- Chocolat chaud -

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Vendredi 20 décembre 2002, Down-Town, Modros, Californie, États-Unis d'Amérique.



Les bureaux de S.U.I comprenaient diverses salles de réunion et, parmi celles-ci, une pièce assez spacieuse pour accueillir le banquet de fin d'année. Sur inscription, l'ensemble du personnel de S.U.I, des secrétaires administratifs aux agents de la A.A, pouvait prendre part à la soirée. Buffets sucrés et salés, jus de fruits frais, cocktails et alcools doux envahissaient les tables habituellement destinées aux rapports et dossiers. Les enceintes qui permettaient d'amplifier les voix lors des discours diffusaient un fond sonore suffisamment bas pour laisser place aux discussions. Si la pièce était tristement formelle avec son mobilier de plastique transformé et ses plafonniers blafards, les bénévoles en charge de l'organisation avaient réussi à l'égayer. Banderoles aux couleurs de l'entreprise, logo imprimé sur des tote-bags distribués à l'entrée et affiches rétro de Noël habillaient les lieux.

Maria se détourna d'une banderole parée d'un papillon sphinx à tête de mort – le charmant logo de la A.A qui accompagnait celui plus sobre de S.U.I – pour marmonner :

— Je m'ennuie déjà.

Adrián lui asséna un coup de coude inoffensif en indiquant le centre de la salle où quelques collègues courageux – ou suffisamment alcoolisés – avaient entamé un slow.

— Je peux t'inviter à danser, si tu le souhaites, Mlle Amati.

L'intéressée leva les yeux au plafond, termina son gobelet de jus de pomme d'une traite.

— Si ma mère t'entendait m'appeler comme ça, elle serait folle.

— Que tu portes son nom ?

— Que je m'intègre pas assez. (Devant l'air dubitatif de son partenaire, elle haussa les épaules.) Oui, pour elle, prendre le nom anglophone de mon père parti depuis des lustres est plus malin que d'afficher ouvertement mes origines.

Elle ricana en se servant un nouveau verre de jus de fruits.

— Et tu parles d'origines. L'Italie. C'est pas nous que les États-Unis surveillent.

À côté d'elle, Adrián lorgnait toujours les danseurs au milieu de la piste.

— Va te chercher un partenaire, lui souffla Maria avec un sourire entendu. Tu sais que je suis pas douée pour ça, mais y'a sûrement un gars à peu près doué avec ses pieds dans le coin ?

— Un gars qui accepterait de danser avec un autre gars ?

La réplique douce-amère chassa le sourire sur les lèvres de Maria. Dépitée, elle dévisagea les couples sur la piste de danse puis remarqua deux hommes à la périphérie.

— Eh, ces deux-là, regarde. Peut-être qu'ils accepteraient de... oh.

Les deux hommes venaient de se séparer et riaient aux éclats.

— Je savais pas que Mike et Ethan venaient ce soir.

— Moi non plus. Ça m'étonne d'eux, d'ailleurs, ils ont pas trop l'air de courir ce genre de fêtes.

Avant que Maria puisse répondre, Adrián s'avança et leur fit signe. À moitié essoufflés par la danse absurde et idiote qu'ils avaient menée à côté des slows pudiques, les deux partenaires se plantèrent face à leurs cadets en riant.

— Je suis étonné de vous voir là, lança Michael au milieu de deux respirations hachées.

— La surprise est partagée. (Adrián passa un bras autour des épaules de Maria.) On voulait être corporate, ce soir.

S.U.I - Recueil : Love & Legacy [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant