Stories of lost souls

Chapitre 2 : Joshua Evans, 16 ans

Je m'assois en face d'Haley, elle a encore du mascara sur les joues, les yeux rouges et touche à peine à sa nourriture. Je décide de ne rien dire , vaut mieux. De toute façon je sais pas ce que je lui dirais... Elle finit par lever la tête de son plateau puis elle me sourie, je lui souris en retour, je sais pas vraiment pourquoi. Je pense qu'au fond de moi je sais qu'elle en a besoin. C'est dure pour elle en ce moment, je la comprends, je ne saurais sûrement jamais ce que ça fait mais je décide de quand même être là pour elle, sans moi elle a personne et sans elle je suis personne. Je me prends d'un élan de courage, je lâche ma fourchette et je prends sa main. D'abord elle me regarde interloquée, puis me fixe, je lui fais mon regard le plus compatissant puis elle serre ma main et se met à pleurer alors je décide de me lever de ma chaise et de la prendre dans mes bras, tout le monde nous regarde mais je m'en fous.

La sonnerie retentit, tout le self se lève pour quitter la salle, je me lève aussi mais Hailey restes là, sans bouger. Je la regarde puis m'apprête à partir mais je décide de faire quelque-chose : je me retour, lui tends la main puis dis :

-« Viens on se casse. »

Elle me regarde d'un air interrogé, se lève, prends sa veste, met sa main dans la mienne puis déclare :

-« Ok, on va où ? »

Je souris et on sort main dans la main du self jusqu'au parking du lycée. Une fois devant la voiture je commence doucement à paniquer et remettre en question notre escapade mais Haley me regarde, radieuse, et je n'ai plus le temps de reculer. Je saute sur le siège comme à mon habitude et Haley se place à côté de moi, elle me jette un dernier regard reconnaissant avant que je démarre le moteur. On ne sait ni où on va ni pour combien de temps mais voir le paysage de la Floride à travers le pare-brise nous convient amplement.

Cela fait près d'une heure qu'on roule et je décide de m'arrêter prendre de l'essence. Pendant ce temps Hailey regarde les spots sympas dans le coin (ce qui n'est pas forcément facile puisque l'on habite dans le trou du c*l de la Floride). Quand j'arrive elle pose son téléphone, regarde vers l'horizon puis prend une voix grave et dit :

-« Direction le lac Fareview ! »

J'éclate de rire face à son imitation très douteuse de capitaine de navire et m'exécute.

En arrivant au lac on est presque seuls : quelques enfants jouent dans le bac à sable pas loin. On décide d'y aller et on s'assoit sur une table de camping posée juste à côté.

On ne dit rien pendant plusieurs minutes mais on a pas besoin de se parler pour se comprendre, seuls nos regards suffisent. Je connais Haley depuis la maternelle et on a toujours été meilleurs amis. Je connais tout d'elle mais je n'ai pas l'impression que ce soit réciproque. Elle connaît mes habitudes, mes qualités, mes défauts mais elle ne voie que ce que je veux bien lui montrer. Dois-je me sentir redevable ?

-« Haley, je dois t'avouer quelque chose...

- Qu'est ce qu'il y a ? Tu ne vas pas mourir quand même ?

- Non non. Je... J'aime les garçons. »

Le silence règne il est tellement pesant qu'on entend à peine les enfants jouer à côté. Haley, contrairement à tout à l'heure, ne me regarde pas d'un air choquée. Finalement elle s'approche de moi et glisse d'un ton ironique :

-« Je le savais ! »

On éclate tous les deux de rire et je me sens tellement plus léger. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendait en lui disant la vérité, je savais qu'elle ne me jugerais pas mais j'avais quand même peur.

On reste jusqu'au coucher du soleil, on adore voir le ciel se teinter de rose et d'orange. Alors que la lumière du jour s'engouffre dans le lac on décide de nous lever et de partir avant que mes parents ne s'inquiètent, la mère d'Haley est sûrement déjà endormie. Sur le chemin du retour on ne pense même pas aux cours, ni aux profs, ni aux salles et encore moins à la bouffe du self. On passe un bon moment et on regrette seulement l'instant où l'on devra rentrer chez nous.

Haley rentre sa tête à l'intérieur de la voiture et se tourne vers moi.

-« Tu l'as dit à quelqu'un d'autre ?

- De quoi ?

- Ce que tu m'as dit tout à l'heure.

- Non et je ne crois pas que je le ferais. »

Elle a l'air de comprendre ou du moins elle essaye. Je vois dans son regard qu'elle s'inquiète pour moi. Cela me fait vraiment plaisir de sentir qu'à ses yeux je serai toujours le même.

-« Et je peux te de mander pourquoi ? »

Je ne sais pas trop qui lui répondre. En fait si, je connais la réponse à sa question, je sais pourquoi je veux que ça reste secret, mais j'ai trop honte. Alors je laisse un petit temps avant de répondre :

-« J'ai peur »

Haley me regarde mais j'ai les yeux fixés sur la route, en voyant ma réaction elle baisse la tête.

-« Je ne pense pas que je suis prêt, avant que les autres m'acceptent tel que je suis il faudrait que je l'accepte moi-même et... ce n'est pas le cas. »

Elle relève la tête et maintenant elle aussi elle fixe la route: le voyage ne fait que commencer.
Arrivés devant chez elle on commence par baisser la tête, on ne sait pas trop comment finir cette journée pleine d'émotions. Toutes restant silencieuse Haley me fait face, me sourit puis me prend les mains avec les siennes. Ce simple petit qui paraît anodin me fait tellement de bien, je sais maintenant qu'elle sera là quoi qu'il arrive et que je pourrais toujours compter sur elle en cas de besoin. Haley a ce sorte de pouvoir: elle met les gens en confiance avec un rien, j'adore ça chez elle. Elle est si honnête, autant avec les autres qu'avec elle-même, et je remercie le destin de lavoir mis sur ma route. Je ne lui dirais jamais ces mots mais j'espère qu'un jour elle pourra lire dans mes pensées afin qu'elle sache à quel point elle a changé ma vie. C'est ça une amie.
Le soir dans mon lit j'ai du mal à dormir, depuis quelques temps j'ai ce poids sur la poitrine et je pensais qu'aujourd'hui j'aurais pu m'en débarrasser en avouant qui je suis vraiment à Haley, mais apparemment non. Une sorte de culpabilité me suit partout où je vais, c'est un peu comme un cercle vicieux: je n'en parle à personne, culpabilise car les autres méritent de savoir puis culpabilise de culpabiliser et ça n'en finit pas... Le pire dans tout ça c'est que je sais que je ne pourrai jamais vraiment m'en débarrasser (et ce n'est pas parce-que je ne veux pas). Je crois que j'ai peur des autres et de leurs réactions si je leur avoue la vérité, je suis quelqu'un qui s'est toujours préoccupé du regard des autres, j'ai toujours voulu que les autres m'aiment et m'acceptent et je sais que ma sexualité va déranger certains. Est ce que ça me fait du mal ? Je ne pense pas, les gens qui détestent d'autres personnes à cause de leur sexualité sont juste des idiots. Non, ce qui me fait mal c'est que j'ai toujours eu besoin de l'approbation des ces idiots pour vivre sans ce poids sur ma poitrine alors que je savais que le "vrai moi" ne correspondrait jamais à leurs idéaux. Je jouais un rôle et aujourd'hui j'en ai marre: je veux être ce "vrai moi" peu importe ce que pensent les autres. Seulement, j'ai peur.
  Ce matin, c'est décidé, je prends mon courage à deux mains et, devant mon miroir, je me répète : " aujourd'hui je serais MOI ", ce matin, c'est décidé, je suis serais heureux. Et ça, ça change tout ! Aujourd'hui je ne drague pas de jeunes lycéennes, aujourd'hui je fais ce que Joshua Evans ferait et Joshua Evans a décidé de passer une bonne journée.
  En rentrant au lycée je me doute bien que personne ne remarquera le changement (le but est quand même de rester moi-même) mais j'ai l'impression que rien qu'en voyant mon sourire Haley lit en moi comme dans un livre ouvert, grand ouvert : elle me sourit en retour.
  Au cours de la journée je lui fais part de ma discussion intérieure nocturne qui a eu lieu il y a quelques heures, elle me conseillé de me confier auprès de mes parents, elle me dit que ça me ferait du bien de m'ouvrir à eux et qu'ils comprendront. Alors, ce soir je prends une grande inspiration et essaye de trouver tout le courage en moi pour aller jusqu'au salon et, devant eux, je me tient bien droit et prends une dernière inspiration.
-" Papa, maman faut que je vous dise quelque chose..."