PROLOGUE

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CHARLIE


C'est elle ou moi. 

Immense, droite et fière, elle me défie de ses yeux noirs et profonds. Un souffle bruyant s'échappe de ses narines et son sabot usé racle le sol rocailleux en signe de chargement imminent. Ses cornes épaisses, menaçantes et très pointues situées de chaque côté de sa tête pourraient tout aussi bien être des sabres aiguisés ou la cassette vidéo du film the ring, elles me feraient tout autant flipper. 

C'est certain, je vais me faire laminer.

À cet instant, j'en veux profondément à mon esthéticienne. Elle m'a menti en me regardant droit dans les yeux. Elle a soutenu avec conviction et sans ciller que mon déodorant à la noix de coco, végan, naturel, qui ne contient ni aluminium ni bicarbonate de soude, ni parabens ni silicone, résisterait aux plus fortes chaleurs et aux coups de stress intenses. Si je survis à cette attaque, je vire cette traîtresse de ma vie. Là, au beau milieu de la montagne, je pue, comme jamais je n'ai pué. Je transpire le stress, la peur, la colère et autre chose aussi que je ne citerai pas ici. Sincèrement, il me reste suffisamment de fierté pour ne pas m'étaler sur les détails... Je suis sûre que cette bestiole se délecte de mes émotions. Je déteste les vaches, ou tout autre animal à corne. Sauf peut-être les licornes. C'est mignon, une licorne... et bienveillant ! Pas comme cette ignominie énorme aux narines sifflantes et au regard torve.

Sans lâcher la bête des yeux, je déglutis le peu de salive qu'il me reste et, avec précaution, recule d'un pas. Puis d'un autre. Mon sac à dos heurte un solide barrage m'obligeant à stopper net ma progression. L'animal avance d'un pas. Je panique et gémis d'angoisse en m'accrochant aux lanières de mon sac, comme si ce dernier pouvait me sortir de cette situation improbable.

— Arrête de gesticuler, m'intime le fameux barrage derrière moi.

À l'inverse de mon état de panique, sa voix respire la parfaite maîtrise de la situation et le calme absolu. Il ferait fureur dans les équipes de Petit Bambou.

— Facile à dire, sifflé-je entre mes lèvres gercées par le climat et la soif. Ce n'est pas toi qu'elle vise avec ses trucs !

— Ne la regarde pas dans les yeux. Tu es sur son territoire. Il faut que tu sortes tranquillement et sans gestes brusques du chemin afin de la laisser passer.

Paniquée, j'évalue rapidement les options qui s'offrent à moi. À droite des ronces épaisses qui, à coup sûr, zébreront le bronzage méditerranéen de mes jambes en plus de me saigner à vif et certainement de me vider de mon sang. À gauche le ravin qui m'offrira au mieux la paraplégie, au pire la mort. Je reviens sur la bête qui progresse dangereusement vers moi en soufflant son impatience par les narines.

C'est elle ou moi.

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