Dernière nuit

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 (Cyberpunk universe)

Le ciel d'encre de Chine ne montrait aucune étoile, juste un noir profond, total. Un contraste saisissant avec la ville, les hauts buildings de Watson illuminant les rues de leurs écrans publicitaires, des enseignes des bars, des phares des voitures. Les rues n'étaient jamais sûres, en apparence elles semblaient communes, mais si l'on avait le malheur de s'approcher d'une embrouille ou d'un bar, les coups de feu retentissaient sans que personne ne vienne en aide.

Dazai ne pensait plus à rien, un casque sur ses oreilles, les yeux levés au ciel, il marchait. Son monde était détruit, abandonné par des personnes pour qui il aurait donné sa vie. Sa vie de mercenaire avait duré puis s'était arrêtée, avait explosé et les cendres qui résultèrent furent emportées par le vent.

A Night City, les échecs n'ont pas leur place, les personnes qui échouent encore moins. Une erreur, infime, avait conduit Dazai à sa perte. Un imprévu qu'il avait remarqué trop tard.

Trop tard. La seule chose qu'il pouvait se reprocher.

Sa mission avait foiré. Son fixer et son duo s'étaient volatilisés sans un mot, le laissant seul affronter le NCPD. Ses contacts l'ignoraient, seul Delamain avait répondu à son appelle pour l'emmener dans une planque que lui seul connaissait. Sa voiture s'était fait voler, son téléphone piraté, ses munitions vidées... il ne lui restait rien.

Maintenant, il marchait au centre de la route, un casque sur les oreilles, un vide dans le regard. Il ne pouvait plus rien faire, s'il appelait qui que se soit, le NCPD le saurait immédiatement. Les voitures s'arrêtaient, klaxonnaient, hurlaient, mais il ne les entendait pas. Il avait joué toute ses cartes et attendait que la mort l'embrace.

Une seule personne comptait encore à ses yeux, une personne à qui il ne pouvait pas dire au revoir et avec qui il s'était disputé avant de partir pour son boulot. Leurs derniers mots n'avaient été que des insultes qu'ils ne pensaient pas. Un hurlant que son métier était trop dangereux, l'autre lui criant que le sien était déshonorant et immoral. Ils ne s'étaient pas appelés pour se réconcilier, les deux amants tenant trop à leur fierté pour réaliser un tel acte.

Maintenant, Dazai ne pouvait plus le faire sans que sa moitié ne soit impliquée dans cette affaire, ce qui ne devait jamais arriver. Sa poitrine se serrait en pensant à cette dernière dispute, il la regrettait plus qu'il n'avait rien regretté. Les derniers souvenirs de son âme sœur étaient son visage en larme, déformé par la tristesse et la colère.

Sa mort aurait peut-être un effet bénéfique, plus de dispute ou de stresse, d'attente le soir ou l'on ne sait pas si la personne qu'on aime le plus au monde reviendra ou non, vivant ou non.

Le jour de leur rencontre, dans un bar spécialisé pour les personnes en quête de plaisir charnel. Leurs regards s'étaient croisés et son cœur emprisonné dans ses yeux océans. Leur première nuit avait été la première d'une longue liste, Dazai ne pouvait plus se passer de ses yeux, sa bouche, son odeur, sa voix... Si bien qu'il lui demanda s'il voulait habiter avec lui.

Un courant d'air souleva la poussière de la rue, la corpo l'avait détecté. Il ne se protégea pas les yeux au moment de l'atterrissage et toisa les agents qui sortaient de l'engin, des fusils d'assauts à la main. Il n'entendait pas les passants hurler et les voitures opérer un demi-tour, son attention portait sur le ciel. Il savait qu'à cette heure-là, son amour devait le regarder en espérant son retour.

Il cru entendre un des agents hurler des mots, mais ne l'écouta pas. Il connaissait son sort. Même s'il en avait appris l'imminence depuis peu, il l'avait toujours su. A Night City, une vie comme la sienne ne finissait jamais bien.

Plusieurs refus, pour un hochement de tête qui combla Dazai de joie. Il n'attendit pas et l'emmena chez lui le soir même. Le début de leur relation démarra.

A son grand étonnement, les gardes ne l'abattirent pas mais se saisirent de lui et l'entrainèrent dans leur vaisseau. Probablement pour analyser ses souvenirs et vérifier ses complices. Une fouille de souvenir impliquait ceux partagés avec son amant, et il n'acceptait pas que ce dernier soit lié d'une manière quelconque à cette dernière affaire.

Une vie mouvementée, entre le travail au bar de l'un, et les missions de l'autre, ils ne se voyaient pas souvent. Mais cela n'empêchait pas leur amour profond, ni leurs disputes mouvementées qui se finissaient parfois par un claquement de porte. Ils partageaient tout, leurs joies, leurs peines, leurs doutes... Ils se connaissaient mieux que personne et ne manquaient de rien tant que l'autre était présent.

Ils prirent leur envol, les agents l'avaient accroché et leur attention n'était plus porté sur lui. Ils ne remarquèrent pas qu'il s'était détaché et qu'il allait voler une arme.

Son dernier départ. Sa moitié lui souhaitait toujours bonne chance avant qu'il ne parte pour une mission, mais cette fois, ce fut l'inverse. Une dispute avait éclaté, les deux s'étaient hurlés des choses horribles jusqu'à ce que Dazai claque la porte sans un regard en arrière.

Il arracha un fusil des mains d'un agent, couru vers la porte ouverte et sauta dans le vide sans hésitation. Il ne lui restait plus qu'à se perforer le crâne pour rendre ses souvenirs impossibles à exploiter.

Il sourit une dernière fois en regardant ce ciel si noir, sans étoiles, que son amour regardait également, à des kilomètres d'ici. Il sourit doucement en approchant le canon de sa tête.

-Ne me rejoint pas trop rapidement...

Le coup de feu retentit.

-... Chuuya.



* Je vous laisse décider si Chuuya le rejoint rapidement ou non

Soukoku One ShotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant