Chapitre 8

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Cela fait déjà deux semaines que je travaille sur mon tout premier roman, ou en tout cas, le premier qui aille voir la lumière du jour. Si on m'avait dit quelques années en arrière que mon premier ouvrage commercialisé serait une histoire d'amour, je ne l'aurais sans doute pas cru.

J'ai du faire recours à mon côté niais, profondément enfui en moi et à une imagination débordante pour réussir mettre en place l'avenir de mes deux personnages. J'ai instauré le cadre issu de mes rêves inavoués. De mes fantasmes. Je suis presque frustrée de voir à quel point ma vie a été éloignée de mes propres désirs. Toutes ces années à m'inquiéter pour mon avenir, à chercher ce qui n'existait probablement pas et à vivre isolée, refusant toute forme de compagnie par peur d'être blessée. Je vivais dans la condescendance absolue et cela m'a valu de longues années de solitude.

En décrivant le personnage principal de mon histoire, qui est censé me représenter, je prends conscience de mes défauts, afin de ne pas les refléter en elle. Ce n'est qu'en les ayant vus sur papier que je réalise que j'étais à côté de la plaque pendant tout ce temps.

Le seul endroit où j'ai toujours été moi-même est mon blog. J'y écris sans filtre. Sans trop de réflexion. Mes sentiments sont à nu. C'est peut-être parce que personne ne me lit. John Irving dit bien que l'anonymat garantit l'honnêteté. C'est sûrement vrai. Bon, au moins maintenant j'ai un lecteur. Et je suis toujours honnête. C'est déjà ça.

En repensant à cette personne, je ne peux réprimer un petit sourire. Ça fait du bien d'avoir quelqu'un qui accepte mon art au naturel. Je repense aux échanges qu'on a eus et je suis soudainement prise d'une grande curiosité. Quel âge a cette personne ? Comment s'appelle-t-il ? D'où vient-il ? Qui est-il finalement ? Jusqu'à présent nous n'avons jamais eu l'occasion de nous présenter convenablement. Nos conversations sont tellement axées sur l'écriture, l'art et la beauté des mots, que nos interminables digressions n'ont jamais abouti en dialogues plus ordinaires.

Je prends mon ordinateur portable et cherche le profil en question. Je clique sur son pseudonyme. « Lecteuranonyme1 ». Pas très révélateur. Aucune description. Rien dans son fil d'actualité. Pas de photo de profil et évidemment pas de biographie. Une seule information est présentée en bas de page. " A rejoint la plateforme en juin 2016 ". À peu près un an après la création du blog.

Voyons... jusqu'à présent, je sais que c'est un homme. Qu'il aime lire. Et qu'il me suit depuis près de six ans. Mais... pourquoi ne s'est-il jamais manifesté ? Pourquoi après tout ce temps ?

Cette recherche n'a fait que générer davantage de questions. Je suis un peu déçue de n'avoir quasi rien appris à son sujet et encore plus curieuse maintenant. J'abandonne ma mission d'espionne et quelques secondes avant que je ferme mon ordinateur une notification me fait sursauter.

« Ravi de te voir connectée, j'espère que tu as passé une bonne journée. »

Je regarde l'heure, il est déjà vingt heures, la journée est bientôt finie. J'ai passé des heures à écrire dans le noir. Je suis en train de m'habituer à ses petits messages, qui quant à eux, deviennent de plus en plus fréquents. Je me sens comme une adolescente qui s'envoie des textos avec son premier amour. Excitée à chaque réponse, ne pouvant tenir sur place lorsqu'il n'est pas connecté.

« Ma journée a été plutôt chargée je dirais, et toi, comment s'est passé la tienne ? »

Sa réponse ne tarde pas et je l'ouvre à l'instant. Je me réprimande intérieurement ce comportement enfantin mais mon attention est retenue par ses belles paroles.

« Beaucoup de travail aussi. Je suis content de pouvoir enfin me reposer aujourd'hui. »

En vue de sa réponse, je me rends compte que je ne me suis pas trop questionnée sur la situation professionnelle de ce lecteur. Est-il écrivain également ? Cela ne m'étonnerait pas en considérant son impeccable orthographe et la qualité textuelle de ses messages. S'il l'est vraiment, j'adorerais le lire.

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