Chapitre 2

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Chignon serré, lunettes redressées, col roulé ajusté, foulard vert noué, talons chaussés et parka enfilée. Je rassemblai mes notes prises la veille dans mon calepin, mon dictaphone ainsi que mon stylo argenté qui ne me quitte jamais.

Je priais intérieurement pour ne pas bafouiller et me perdre dans mes propos face à Jeffrey Forwell. Mais allais-je m'entretenir avec lui ou l'un de ses associés ? De ce que je savais, le milliardaire philanthrope donnait beaucoup de son temps aux associations, de ce fait il n'était que très rarement présent dans les locaux de son entreprise.

Le siège Forwell à seulement une trentaine de minutes de mon petit chez-moi, je claquai la porte de l'appartement. Mes clés tintèrent les unes contre les autres jusqu'au parking où reposait ma petite citadine rouge safranée reconnaissable entre mille.

Chaque seconde qui s'écoulait me rapprochait un peu plus de cet entretien, il résonnait dans mon esprit comme la seule et unique occasion qui me permettrait de prouver ma valeur au sein du Daily Dorsett. Une occasion en or prévue pour Evelyn Mayer ! Je me montrerais à la hauteur des attentes.

J'apercevais déjà le building Forwell, difficile de passer à côté tant il dominait Atlanta par sa démesure et son allure d'aiguille futuriste. Un point positif à cette journée : j'échappais aux bureaux de ce maudit cinquième étage que je ne quitterais jamais. Ensuite le week-end, de quoi me reposer, rattraper les heures de sommeil manquées et profiter du soleil que l'on nous annonçait. Cette fichue pluie ne semblait plus vouloir s'arrêter depuis trois jours déjà.

Ma montre indiquait bientôt seize heures. Cette fois-ci, je n'arriverais pas en retard, et aucun Douglas Stout ne viendrait me taper sur les doigts. Je virai sa présence de mes pensées, il me pompait suffisamment l'esprit au bureau pour qu'il m'encombre même à l'extérieur.

Le moteur coupé, je m'armai de mon sac à main pour couvrir ma tête et traverser la grande allée s'ouvrant sur la tour de quatre cents mètres de hauteur. Dépassant largement le One Atlantic Center ou encore la Bank of America Plaza, rien que de lever la tête vers le sommet, j'en perdais l'équilibre. Avec une grande inspiration, je franchis les portes coulissantes s'ouvrant sur l'imposant hall animé d'écrans plasma promouvant les produits Forwell. Quelques visiteurs se plaisaient à lire les pancartes d'instructions, tandis que d'autres se précipitaient vers la boutique.

À l'origine, la société s'était spécialisée dans la conception de produits pharmaceutiques ainsi que dans certaines alternatives au traitement contre le cancer. Mais au cours de ces dernières années, l'entreprise avait opté pour un tournant radical : l'intelligence artificielle au cœur de leurs discours, ils tentaient aujourd'hui de mêler soins et technologie. Bien que pour l'instant peu de projets aient vu le jour, je misais sur cet entretien pour dénicher une petite nouveauté de leur part.

Mes talons claquèrent jusqu'à l'accueil où une jeune blonde me reçut avec un large sourire. L'informant du motif de ma venue, elle m'indiqua de patienter près de la rangée de fauteuils alignés devant une baie vitrée offrant une vue sur quelques employés qui s'appliquaient à conceptualiser des projets, mais surtout présents pour distraire la galerie et dévoiler leur professionnalisme.

— Mademoiselle Adler ?

J'acquiesçai en découvrant une femme aux cheveux d'un noir profond aux reflets bleutés qui ne devait pas dépasser la trentaine. Elle me serra fermement la main.

— Enchantée, je me présente : Lana Van Messen, secrétaire du président Forwell. Veuillez me suivre.

D'un pas assuré, elle me guida jusqu'aux ascenseurs, direction le soixante-seizième et dernier étage. Les mains moites, je déglutis en scrutant les chiffres qui défilaient à une allure folle.

Save Our Soul-Parution le 30/09/2022 Chez CHERRY PUBLISHINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant