Chapitre 4

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A mesure que nous avancions dans les hautes herbes j'avais l'étrange impression que quelque chose n'allait pas, nos ennemis n'avaient sûrement pas décidé de nous attaquer à l'aveuglette, ils avaient probablement quelque chose en tête en décidant des nous bombarder à cet endroit spécifiquement. Je gardais cette pensée pour moi alors que Jacob se démenait pour réussir à avancer. En le voyant à l'œuvre, je me mis à l'imiter sans même réfléchir. Malgré la gravité de la situation, je ne pus m'empêcher de rêvasser en regardant le crépuscule. Le ciel était d'une beauté incroyable, il avait une teinte orangée, la couleur préférée de ma sœur. Je me remémorais des souvenirs de mon enfance, de tous ces jouets avec lesquels je m'amusais, de toutes ces après-midis passées à rêvasser sur mon amoureuse en classe, de tous ces enfants avec qui je jouait durant des heures alors que mes parents attendaient mon retour après l'école. Tout cela fut brusquement interrompu par des grosses secousses qui nous firent tomber Jacob et moi. J'étais dans un état de confusion complet, je n'étais presque pas capable de me souvenir d'où j'étais. Je revins soudainement à la réalité alors que Jacob me réveilla à coup de claques et en me hurlant « QU'EST-CE QUE TU FOUS ?! TU VEUX MOURIR ICI ? ». C'est précisément après ce retour à la réalité que je venais de comprendre ce qui venait d'arriver. La secousse que j'avais ressenti était une explosion, j'arrivais clairement à discerner le cri de douleur d'un soldat situé à quelques dizaines de mètres de nous. En réalité si les ennemis avaient bombardé les rails, c'était pour nous forcer à descendre et que nous fuyons en direction des hautes herbes, c'était logique que nous nous dirigerions ici puisque c'est le seul endroit d'où on ne peut pas nous voir vu du ciel, mais ce qui était diabolique, c'était qu'ils avaient infesté les hautes herbes de mines anti-personnel. Nous nous situions donc dans un gigantesque champ de mine d'autant plus imprévisible qu'il nous est impossible de voir où nous marchons. Il fallait que l'on sorte de cet enfer, Jacob et moi décidions donc de retourner sur nos pas afin de pas finir en tas de chair informe. C'était triste à dire mais nous ne pouvions rien pour les autres soldats déjà bien enfoncés dans les hautes herbes, pour eux il n'y avait que deux possibilités, soit ils ont vu quelqu'un exploser et dans ce cas ils cherchent à fuir, soit ils se sont déjà pris une mine et c'est fini pour eux. Jacob était hésitant sur là où il mettait les pieds, je ne pouvais pas réellement lui en vouloir vu le contexte, mais au bout de quelques minutes il se retourna et me hurla de prendre sa place et d'avancer. Je le regardais, un peu perdu, mais il réitéra. Son visage laissait paraitre à la fois une terreur mais aussi une colère phénoménale. Voyant mon manque de réaction, il sortit son fusil et le pointa sur moi avant de hurler : « AVANCE SINON AUCUN D'ENTRE NOUS NE S'EN SORTIRA D'ICI VIVANT ! JE NE VAIS PAS RISQUER MA VIE POUR QUE TU PUISSES M'ABANDONNER A MON SORT SI JAMAIS UNE MINE M'EXPLOSE DESSUS ». Soucieux de mon sort, je m'avançai et pris sa place. Sa réaction était compréhensible bien que très exagérée, moi qui pensais avoir trouvé quelqu'un en qui avoir confiance, je commençais à douter de mes capacités à bien m'entourer. Mais ce n'était pas le moment pour penser à ce genre de futilités, pour l'instant je devais tenter de repérer le chemin que nous avions emprunté. Ce fut relativement simple puisque certaines herbes étaient restées pliées au sol. Il nous fallut quelques minutes avant d'enfin atteindre la fin du champ. Jacob tomba sur ses genoux et se mit à pleurer comme un enfant, il s'excusa pour son comportement et expliqua qu'il ne voulait que rentrer chez lui, puis il me donna son arme en signe de confiance. Je voulais bien le croire, néanmoins il pourrait s'avérer un obstacle à ma survie dans le futur. Quoiqu'il en soit, la scène à laquelle nous faisions face était parfaitement terrible. Seule la carcasse du train et quelques cadavres se dressaient devant nous et il ne nous restait plus qu'une chose à faire : attendre des renforts.

HiraethOù les histoires vivent. Découvrez maintenant