je ne veux pas qu'on me touche. Je ne veux plus qu'il me touche, par pitié.

— Sierra ! Sierra, réveille-toi !

Comme si ma tête sortait de l'eau, mes poumons aspirent avidement l'air qui m'entoure. Mon corps se redresse brusquement alors que ma respiration est
haletante, suppliante. J'ai les joues mouillées et les bras rougis par des griffures. Ma tête tourne dans tous les
sens alors que j'essaie de comprendre où je me trouve, mais deux mains viennent se poser sur mon visage. J'ai un mouvement de recul.

— C'est moi, Sierra... C'est moi, chuchote Esteos.

Je le regarde comme si tout ça n'était pas réel et mes yeux s'embuent de nouveau. Il me serre dans ses bras pendant que je m'accroche à lui comme je peux, comme
une bouée de sauvetage, alors que c'est trop tard. Ce jour-là, personne n'était là pour me sauver. Je pleure tellement fort que des pas se font rapidement entendre dans le couloir.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? s'inquiète notre mère en arrivant dans la chambre, suivie de notre père.

Lorsque leurs regards se posent sur moi, pas besoin d'explication. Je suis brisée. Leurs visages deviennent plus doux, de douleur ou de tendresse je ne sais pas,
mais ils nous rejoignent sur mon lit. Ma mère me répète que tout va bien, que ce n'était pas réel et mon père, plus silencieux, s'inquiète à sa manière.

Ce n'est plus réel, mais ça l'a été et ça m'a brisée. Je ne peux pas vivre sans y penser chaque fois que je me retrouve seule.

Esteos continue de me bercer pendant que j'extériorise ma peine à travers mes larmes.

Serais-je un jour capable de passer au dessus de tout ça ?

Je ne saurais dire combien de temps ma famille est restée, mais tout ce que je sais c'est que l'odeur rassurante de mon frère finit par m'endormir et m'emporter dans les bras de Morphée.

...

Nous sommes mercredi. J'arrive devant mon casier, épuisée de la nuit passée. Au petit-déjeuner personne ne parlait, comme à chacune de mes grosses crises. Je sais
déjà quelle sera la première chose qu'elle va me dire une fois rentrée. Ma réponse sera toujours la même. Je ne retournerai pas voir la psychologue. Stella a été la personne qui m'a suivie durant pratiquement un an.
Maintenant mes envies ont changé... Je ne veux plus avoir à passer une heure chaque semaine à raconter ma vie et mes ressentis à une personne que je ne connais pas. Stella est adorable, mais je ne suis vraiment pas à
l'aise avec elle ni avec les dizaines d'autres psychologues que j'ai eu l'honneur de consulter.

Je ne remets pas en question leur travail, seulement pour certaines personnes comme moi, parler de ses problèmes est la pire manière d'extérioriser. Parce qu'au fond,
est-ce qu'on peut changer ce qui fait partie du passé ?

Esteos, quant à lui, ne m'a pas adressé un regard, pas même dans la voiture. Je ne lui en veux pas, il se sent déjà assez coupable de ce qui m'est arrivé.

J'ouvre mon casier et une enveloppe tombe. Je la ramasse et l'ouvre.

Est-ce que cacher nos identités fait de nous
des feuilles vierges sur lesquelles on doit écrire ?

ATTRACTED | chez NishaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant