Chapitre 3

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Il y a quelque part logé dans ses souvenirs cette phrase, cette litanie souvent murmurée à voix basse dans le métro, entre deux accolades involontaires qui aujourd'hui encore trotte quelque part dans son cerveau lobotomisé. Tu ne feras confiance à personne. Personne ne te fera confiance. Ce serment fidèle et silencieux qu'il brisait chaque fois que le visage juvénile d'un nouveau pointait le bout de son nez au commissariat. Cet espoir futile qu'une bonne âme puisse encore s'égarer et atterrir dans les bons bras à temps. Il s'y attachait. On est vite tenté de perdre foi en l'humanité, personne ne peut le nier, il y a dans le genre humain un niveau d'atrocité répugnant. 

Tout le monde à songé a une balle collée dans le tête d'un autre.

Le monde tourne autour d'un principe simple, vilaine roulette russe. Si tu vis aujourd'hui, prépare toi à mourir demain car demain est un nouveau jour et tous les nouveaux jours sont sanglants. Le soleil commence par saigner le matin avant de s'enfoncer dans la nuit abyssale, sans oublier de laisser dans le ciel sa cicatrice embrassé. 

Répugnante et fascinante. La dextérité avec laquelle une main se joue d'une lame peut pour certain devenir un véritable spectacle pour les adeptes du danger, qui aime connaître les limites. La main plaqué sur sa crosse, l'autre pour retenir son épaule, Quintillien pourrait tirer sur la rousse et ses mèches emmêles.  Faire taire les sursauts de sa respiration, souffle essoufflé d'avoir couru. Franchir sa limite. Répondre à l'adrénaline qui afflue, la rage.

Mais il n'a pas les couilles.

Tu peux te convaincre que le jour venu, tu vas laisser ta rage féline se déchaîner sur la peau diaphane, tâcher le sol, laisser toute ta haine se répandre. Tu ne peux pas luter contre ta nature d'humain lâche. L'humanité à cette faculté de se dégoûter seule d'elle même. Elle en rit, elle en pleure, elle en crève de sa folie et de son besoin de taillader les veines. Elle a peur, elle crie, mais personne ne s'entend dans l'ouragan de la perdition. Tu peux te convaincre que tu vas le faire. Facile de se répéter les ordres dans la tête, d'entendre les voix des journalistes te dire ce qui est mal et ce qu'il l'est pas Continuer à croire que ta liberté existe, même quand on te dit qui croire et qui renier. Tu le feras pas. Quelqu'un a dit qu'on choisissait toujours les facilité. Alors on se rassure, on se dit que c'est pareil. Pour tout le monde. Et on choisit la facilité.

La facilité de choisir la facilité. Alors on ne tire pas et on réfléchit.

Le canon contre sa nuque, il choisit de lâcher son arme. Et il arrête de réfléchir. On ne peut croire en personne. Surtout pas en quelqu'un qu'on a rencontré une heure auparavant. 

Et là tu comprends que t'es dans la merde.


 ~ 

Elle prend conscience de la situation. Même dans les pires institutions, il existe un genre de hiérarchie. Ceux qui pensent qu'une société, un ordre peut exister sans exiger que chacun trouve sa place n'a rien comprit au monde et s'obstine à croire que Dieu nous a crée. Son Dieu à elle en tout cas. Il n'a fait pas que nous donner la vie, il nous a fait à son image. Il ne peut y avoir qu'un seul Dieu, selon certain. Il est évident de s'entre-tuer. Il nous a fait comme lui. Unique et  possessif. Et il doit surement se marrer s'il existe. Il a crée seul la terre. Nous voulons façonner seuls le monde, dans notre petit coeur de merdeux, au plus profond de nous, rêvant d'idéaux stupides de fleurs des champs et d'amour à en vomir. On ne peut pas vivre et travailler ensemble. Trop différents. Tous pareils.

Si il a une hiérarchie, c'est pour  faire avec les pulsions de chacun. Les lions avec les lions. Ne pas tout mélanger. Et c'est là que son agence à merdé. Ou elle. Peut-importe. Le plan à foiré quelque part, sans doute à cause d'elle. Ouais. 

Elle ne savait pas que Samir serait du coup en revanche. Elle n'avait pas prévu qu'il soit là et qu'il prenne sa cible. La sienne. Elle n'a peut-être pas fait son boulot de la bonne manière, mais ce commissaire était le prochain sur le liste. Elle a de très bonnes raisons de s'en prendre à lui. Ce doit être elle. Pas Samir. Samir ne sait rien.

Il ne sait pas ce qu'elle a fait. Ce qu'elle a crée.

- On fait des heures supp' ?

La question claque, elle n'a ni l'envie ni le temps d'être cordiale avec le fiston du grand patron. Un lion avec un lion. Et un chien entre les deux. 

- Toujours aussi belle à en faire crier les alarmes, Faith.

La pique touche sa cible. Ex Aequo.

- La ferme. T'étais pas sensé être au Brésil ?

- Je me suis lassé des putes. La cible était trop saoul pour me voir arriver, c'était pas drôle. Alors j'ai bondi dans l'avion et j'ai vu que cette mission te prenais à coeur et je suis venu t'embêter poupée.

- T'es vraiment qu'un macho.

- Merci ça me touche, je m'entraîne. Ça te dérangerait pas d'abréger avant que je lui explose la cervelle ?

- Le Baron sera pas super content.

- C'est moi plus gros soucis, chérie.

Il a sans doute raison. Les flics sont en bas, ils vont pas tarder à grimper et ils seront pris la main dans le sac. Mais elle n'a pas envie de coopérer avec ce beauf". La seule chose que Faith sait de Samir c'est qu'en plus d'être le fils du patron  - fils renié à noter -  c'est le plus grand misogyne de la boite et sans doute celui qui n'a jamais ouvert un dictionnaire de sa vie.

Un autre truc avec les humains, le savoir les gonfle. Ça leur rappelle à quel point il ne savent bien du monde qu'ils pensent diriger.

- Avoue, t'a juste envie de faire tomber ma tête.

- Tu serais trop fière si je te disais la vérité.

L'autre se réveille et comprend soudain sa situation.

Samir ne se pose pas de question, il appuie sur la détente. 

Sans se douter qu'il allait changer le monde.



P.R.I.S.M.A.T.I.COù les histoires vivent. Découvrez maintenant