Write my own story

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Heaven

Edimbourg, cinq ans plus tard.

Heaven Hayley Ferguson. Nom à rallonge qui, dans nos contrées, peut donner le tournis, ou l'envie de détaler. Moi, il m'a donné des envies d'ailleurs.

Je pourrais me plaindre de mon enfance, passer des heures à ressasser toutes ces fois où, trop occupé, mon père n'est pas venu me voir aux spectacles d'école. Ces nombreuses soirées que j'ai passées seule, à la maison. Ou encore l'incapacité de l'argent des Ferguson à sauver ma mère des addictions qui ont fini par lui coûter la vie. Pourtant, j'ai préféré ne retenir que la profonde affection que chaque membre de l'équipe de mon père avait pour moi. Et ce n'est rien face à l'adoration que mon paternel peut me vouer. Donc peu importe les longues semaines où il partait Dieu seul sait où, ou encore les frayeurs que j'ai eues en le voyant rentrer avec la chemise tachée de sang - et pas seulement le sien. J'ai toujours été la princesse du royaume sacré de Logan Ferguson et de ses hommes. J'ai eu une enfance étrange, mais néanmoins dorée.

Oui, mais voilà. Un beau matin, je me suis réveillée avec des envies d'autre chose. Être choyée et protégée ne me suffisait plus ; j'ai eu envie de m'accomplir et de me démarquer. En grandissant, j'ai voulu tracer mon propre chemin. Alors j'ai travaillé, d'arrache pied, pour me construire un avenir différent, loin des dangers et de la loi du Talion propre à ce milieu. Et aujourd'hui, j'ai presque envie de croire que j'ai réussi.

Presque.

Parce que ce soir, allongée sur le parquet ancien de mon appartement, les bras en croix et les chevilles croisées, je réalise combien j'avais tort. Au-dessus de moi, les poutres métalliques sombres, tachées de rouille que je rêve de pouvoir repeindre en noir mat, soutiennent la verrière, élément-clé lors de ma première visite des lieux. Oui, j'ai craqué pour ces immenses fenêtres qui sont impossibles à entretenir convenablement. Certes, les murs de briques, le parquet massif et surtout, le garage qui occupe tout le rez-de-chaussée avaient déjà eu raison de mon budget. Mais cette verrière... Même ce soir, alors que je devrais certainement me lever et chercher des solutions, m'allonger ici et observer le ciel suffit à m'apaiser. C'est presque comme si j'étais à nouveau chez moi. En me concentrant, je peux entendre les bruits de la nuit qui me rassuraient à Aberdeen : les insectes qui bourdonnent, le clapotis des vagues contre les rochers, les cris des oiseaux nocturnes... Et le vibreur de mon téléphone, posé à même le sol, lui aussi. Deux solutions. J'ignore l'appel, quitte à passer à côté d'un dépannage. Ou bien je prends le risque de jeter un coup d'œil sur l'écran. Hum. Mauvais choix, Heav. Ma main gauche attrape le portable qui vibre à quelques centimètres de mon épaule : et quand je reconnais le nom qui s'affiche, je laisse échapper un grognement de frustration avant de décrocher :

— Salut, Papa.

— Bonjour, mon ange. Tout va comme tu veux ?

Question piège ? Est-ce qu'il est déjà au courant, pour Archie ? Respire, Heav. Il est loin d'ici. Et il a promis.

— Oui ! Super !

Je m'efforce d'avoir l'air enjouée et de donner le change, le temps d'une conversation. J'ai toujours été bonne au poker, en apprenant avec les meilleurs.

— Hum.

... mais les meilleurs ne s'en laissent pas compter. D'aussi loin que je me souvienne, le silence de mon père m'a toujours plus fait peur que ses hurlements. Aussi, je soupire presque de soulagement lorsqu'il reprend la parole.

— Je t'appelais pour te dire que Trip doit venir en ville, la semaine prochaine. Et je voulais savoir si tu avais besoin de quelque chose ?

Traduction du langage de Logan Ferguson : je t'envoie mon bras droit pour vérifier que tout va bien et que tu vis dans un palais de bonbons et de nuages. Je roule des yeux, retenant un soupir exaspéré :

Heaven [Roman orphelin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant