Chapitre 1

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- Inspecteur !

On hurla. Un hurlement qui fit l'effet d'un coup de poing droit dans les tempes et qui arracha à "inspecteur" une grimace de douleur. Il avait passé toute la nuit à deux heures de la capitale pour une foutue réunion, puis il avait du trier les papiers et les affaires de son ancien consultant. Tout cela dans l'optique d'accueillir le lendemain son nouveau coéquipier . On avait très vite remplacé son partenaire, à croire que la direction n'attendait que ça, qu'une balle se coince dans son thorax et mette fin à son contrat. Cela ne l'aurait pas étonné. 

Son nouveau consultant était mal tombé. Inspecteur n'est pas le genre de personne qui peut former les jeunes.

Quintillien n'était pas un inspecteur très dur à vivre, mais il avait son propre comportement et ses propres façons qui pouvaient parfois refroidir les débutants ou les aînés. Les aînés, étant plus rares, cependant. Il était grand, avoisinant avec facilité les deux mètres de haut ce qui le rendait imposant tout en ayant une taille fine à en faire pâlir les mannequins. Quintillien Beauchant était un français pur souche de la tête au pied et ne renvoyait en rien l'image du sudiste omnipotent et de ses boules de pétanques. Elle renvoyait plutôt l'illusion d'un être à cheval sur les règles et cynique, ce qu'il était , en partie. Il fallait savoir qu'il ne riait jamais. Ces rires sarcastiques étant plutôt classé dans ricanement effrayant par tous les stagiaires qu'il avait pu "traumatiser". Il n'étaient pas nombreux mais assez pour lui coller cette fichue étiquette sur la gueule. Quelqu'un de droit dans ses bottes et dénué de toutes les émotions imaginables et pourtant attachant dans chacune de ses habitudes qui trahissaient ce qu'il ressentait. Car même s'il paraissait n'être qu'une bête bonne à faire le travail des autres, Quintillien pouvait ressentir des choses comme tout être humain normalement formé. Sa façon de prendre sa tasse de café par exemple, qui exprimait son soulagement, son besoin de se détendre, ses différents regards, mouvements de mâchoires qui pouvaient à la fois faire comprendre à l'interlocuteur qu'Inspecteur ne croyait pas un mot de ce qu'il disait où qu'a contraire il devait continuer, ne surtout pas perdre la face. Il était attachant dans chacun de ses détails qu'il laissait couler comme des tics, sachant pourtant sur le bout de doigt que le danger avec le quotidien c'est qu'il avait tendance à trahir.

Mais il se trahissait en tout conscience, alors, que demande le peuple ?

- Vous devez être le nouveau stagiaire, entama t-il, la voix encore pâteuse de la nuit blanche passé, faites moi plaisir posez vos affaires dans un coin et mettez-vous vite au travail. Il y a des photocopies à faire.

Incrédule le nouvel arrivé resta debout, planté là, se demandant si "Inspecteur" rigolait ou s'il allait vraiment passer par la case secrétariat. Cet attitude arracha un soupire lourd à Quintillien. Son actuelle secrétaire, Amanda, lui avait demandé d'être plus doux avec les nouveaux et ne pas directement lui faire ses vannes « idiotes et désagréables », mais comment garder son calme quand la personne en face n'a aucune connaissance en ironie ou quand encore elle est assez débile pour croire ses paroles. Tout le monde savait que L'inspecteur Beauchant était le plus fou de la police parisienne, bien sur ! Quintillien n'était que connu que par ça, son effrayante efficacité, cette même efficacité qui faisait de lui cet homme antipathique et affabulé d'un sens de l'humour plus que douteux. Bonté divine, les jeunes de nos jours doivent bien lire ces abominations que les journalistes écrivent dans "Closer" ? 

Vraiment personne ne les entraînent à le supporter ?

- Je rigole. Bon, quel est votre nom ?

Le jeune homme resta stoic, mais Quintillien nota sa répartie et le soin qu'il mettait en oeuvre pour garder son sérieux et ne pas afficher le mépris qui devait naître à l'égard de son nouveau supérieur.

- Samir, Samir Curtis.

« On est pas dans James Bond, tu peux me dire ton nom en entier sans te la jouer 007, gamin »

S'il avait pu, il se serait écrasé la tête contre sa table et aurait attendu que ce cauchemar prenne fin. Quand est-ce que ses supérieurs comprendrait qu'il n'est pas plus pédagogue qu'une prostitué inuit, si seulement celles-ci existe ce qui est aussi probable qu'une pluie de grenouille? Il se força à ne pas laisser paraître son désarrois et serra la main à son nouveau collège. 

- Bien le bonjour, Samir Curtis. Je me nomme Quintillien Beauchant mais vous devez déjà le savoir, Inspecteur suffira mais vous pouvez m'appeler par mon prénom si cela vous chante.

Il laissa le jeune s'installer et retourna à son bureau, sans pour autant retrouver le dossier confortable de sa vielle chaise. Il resta à fixer le dossier déposé sur son bureau, un soupçon de mélancolie dans son regard. Voilà six mois que son consultant avait été tué, cette personne avait été d'ailleurs bien plus qu'un simple consultant. Son regard divagua ensuite vers un cadre où il posait avec cet homme, justement. Il l'avait toujours gardé, même s'il n'était pas spécialement émotif il accordait une certaine importance à la nécessite de se souvenir. Ne pas oublier qui pendant la majeure partie de votre vie à égayé votre boulot et à fait des crimes des Paris une véritable tranche de rigolade. Ne pas oublier qu'il a été sauvagement assassiné sans raison, qu'on lui brûlé le visage et que jamais l'on ne pourra réussir à faire un deuil pareil, juste garder en soit cette envie de vengeance qui nous jettera avec elle dans la tombe. 

Se souvenir.

- Qui est-ce ?

Il fit volte face, il avait oublié le nouveau. Et il n'avait vraiment pas envie de lui raconter une histoire ce matin. 

- Votre prédécesseur. 

- Oh celui qui...

- Oui. Celui là même. 

Plus froid encore que d'habitude, Quintillien reposa le cliché avec dureté, ce qui fit reculer un peu Curtis qui avait compris qu'il ne fallait vraiment pas parler de ça à Inspecteur.

- Hum.. désolé. Votre secrétaire m'a demandé de vous transmettre qu'il y a eu un meurtre.

- Que c'est original, ironisa t-il, je ne m'y attendais pas du tout !

- Le visage brûlée, qu'il avait. 

Son sourire glissa aussi vite qu'il était apparu, il saisit sans faire un signe à Simon son atroce veste en tweed et bondit hors du bureau. Il ne rattrapa même pas le débutant sur son langage qui sortait droit de la cité d'on ne sait quel arrondissement. Non. Il marcha droit, dans toute sa hauteur, à travers les couloirs gris métallique vers la sortie, comme porté par un vent nouveau.

- Attendez moi, qu'est-ce que cela veut dire ? Et, qui va conduire ? Vous avez laissé vos papier et vos clés... revenez bon sang !

Mais Quintillien ne répondait plus, il était aspiré dans ses souvenirs.

Se souvenir. Saisir sa chance. Il héla un taxi, mais attendit tout même que son nouveau collège monte, abasourdi et décidément dépassé par les événements. Direction les Champs Elysées. 

Pourtant on lui avait toujours dit de ne pas laisser ses sentiments prédominer.

Et ce jour là il aurait du écouter les conseils.


P.R.I.S.M.A.T.I.COù les histoires vivent. Découvrez maintenant