« Ta mère est morte, Aydin. », lui avait-il annoncé d'une voix ferme, et contrôlée.Le garçon écarquilla les yeux, renversé par la révélation de son oncle Moustapha.
Il n'en croyait pas ses oreilles.
Sa mère, était morte.Il ne connaissait qu'elle, il n'aimait qu'elle. Elle pansait son cœur, elle pansait ses peines. Elle était tout.
Voilà qu'on lui annonçait la mort de l'être qu'il chérissait le plus au monde de la façon la plus banale qu'il soit, ici, dans ce couloir lugubre, dans cet hôpital à Afrin.
Moustapha: Ils ont fait ce qu'ils ont pu, mais... C'était trop tard. C'était fini.
Il ne réagissait pas, il semblait déconnecté du monde, muet à en être effrayant.
Il revoyait tous les moments passés avec sa mère, Latifa. Il revoyait chacun de ses sourires, chacun de ses regards chaleureux.
Sa mère n'était plus, il n'y aura plus jamais d'Aydin vulnérable. Il avait grandit dans la guerre, avait vu d'énormes atrocités, cela l'avait forgé à être un garçon fort et dur, il n'avait peur de rien. Et, n'avait surtout pas peur de subir la violence et d'en user.
Cependant, lorsque sa mère était dans les parages, il était cet enfant, cet être vulnérable, qui pleurait et riait. Mais sa mère n'était plus.
Alors il se mit à rire. Rire à en verser des larmes, un rire qui suscita l'effroi chez Moustapha. Il s'était mit à regarder son neveu étrangement.
Moustapha: T'es pas dans ton état normal, Aydin. Assieds-toi.
Malgré les innombrables tentatives de son oncle pour le calmer, Aydin était incontrôlable.
Puis les rires précédèrent aux pleurs.
Les pleurs d'un adolescent de 16 ans, en détresse, après avoir perdu le trésor de sa vie.
Après ce qui semblait être son premier trouble bipolaire, Aydin s'était assis désespérément sur le sol de l'hôpital, attendant la dépouille de sa mère.
Les yeux rouges et brillants, il avait un regard perdu, et semblait totalement déconnecté du monde.
Moustapha s'abaissa à son niveau, et lui tendit un gobelet remplit d'eau.
Aydin ne réagissait pas, alors son oncle soupira et s'assît à ses cotés, dans le silence.
Ils restèrent ainsi de longues minutes, jusqu'à ce que Moustapha prit le visage de son neveu entre ses mains et le força à affronter son regard.
Moustapha: Ce soir, tu quitteras le pays. Un camion blanc t'attendras en bas de l'hôpital, tu monteras dedans et prendra n'importe quel vol pour l'Europe.
Moustapha le relâcha et sorti de la poche de sa vieille veste une enveloppe qu'il donna à Aydin.
Toujours aussi silencieux, Aydin ouvrit l'enveloppe et y découvrit une liasse de billets dont il ne pouvait prédire la somme, ainsi qu'un faux visa et un faux passeport.
Moustapha: Ta mère a passé le restant de ses jours à travailler, avec sa maladie, pour réunir cet argent afin que tu quittes la Syrie le moment venu, Aydin. Il n'y a plus rien pour toi ici à présent. Ta mère est morte, et je ne peux pas m'occuper de toi. Ma situation est assez difficile, je n'ai rien à t'offrir. Pour ta mère, je me chargerai moi même de ses obsèques. Prends cette enveloppe et à 2h, tu monteras dans ce camion.
Aydin se redressa.
Aydin: J'veux pas partir ! Ici, c'est chez moi ! Ma terre, la terre de ma mère ! J'vais pas me casser !
Moustapha: C'est pourtant ce que ta mère aurait voulu, c'est pourquoi elle s'est battu, se tuant à la tâche tous les jours, alors que la maladie l'étouffait.
Il se leva d'un bond de colère, les poings serrés et le regard défiant.
Aydin: Parle pas en son nom ! L'utilise pas pour pouvoir te débarrasser de moi parce que t'as la flemme de t'occuper de moi ! T'inquiète pas, j'allais pas te bouffer le cul pour qu'tu m'prennes en charge !
Moustapha ne dit rien, se leva également, et avant de s'en aller, il lança un regard de pitié à son neveu, qui n'avait même pas daigné le regarder.
Ainsi, Aydin passa des heures à l'hôpital, disant adieu à la femme de sa vie.
Il était 1h55 lorsqu'il se retrouva dans le hall délabré de l'hôpital, adossé contre le mur, le cœur en miettes, pensif.
Qu'allait-il faire à présent ?
Il ne lui restait plus rien. Il n'avait nulle part où aller, personne à aller voir, pas d'amour, pas d'amitié.
Des phares de voitures se reflétèrent sur la baie vitrée du hall, ce qui lui fit sortir de ses pensées et l'aveugla quelques secondes.
Il se détacha du mur et aperçu le fameux camion blanc, garé devant l'hôpital.
C'était maintenant ou jamais.
Il s'était peut-être trompé, peut-être qu'il y'avait quelqu'un à aller chercher, quelqu'un à aller trouver.
Il y'avait ce géniteur, qui avait abandonné sa mère, la rendant encore plus malade, plus faible car elle avait passé le restant de ses jours à tenter de le retrouver, en vain.
Maintenant, c'était à lui de retrouver cet homme, car Aydin attendait des réponses.
Elle était donc là, cette raison de continuer à vivre, ce but, cette destinée.
Il n'hésita plus, il monta dans ce camion blanc, qui ne tarda pas à démarrer, s'éloignant de la ville d'Afrin.
Le regard planté sur la fenêtre, à travers laquelle défilaient les paysages de la Syrie, pays dans lequel il s'était juré de revenir, une fois son devoir accompli.
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Tram: Le destin amer d'Aydin
AçãoÀ 16 ans, Aydin fait face à l'épreuve la plus difficile qui lui avait été donné de surmonter; la mort de sa mère. N'ayant plus aucun moyen de survivre en Syrie, il quitte son pays d'origine et s'envole illégalement pour la Turquie à la recherche de...