II- Forêt fuligineuse

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C'était la plus belle de toute. La plus moi.
Je devais complimenter l'artiste, l'arroser de fleurs et de belles paroles. Son œuvre est mon havre de paix, toutes mes pensées sombres se sont envolées dès que mon regard a touché les fins coups de pinceau.

-Elle vous plait ?

Je sursautais quand derrière moi une voix grave retentit.
Quand je me retournai, un homme pas plus vieux que moi aux lèvres tentatrices et dont le pull était trop grand, me fixait le regard guilleret, son sourire était enfantin.

-Oui, beaucoup, ma voix avait tremblé. Idiot.

-Kim Seokjin, c'est mon tableau. Il avait une telle assurance.

-Kim Namjoon, vous avez un don, disais-je
Ses yeux étaient gris, ils devaient être en réalité assez clairs, d'après ma logique bancale.

J'espérais qu'il ne continue pas le dialogue, car les seuls mots que j'arriverais à assembler seraient des douces litanies d'admirations. Son œuvre m'avait tellement inspiré, que ma tête crachait déjà des mots. Je sortais mon carnet et gribouilla des lettres si vite qu'elles étaient presque incompréhensibles.

"Onyx, couleur asphalte, lumière du ciel que je vois épuré lors des jours heureux.
Mon gris d'aujourd'hui est fade, mon foncé est lisse et mon blanc; aveuglant"

L'artiste regardait discrètement mon écriture, avec une expression intéressée.

-Ma peinture vous inspires tant ? Demanda-t-il avec toujours cette fierté que j'appréciais, déjà, beaucoup.

-Oui, mais son créateur aussi.
Son visage était poétique et étonnant.

Il semblait gêné.

-Vous avez un très beau visage, vous aussi, avec des proportions intéressantes. Je dirais même aquarellable.

Sa phrase sonnait comme un murmure, un secret. Aquarellable. Drôle de mot, qui m'avais fait les joues tuméfiées.

-Avec le plaisir de vous revoir. Il s'apprêtait à s'en aller, mais je ne pouvais me résoudre à le laisser partir ainsi.

-J'écrirai des strophes et des strophes pour vous et votre art.
Pathétique. J'étais tellement pathétique.

Il m'adressa un dernier sourire. Que cela signifiait ?

En regardant le chef-d'œuvre à nouveau, je m'intéressais soudainement à son nom.

"Pluie forestière fait de gris et de noir".

Ma logique était merdique, mes stupides yeux avaient juste.

Un Ange éphémère Où les histoires vivent. Découvrez maintenant