Chapitre un

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On l'appelle le souvenir,
Celui qui ne cesse de courir;
Il vit la nuit, dans la fumée.
Le jour, il ne fait que nous hanter.

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J'ignore pourquoi je continue à t'écrire. J'avais espoir que les quelques pages précédentes m'aideraient à guérir.

Cependant, ton image est de plus en plus vive, ton rire résonne entre mes murs... Il me semble même que subsistent des effluves de ton parfum dans quelques recoins de mon appartement.

Les cloches sonnent dehors par la fenêtre entrouverte qui reflète les quelques rayons du soleil couchant. Les gens s'attelent à faire je ne sais quoi pendant que je les observe, assise à ma table, seule.

Hier soir, avant que le sommeil ne m'emporte, j'ai aperçu vaguement ta chevelure dans mes souvenirs. Tu étais assise sur un banc de la place, le regard dans le vide. Mes yeux s'étaient relevés, comme ils ne le font habituellement jamais, pour se poser sur toi.

Ce jour-là, le ciel s'endormait en nuances incarnates. Tu tenais dans tes mains une pile de feuilles dont tu semblais vouloir te débarrasser mais un certain découragement t'entourait. Je suis restée figé, comme dans une cage de verre, déconcertée par ta présence et par ce que cela créait en moi. C'était la troisième fois que nos chemins se croisaient et que mon corps refusait de bouger.

Je ne saurais jamais comment expliquer qu'avant toi je ne voyais personne. Penses-tu qu'une force externe existe et qu'elle nous lie parfois les uns aux autres sans qu'on ne puisse rien y faire?

Inconsciemment, mes pas me rapprochèrent du banc qui de près semblait bien plus abimé par le temps. Quand je suis passée devant toi, une mélodie rapide résonnait dans mes oreilles. Je me souviens de nos yeux qui se sont croisés avant que tu ne m'interpelles.

Quelque chose avait changé en toi. Tu te tenais debout, l'air rassuré, la pile dans ta main gauche et une feuille tendue vers moi dans la droite.

Cette fois, c'était un doux solo de violon qui animait notre face-à-face. La brise bousculait délicatement les boucles de tes cheveux qui venait chatouiller tes lèvres souriantes.

Mes yeux se posèrent sur l'affiche que tu voulais me donner mais je n'eu pas le temps de comprendre car une série de mots sortit de ta bouche aussitôt. Tu m'expliquas que tu faisais partie d'un groupe et que vous organisiez une sorte de concert le samedi même. Selon tes dires, les explications se trouvaient sur le papier.

Tout s'était déroulé très rapidement. En un fragment de secondes tu n'étais déjà plus là si bien que j'eus l'impression que tu n'étais, une fois de plus qu'un mirage inventé.

Pourtant, la feuille dans ma main en témoignait le contraire.

Ce soir-là je me suis endormie dans un tourbillon de pensées, en revivant la musique de nos regards et en espérant pouvoir un jour la danser. Il y a des mélodies qui restent gravées plus longtemps dans la roche et qui s'accrochent à des instants. Il y a des notes errantes qui pleurent et rient différemment selon la saison quand d'autres bondissent comme des balles pour nous transpercer le cœur.

Quoi qu'il en soit, je ne savais pas quelle décision prendre concernant l'affiche. Il n'était pas dans mon habitude d'assister à ce genre d'évènement. Tout d'abord, je m'étais dit qu'il y aurait probablement trop de monde donc, trop de bruit. Tout cela serait amplifié par la musique, ce qui avait de fortes chances de ne pas me plaire du tout. De plus, me retrouver seule dans la foule m'angoissait fortement.

Pourtant, quelque chose d'incompréhensible se passait dans ma tête. Je ne voulais pas y aller mais, je ne pouvais pas le manquer.

Le reste de la semaine fut court, si bien que rapidement, je me retrouvai affalée sur mon canapé, les yeux plantés sur le bout de papier, incapable de bouger ni de réfléchir. Le mot samedi s'affichait sur mon téléphone comme un rappel constant.

La couleur de tes lèvresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant