- Je te le dis maintenant mais tu sais, dans l'océan pacifique, l'eau est vraiment glacée. Encore plus cet hiver. Mais un petit saut ne nous ferait pas de mal, si ?
Nous ?
- En plus, tu savais que la noyade était classée comme une mort très douloureuse, juste après celles des flammes. Si j'étais toi, je réfléchirais à deux fois avant de sauter, ajoute-t-elle d'un ton innocent.
Puis d'un coup, elle saute.
Tout s'enchaîne rapidement, trop vite pour mon cerveau qui a à peine le temps d'user de ses réflexes. Je me vois l'empoigner par la taille, d'un bras aussi dur que de la roche. Je m'observe la serrer fortement contre moi, sans oser la lâcher. Ses mains s'enroulent autour de mon buste, d'une urgence qui me coupe le souffle. Le son des vagues qui s'échouent contre la coque du navire nous bercent dans un silence presque chaleureux.
Je suis soulagé, horrifié, mais par dessus tout pétrifié. Elle a sauté, putain. Sans aucune hésitation, sans une once de peur ou d'horreur devant le vide mortel qui l'attendait.
Elle semblait si sereine, si sûre d'elle... Pourquoi n'ai-je pas sauté comme elle ? Je suis si lâche que cela ? J'ai honte. La culpabilité d'avoir souhaité la mort et de ne pas avoir pu l'avoir se mêlent en moi. Une vague de dégoût me noie. Je suis un être abject. Monstrueusement hideux.
Un rire me sort de ma transe, et je réalise qu'il faut à tout prix la sortir de là. Mes plans attendront.
- Nom de Dieu ! Meuf t'es complètement inconsciente, idiote et barge. Et si je ne t'avais pas rattrapé ? Tu serais morte putain ! Morte !
- Orh ta gueule ! grogne-t-elle alors qu'elle prend mes joues en coupe.
What the fuck dude ?
- Tu me trouves inconsciente, mais dis moi qui d'entre nous était sur le point de se suicider ? T'es encore jeune putain ! T'as tellement de choses à vivre, à découvrir. Si tu crois que ta vie ne compte pas, tu as tout faux. Pour moi, elle compte. Chaque vie compte. Et là maintenant, c'est à toi de te reprendre en main pour rendre ta vie meilleure !
Elle s'arrête un instant pour reprendre son souffle, puis resserre sa poigne autour de ma nuque.
- Tu sais, si tu vis, tu auras beaucoup d'impact sur les gens autour de toi, ceux que tu vas rencontrer, ceux que tu aimeras, ou même envers les inconnus à qui tu souris ! Alors vis merde.
La chaleur de son contact, sa main contre ma nuque, tout me pousse à l'enchaîner à moi. À quoi bon la mort lorsqu'une déesse pointe soudainement le bout de son nez ?
Je ne la connais pas, on ne se connaît pas. Alors pourquoi ne pas foncer ? J'ai tout à gagner, et j'ai déjà tout perdu.
Une dernière douceur avant l'Enfer éternel ? Me laisserai-je tenter ?
Du côté de la vie, la brune m'offre un regard à mille promesses. Alors qu'elle remet ses chaussures gucci, elle m'observe d'un œil malicieux, tel un chat sur le point de dévorer sa souris.
- Laisse moi te convaincre, qu'une croisière à mes côtés serait source d'espoir, sourit-t-elle d'un ton confiant.
Malgré son expression légère, j'arrive à apercevoir ses yeux humides. Elle retient ses larmes.
Elle me tend une main prête à sauver mon âme dépouillée, vide de toute espérance.
J'ai failli la voir s'éteindre sous mes yeux, impuissant et horrifié. Et là, je m'en rends compte. C'est ce qu'elle aurait éprouvé, si j'avais sauté. Elle tente de me sauver, et ma vie semble compter pour elle. N'importe quelle vie compte pour elle. Si elle était arrivée tard, elle m'aurait apercu m'éteindre sous ses yeux, sans pouvoir rien faire. Rien d'autre qu'hurler, et regarder la mort en face, sans pouvoir me récupérer. Il ne suffit en réalité que d'une seconde pour bousculer le court du temps. Et si je pouvais transformer ma réalité, moi aussi ? La question se pose alors : vais-je tenir une soirée de plus ?
- Allez, donne moi ta main, je commence sérieusement à avoir une crampe.
Elle est collée contre la barrière qui nous sépare, et me supplie de ses yeux de renards. Ses doigts me tirent à elle, alors que je me retrouve à ses côtés, loin de l'océan et de ma détresse.
𒊹𒊹𒊹
- Pourquoi t'étais sur ce pont ?
- Je voulais me sentir humain, une dernière fois. Et puis, qu'est-ce qui est plus humain que mourir ? lâchais-je d'un rire sinistre.
Ses doigts parcourent les tatouages sur mon torse, d'une douceur presque féerique. Sa tignasse aussi noire que mes pensées s'étale sur mon épaule engourdie par son poids. D'un regard aussi claire que l'océan, Diana sourit d'un air maussade, et me laisse m'exprimer.
- Je me rends compte que la mort veut nous effrayer, mais ce qui est encore plus terrifiant, c'est de la vouloir de toute son âme. Des mois que je l'attends, qu'elle me torture l'esprit. Puis, je me dis finalement que l'univers n'a plus de place pour moi. Que je n'ai plus rien à faire ici.
Je m'arrête un instant, puis la contemple d'un regard langoureux.
- Et finalement, une femme complètement timbrée débarque dans ma vie, ou dans ma mort plutôt. Et Dieu seul sait pourquoi, elle me raille d'une référence à mon film préféré. Diana, il y'a quelques mois, tu as sauvé ma vie. Et même si tout n'est pas parfait, tu me redonnes le courage d'affronter le mal en face. Pour la première fois en vingt-quatre ans d'existence, j'ai eu l'impression, à cette soirée, que ma vie comptait.
Diana se mord la lèvre en m'observant. Ses doigts viennent chasser mes larmes, alors qu'elle me serre dans ses bras.
- Je t'avais bien dit qu'une soirée à mes côtés ne suffirait pas, susurre-t-elle près de mon oreille.
- Il me faudra bien des années pour me lasser de toi, fais-je en souriant contre ses cheveux.
- Je croyais qu'il ne fallait pas parler aux inconnus ? continue-t-elle d'un air farouche.
- Alors celui qui me l'a dit n'a jamais eu d'inconnue aussi séduisante que toi face à lui.
- Pff, idi-
Je la coupe en fonçant sur ses lèvres entrouvertes.
C'est elle que je veux.
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Entre mort et Amour,
il n'y a qu'un pas.
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Tu Es Aimé
Roman d'amourTobias Arcane ne croit plus en la vie. Serveur dans de nombreuses croisières, il ne supporte plus l'hypocrisie des riches, et les jugements de la société envers sa classe inférieure. Son but n'est plus de vivre, mais d'en finir avec cette existence...