Chapitre 1

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Un verre après l'autre, j'enchaine les shots sans m'arrêter. Tu es pitoyable, Madi. Et alors ? Tout le monde est pitoyable, seulement, certains savent mieux le cacher que d'autres. Personnellement, cacher mes émotions ne m'intéresse pas. La sensation de fausseté qui se dégagerait de moi me dérange, et puis, être faux demande du temps et des efforts, je n'ai rien de tout ça à offrir. Je suis entière, pour le meilleur et pour le pire. Malheureusement pour moi, c'est souvent pour le pire... J'ai pour habitude de ne pas faire les choses à moitié quand je m'implique dans quelque chose, ça m'apprendra... Parfois, il vaudrait mieux que je m'abstienne, mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin d'aller au bout des choses ! Je dois être sûre d'avoir donné mon maximum avant de tout lâcher. Et aujourd'hui, pour la première fois depuis longtemps, j'ai tout lâché.

    Alexandre n'est qu'un connard. Un pseudo manipulateur qui pense tout savoir mieux que tout le monde. Il m'a eu, je l'avoue. Il a joué avec moi, mes sentiments, mon cœur et mon âme. Je lui ai tout donné, et il n'a pas cherché à m'arrêter. Ça devait l'amuser, de me voir m'investir à ce point, de me voir mourir à petit feu pour lui. J'ai été stupide, ça nous arrive à tous, mais j'ai consciemment foncé droit dans le mur. Je voyais qu'il jouait avec moi, qu'il n'était pas sincère, pourtant ça ne me dérangeait pas. Pourquoi ? Parce que je pensais pouvoir le changer. Quelle erreur...

    — Encore un, s'il vous plait, lancé-je au serveur pour la septième fois ce soir.

    Il me lance un regard désapprobateur, mais me sert quand même. Il ne manquait plus que ça, me faire juger par un parfait inconnu qui pense que je ne sais pas me tenir... Les gens, les relations, l'amour, la vie, tout ça me dégoûte profondément ce soir. Un besoin irrépressible de noyer mon chagrin se fait sentir en mon for intérieur, et je compte bien l'écouter. Boire n'est pas dans mes habitudes, je sors très rarement, mais aujourd'hui je me permets de faire une exception. J'ai besoin de décompresser et d'oublier, le temps de quelques heures, tous les problèmes ridicules qui régissent mon quotidien.

    Louise, ma meilleure amie, m'accompagne ce soir. Elle veille sur moi sans me juger. Elle ne m'incite pas à boire ou à stopper ma consommation et je lui en suis reconnaissante. C'est bien la seule personne qui ne se permet pas de me donner des conseils ridicules sur la manière dont je dois me comporter.

    — Tu as pris ta décision ?

    L'esprit un peu embrouillé, je mets quelques secondes avant de comprendre de quoi elle parle. Ah oui, mon histoire de colocation... Il y a quelques semaines, j'ai décidé de reprendre mes études. Je n'ai que 21 ans après tout. Étudier me permettra de me concentrer sur quelque chose que j'aime et qui me détend, à savoir : la peinture. Seulement, un problème se heurte à moi, l'école est à Paris. Évidemment, je n'ai pas les moyens de payer un appartement dans la capitale, c'est bien trop onéreux pour mes modestes moyens. Il n'y a qu'une solution pour résoudre mon problème : la colocation. Cela fait des semaines que j'envoie des mails, passe des appels, et me rends en agence immobilière pour essayer d'en trouver une, mais ça n'a jamais été concluant. Honnêtement, j'ai perdu espoir.

    — Je trouverai bien, et dans le cas inverse, je me débrouillerai.

    Louise n'est pas convaincue, mais elle ne relève pas, tant mieux. Je n'ai pas du tout envie de polémiquer sur ce sujet, pas maintenant du moins. Il me reste deux semaines avant la rentrée, c'est suffisant pour trouver un logement, n'est-ce pas ?

    Le reste de la soirée se déroule tranquillement, l'alcool coule à flots, tellement que j'ai du mal à marcher droit. Louise me dépose chez moi avant de rentrer chez elle. Une fois dans ma chambre, je m'assois sur mon lit et fonds en larmes silencieusement pour éviter d'inquiéter mes parents qui dorment à côté.

    Je me sens tellement minable...

    Je souffre, profondément. Ma vie est partie en fumée à cause d'Alexandre. Je le hais, autant que mon âme me le permet. À force de pleurer, le sommeil commence à se faire sentir. Eh merde, je dois me démaquiller. Hors de question de chopper des boutons. Une fois déshabillée, démaquillée et prête à aller me coucher je m'allonge dans mon lit, prête à me morfondre encore plus sur mon sort.

    Ma jambe tape quelque chose au bout de mon lit, irritée, je saisis l'objet pour le jeter par terre. Heureusement que j'ai le réflexe de le rattraper avant qu'il ne s'écrase au sol, c'est mon ordinateur !

    Une idée traverse mon esprit embrumé, et si j'allais jeter un œil à mes anciennes photos ? C'est vrai, peut-être que je trouverais un moyen de tout réparer, non ?

    L'alcool, c'est mal...

    J'ouvre mon ordinateur portable et tombe sur la dernière page consultée. Des annonces d'appartements. J'en oublie complètement les vieilles photos que je voulais visionner. Je rafraîchis la page et tombe sur une annonce pour le moins étonnante. C'est exactement ce qu'il me faut. Je n'en crois pas mes yeux.

    Ton esprit te joue des tours, ma pauvre. Tu as trop bu, tu es en train d'halluciner, clame ma conscience. 

    Quelle garce, celle-là. J'ignore les voix qui se battent dans ma tête et me penche un peu plus sur l'annonce. Un brin de folie me prend et j'envoie ma candidature. Après tout, qui ne tente rien n'a rien. Je ferme mon ordinateur, un peu plus apaisée, et m'endors d'un sommeil sans rêves.

La chambre d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant