IV

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« L'inquiétude est un poison subtil qui distille ses effets au compte-gouttes à longueur de temps, jusqu'à l'intoxication. »

Anne Bernard


La nouvelle de l'empoisonnement d'Isabelle n'est parvenue que le lendemain au Roi Soleil, lequel s'est rendu à la hâte au château de Vaugirard, accompagné de son médecin personnel. Ce dernier termine d'examiner la comtesse, toujours sans conscience depuis hier soir. Son teint blafard et les cernes sous ses yeux font peur a voir. Antoine d'Aquin se redresse et se tourne vers le souverain sitôt son travail terminé.

- Madame de Langlois a subit un empoisonnement à la cantarelle. Par chance à petite dose, ce qui ne l'a pas tué sur le coup. Cependant, si l'on ne lui administre pas l'antidote, je ne lui donne que quelques jours avant que le poison ne lui soit fatal.

- Eh bien, parlez ! Quel est l'antidote contre la cantarelle ?

- Je n'en connais qu'un seul, Sire : le Mithridate*. Mais il est difficile de s'en procurer.

- Faites ce qu'il faut pour la sauver ! Il nous faut absolument cet antidote !

Le monarque congédie son médecin. Il saisit avec une infinie tendresse la main de la femme qu'il aime.

- Pitié Seigneur ! Je ne lui ai point sauvé la vie pour qu'on me la reprenne ! Faites qu'elle reste à mes côtés !

Il entend derrière lui la porte s'ouvrir sur Henri, François et Amélie. Le premier s'avance pour contempler une fois de plus le visage blême de sa cadette. Sa pauvre sœur, une nouvelle fois victime d'une tentative d'assassinat de la part de l'horrible Madame de Montespan. Tout cela pour le pouvoir et l'amour d'un roi...

L'aîné des Montéclair sert le poing à s'en enfoncer les ongles dans la peau. Isabelle n'a jamais rien demandé ! Elle qui était déjà éplorée par les disparitions successives de son mari et de son fils, il a fallut que le malheur s'abatte sur elle pour le simple motif que le monarque du Soleil ait posé les yeux sur elle ! L'entraînant dans cet abject et stupide jeu de pouvoir et d'amour sans qu'elle le veuille ! Au point que sa vie soit mise en jeu !

- Tout cela est de votre faute.

Sa voix glaciale attire l'attention de Louis. Henri continue en se tournant vers lui, le fixant d'un regard des plus noirs.

- Si seulement vous ne l'aviez pas remarqué... Si seulement vous n'aviez pas jeté votre dévolu sur elle... Isabelle serait encore avec nous à l'heure qu'il est ! Vous le saviez, pourtant ! Vous saviez que votre chère marquise ne s'arrêterait pas jusqu'à ce que ma sœur soit morte ! L'attaque au couteau n'était qu'un prélude ! Et maintenant, nous risquons de la perdre pour de bon !

- Henri !

François et Amélie doivent agripper fermement les bras de leur ami pour ne pas que celui-ci s'en prenne physiquement à son souverain, lequel s'est levé de sa chaise au bord du lit. C'est à son tour de dévisager son vis-à-vis de ses yeux gris et perçant. Le même regard qu'il arbore au devant de tous les nobles perfides de la cour. Sa voix d'un calme maîtrisé lance des dagues.

- Il est très malaisé de parler beaucoup sans dire quelque chose de trop.* Sachez que j'aime réellement Isabelle. Nos sentiments sont véritables. J'ai failli la perdre une fois, cela ne se reproduira pas. Car jamais je ne me pardonnerai si elle meurt. Je ne laisserai personne se mettre en travers de notre amour, pas même vous.

Monsieur de Hautecourt et Mademoiselle de Beaulieu peinent à retenir Henri qui se débat avec force. Ce n'est qu'à l'entente d'une faible voix qu'il revient à la raison.

L'Amour du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant