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Je ne voyais plus rien d'autre que mon adversaire et les coups qu'il assénait dans ma direction, ses poings acérés. Je n'entendais plus rien d'autre que le bruit de nos gants qui s'abattaient sur le corps de l'autre, que l'arbitre qui nous guidait, que les cloches qui sonnaient les différents rounds et les voix des coachs qui criaient leurs indications. Le bruit assourdissant du public avait désormais disparu pour moi. Maintenant cette ferveur était devenue une bande sonore en fond qui me poussait et m'encourageait à donner le meilleur de moi-même.

Quant à mon odorat, il ne captait plus rien d'autre que l'odeur du vinyle de nos gants de boxe qui s'entrechoquaient, celle de la transpiration qui émanait de nos corps en action, et du sang qui commençait à s'écouler par petites goûtes à mesure que le combat avançait et que la violence s'accentuait sur nos corps de plus en plus fatigués. Le sang c'est aussi ce que je goutais alors qu'un méchant crochet du droit venu de mon adversaire m'avait fendu la lèvre.

Et tout ce que je sentais était les coups de poings. Ceux qui résonnaient dans ma main et dans mon bras alors que je les envoyais en direction de Zay, ceux qui atteignaient son corps large. Et ceux qui m'atteignaient moi. Ceux qui me blessaient, me déstabilisaient pendant une seconde, ceux que je contrais et ceux qui me faisaient perdre l'équilibre. Je sentais cette violence, toujours dans les règles qu'imposait ce sport. Je le sentais partout dans mon corps. Les endroits déjà meurtris, ceux où les coups laisseraient une douleur, dans mes muscles tendus aussi, ceux qui étaient dans le feu de l'action pour attaquer ou me défendre, ceux qui me permettaient de garder mes appuis et ceux qui commençaient à s'épuiser. Je sentais aussi le souffle chaud de mon frère, les serviettes qu'on tamponnait sur mon visage et l'eau qui laissait une traînée sur celui-ci avant de toucher mes lèvres lorsque je rejoignais mon équipe pour une pause entre chaque round.

Chaque combat était écrasant, bouleversant, éreintant. Chaque combat demandait toute mon énergie et me poussait dans mes retranchements, me poussait à donner le meilleur de moi-même. Mais chaque combat en valait la peine.

Chaque blessure, chaque bleu, chaque courbature, me rappelait que je progressais. Je canalisais ma force et ma colère en l'utilisant dans un sport qui imposait ses règles, sa méthode et son éthique. Et je me retrouvais étrangement plus calme après chaque combat. Je ne me battais plus dans le vide, pour cette espèce de vengeance égoïste contre rien d'autre qu'une suite d'évènement dont je n'aurais jamais pu avoir aucun contrôle. Je ne me battais plus pour m'autodétruire.

Je me battais pour me reconstruire.

Ce sport me permettait de me battre pour évacuer toute ma rancœur d'une manière plus saine et sans excès, sans me mettre en danger. Sans être le danger. Je me battais désormais pour moi-même et pour apprendre à contrôler mes émotions sans les laisser me submerger, sans les laisser me contrôler. Ce sport pouvait paraître violent et pourtant, il m'apportait une certaine sérénité que je n'avais jamais su trouver auparavant. Et j'étais désormais persuadé que sa rigueur et ses valeurs pouvaient m'aider à devenir quelqu'un de meilleur.

Je me battais pour ça ce soir. Finalement peut-être même plus que pour la victoire.

Même si je la voulais cette victoire. Je voulais prouver que je pouvais le faire, que je pouvais m'offrir le chemin de la boxe professionnelle, qu'il y avait finalement une chose pour laquelle j'étais doué, j'étais fait. Je voulais me prouver à moi-même que je pouvais réussir et enfin atteindre un de mes objectifs.

Et cela sembla bien parti au début. J'enchainais les coups, les combinaisons stratégiques que j'avais apprises et répétées durant mon entraînement avec mon frère. J'avais rapidement pris l'avantage dans ce combat malgré le colosse expérimenté en face de moi, j'avais tapé fort. Peut-être trop fort, et trop rapidement. Je m'étais senti poussé des ailes. J'avais oublié que mon adversaire était plus entraîné, plus habitué au combat, et certainement plus endurant. Oui, je lui avais asséné des coups bien placés, des coups pour l'affaiblir, mais j'avais peut-être trop donné dès le début. Je me fatiguais. J'avais été trop impulsif.

Fight For Me - bxb [ OS ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant