Chapitre 3

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La respiration lourde, je peinais à retrouver mes esprits sous les lueurs aveuglantes et la migraine qui me broyait les synapses. De vagues silhouettes m'entouraient, et je peinais encore à saisir la situation.

— Le programme est opérationnel ?

— Oui, monsieur.

Allongée sur le flanc gauche, je basculai la tête en arrière, poussant de faibles gémissements, incapable de quémander de l'aide.

— Elle a repris connaissance, monsieur Forwell, que fait-on ?

— Rien, je ne vais pas gaspiller des anesthésiants sur un cobaye.

Je discernai les pupilles de Jeffrey, ses mains englobèrent mon visage, maniant sans trop de peine mon cou pour me pousser à garder le profil contre la table métallique.

— À l'aide... soufflai-je, proche de perdre une nouvelle fois connaissance.

— Il ne faut jamais fouiller dans les affaires d'autrui. Voyez le bon côté des choses, vous allez servir la science.

Un claquement métallique attira mon attention, mais je ne perçus que ses jambes qui me tournaient autour. Mon corps ne répondait plus, et alors que je sentais une main caresser l'arrière de ma nuque avec délicatesse, le vrombissement d'une machine me fit tressaillir, mes larmes roulèrent silencieusement jusqu'à s'écraser dans mes cheveux. Distinguant encore le visage inerte de cet inconnu enfermé dans un cercueil, je me demandais si je finirais comme lui. Non, je ne voulais pas y croire. La vie était trop belle pour s'achever ainsi, j'avais encore tant de choses à prouver.

— S'il vous plaît...

Mais mes suppliques se montrèrent vaines face au rire mauvais de Forwell.

— Ne bougez pas Anita, il s'agit d'une l'opération des plus délicates et douloureuses. Le moindre mouvement brusque pourrait engendrer votre mort.

Ses mains me retenaient fermement contre la paroi gelée. Mon cœur cognant lourdement, mes sanglots mêlés à des lamentations à peine audibles redoublèrent. Le grondement infernal de la technologie et des ordinateurs qui nous entouraient parvenait à camoufler mes ultimes tentatives quant à négocier ma survie. Un épais bâton de bois s'immisça entre mes dents. Le souffle saccadé, je tentai de me retourner, mais impossible d'entrevoir ce qu'ils manigançaient dans mon dos.

— Serrez bien la mâchoire. Bon sang, June, qu'est-ce qui presse autant ?

— Je termine quelques ajustements.

Une jeune femme aux cheveux courts teintés de bleu me surplombait. Elle s'accouda contre la table, ses doigts se posèrent sur mon visage pour retirer mes lunettes, tout devint flou. Le début de la fin fatidique... Elle me souffla vaguement de garder mon calme et de ne pas m'inquiéter. Une bienveillance qui me chamboula, contrastant avec la cruauté des expériences qui se déroulaient dans les locaux Forwell.

— Commençons.

La forte pression entre mon crâne et ma nuque me poussa dans mes derniers retranchements. Le grondement des machines, le son strident d'un appareil derrière moi, et ces mains qui me retenaient. Mon cœur s'accélérait, chacun de mes muscles se contractait de crainte, comme si j'allais de nouveau recevoir une décharge électrique. Pourtant rien, le vacarme s'estompa. La peur s'effaça sous l'arrêt progressif des dispositifs mécaniques.

Et alors que je me sentais enfin extirpée de toute peine, une vive douleur me percuta la nuque. Mes muscles pétrifiés par le supplice, ma mâchoire contractée autour du morceau de bois qui craqua sous la pression, un cri guttural franchit mes lèvres. Des sueurs froides le long de mon dos, la sensation similaire à une perceuse qui creusait un trou dans ma boîte crânienne. La force de pleurer m'échappait, les maux bien trop importants, mon corps tremblait de tétanie alors que je découvrais pour la première fois, la véritable douleur.

Save Our Soul-Parution le 30/09/2022 Chez CHERRY PUBLISHINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant