Chapitre.2

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Elle tenait entre ses doigts son petit calepin où figurait la liste des hommes qui avaient souhaité danser avec elle durant cette soirée. Gemma le serrait fermement dans sa main gauche tandis que ses yeux se posaient irrémédiablement sur le marquis de Dorchester, qui semblait tout à son aise au milieu de ses partenaires de jeu. Il ne s'était même pas proposé alors qu'à peine eut-elle passé les portes de la salle de bal, des dizaines s'étaient jetés à ses pieds afin de réclamer un moment à ses côtés.

Ses yeux noisette cherchaient sur ce visage illuminé par son sourire jovial, une attention. Une courte seulement. Mais Alan était ainsi. En apparence, il avait toujours demandé à ce qu'ils soient dépeints comme un couple harmonieux et qui ne se trouvait aucuns défauts. Cependant, la haute société n'était pas aveugle. Tout le monde ci-présent savait que leur relation était purement platonique. Et qu'elle était la seule dans ce mariage à l'aimer.

N'avait-elle pas fait une erreur à l'époque ? Gemma l'avait épousé tout en sachant qu'il était épris d'une femme déjà mariée. Il ne le lui avait jamais confié mais elle l'avait deviné. Et lorsqu'elle avait souhaité le confronter à cette dure réalité, Alan s'était mis dans une colère noire et avait refusé de lui adresser la parole pendant un bon mois. Ceci l'avait détruite. Son cœur, à ce jour, n'arrivait pas à s'en remettre.

Alors qu'elle avait pris la décision de fuir son foyer, d'échapper à l'autorité de son père qu'elle avait toujours jugé trop sévère et étouffante, la marquise avait fini par se retrouver piéger dans ce mariage pitoyable.

— Gemma, souffla son amie à son adresse.

Elle détacha son regard de son mari lorsqu'elle reçut un petit coup de coude sur son bras. Lorsque la jeune femme posa ses yeux sur la personne qui se tenait à ses côtés, un éventail cachant la moitié de son visage, elle finit par lui sourire tristement.

— Je suis désolée. Décidemment, je ne réussis toujours pas à passer un moment sans penser à lui...

Lydia se déplaça afin de se poster entièrement devant elle. Ses sourcils se plissèrent au-dessus de son regard bleu puis elle referma son éventail en plumes devant son visage légèrement poudré.

— Il serait tant que tu ailles lui demander ta première danse avant qu'il ne gâche ta soirée, lui déclara la comtesse d'Ederlay en pointant du bout de son éventail, l'endroit où se trouvait le marquis de Dorchester.

Gemma eut un mouvement de recul. Avant même qu'elle ne puisse tourner les talons, son amie se rapprocha d'elle et se saisit de son poignet.

— Continue ainsi et ton mari se retrouvera entichée d'une godiche encore vierge et il te divorcera aussitôt qu'il la trouvera fertile !

Les paroles de la comtesse l'offusquèrent tellement qu'elle se dégagea de son emprise et la fusilla du regard.

— Eh bien ? rajouta Lydia en la regardant sans afficher la moindre gêne sur son visage.

Son amie était peut-être d'une franchise déconcertante mais elle ne pouvait douter de son affection. Lorsque Gemma avait appris que son époux avait rendu visite à cette femme, une visite de simple courtoisie parait-il, la comtesse avait accouru jusqu'à elle. Lydia avait organisé une simple réception dans la demeure des Dorchester, invitant toutes les Ladys de la haute société à prendre le thé.

Heureusement, ce fut une après-midi mémorable puisque la marquise de Dorchester avait finalement offert à ses invités un moment musical. Depuis qu'elle était jeune, Gemma avait toujours aimé jouer du piano. Par ailleurs, en ayant découvert cette information, le marquis lui avait offert lors de leur seconde année de mariage, un piano à queue vernis qu'il avait fait mettre dans un petit salon du domaine. Ainsi, seul un petit comité pouvait l'entendre jouer et Gemma n'en était que plus satisfaite.

Clé de mon CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant