— Madame, il insiste pour vous voir.
Essuyant du revers de sa main la sueur de son front, elle continua sa besogne en ignorant les paroles du majordome de la maison. Quinn s'efforçait de satisfaire le marquis de Dorchester en accomplissant à la lettre toutes les tâches qu'il lui demandait de faire. Et lorsqu'il était question de mentir pour lui, afin d'éviter des disputes qu'Alan jugeait pénible s entre eux, le vieil homme ne se retenait pas de le faire.
— Dites-lui de m'attendre dans son bureau. Je ne tarderais pas.
Quinn retira ses lunettes afin de se masser longuement les creux de ses yeux. Elle avait remarqué qu'il ne les supportait plus, probablement que sa vue avait baissé mais qu'il n'avait pas de quoi les changer.
— Madame, il remit sa paire de verres sur son nez avant de continuer, cela fait déjà une heure qu'il vous attend !
Gemma plongea brutalement l'objet pointu dans la terre molle d'un bac. En levant sa tête, ses pupilles le dévisagèrent longuement. Il dansait d'un pied sur l'autre, espérant visiblement qu'il ne l'ait pas offensé.
Cela faisait déjà deux longues années qu'il était sous son autorité et il n'était jamais arrivé à distinguer sa colère de sa frustration.
— Ne voyez-vous pas que je suis occupée ?
D'une lenteur calculée, la marquise se leva du petit tabouret en bois sur lequel elle s'était assise afin de biner la terre. Cela lui évitait des courbatures plus douloureuses que si elle s'était mise à genoux. Elle retira ses gants épais en tissu, les jeta au pied du tabouret et se mit à marcher en direction du domaine.
Le jardin était immensément grand. Pour éviter que ses domestiques ne l'embêtent pour des futilités, elle faisait toujours en sorte de trouver un endroit où ils ne leur seraient pas facile à deviner. Et tous les deux jours, lorsqu'elle s'y rendait soit pour planter ses graines ou bien pour entretenir ses plantes, les places qu'elle choisissait n'étaient jamais les mêmes.
Toutefois, Quinn était le seul à passer une matinée entière pour la retrouver au milieu de toutes ces plantations.
— Madame ?
— Dites à Gwendoline de me préparer un bain.
— Et le marquis, madame ? s'enquit ce dernier, s'inquiétant qu'elle ne finisse par l'énerver.
Elle ne lui répondit pas.
Il y avait bien deux choses qui l'insupportaient, c'était lorsqu'on la dérangeait en plein milieu d'une occupation. La seconde, qu'on la presse.
Sans vouloir la tourmenter davantage, le majordome se retira une fois qu'ils pénétrèrent dans le manoir.
Gemma claqua derrière elle la porte de sa chambre, rendant nerveux les serviteurs. Ils n'avaient jamais su comment la prendre, elle était indéchiffrable à leurs yeux. Lorsqu'elle jeta son chapeau en paille au sol, qui était simplement décoré par un ruban blanc, la jeune femme se mit à faire les cents pas au milieu de la pièce. La nervosité la gagnant petit à petit, elle ne sut quoi faire. Elle était terrifiée.
Allait-il vraiment le faire ?
Sa mère avait eu la bonté de l'en dissuader, seulement parce que cela tâcherait leur réputation à tous les deux et qu'il n'était pas certain que par sa faute, elle trouve de nouveau un homme qui voudrait l'épouser.
Tu es bien le seul homme d'Angleterre qui ait accepté de faire d'elle, ton épouse, Alan.
Parce qu'elle ne faisait rien dans les normes ? Parce qu'elle était différente, disait ce qu'elle pensait sans aucunes hontes et se fichait royalement des critiques que l'on faisait de sa personne ? Parce qu'elle n'hésitait pas à clouer le bec de ceux qui osaient la défier ?
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Clé de mon Coeur
Historical FictionPour parfaire l'éducation de sa benjamine, le duc de Lancastre décide de l'envoyer en France sous l'autorité de sa sœur, sa tante. Malheureusement pour lui, Gemma suit une éducation libertine à laquelle la noblesse anglaise serait scandalisée à voir...