Chapitre 16

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A l'aube du septième jour, Emma se remit en marche. Après avoir entendu trois coups de canon la veille successivement, elle se sentait encore moins en sécurité et tenait à bouger. Elle atteignit la frontière Nord de la jungle, qui s'effaçait pour laisser place à une immense étendue désertique et grise. Elle avait cru comprendre que sous la roche se trouvaient des dizaines de tunnels. Mais elle ne pouvait pas s'y risquer à y aller : elle avait vu les carrières en rentrer et en sortir plusieurs fois.

Elle se cacha derrière un buisson puis déballa ses maigres affaires, qui ne comptaient qu'une paire de chaussettes, un canif, une fine couverture imperméable et des fruits qu'elle avait ramassés dans la jungle. Elle enfourna trois mûres dans sa bouche et soupira. Elle ne tiendrait pas longtemps. Son eau était presque épuisée et elle craignait de s'aventurer jusqu'à la rivière qui traversait les arbres. Elle avait fait l'amère expérience des crocodiles qui la peuplaient, comme en témoignait la morsure sanguinolente sur son bras droit, il y a deux jours. 

D'après ses observations, la rivière passait également dans l'étendue grise qui surplombait les souterrains. Mais là encore, impossible d'y aller. Et si le bruit de ses pas alertait les carrières ? Le danger était trop grand. Elle avait vu comment Millard avait été tué, presque facilement, par le garçon ténébreux. Et encore, il n'était pas un carrière.

Elle décida finalement d'aller quand même remplir sa gourde à la lisière de la jungle. Les crocodiles semblaient absents - qu'est-ce qui les poussaient à éviter cette zone ? - et aucun tribut n'était visible. Elle bût goulûment quelques gorgées, se rinça le visage en savourant la fraîcheur que lui procurait l'eau après des jours à étouffer dans la chaleur de la jungle, et établit son camp à deux pas de la rivière entre deux arbres dont les branches débordaient de fruits rouges qu'elle identifia comme étant des grenades.

Ce fut dans l'après-midi que sa prudence baissa. Après avoir découvert des petits poissons répugnants, elle voulut prendre de l'eau plus loin, dans l'étendue grise, endroit où la rivière semblait dépourvue d'être nuisibles. Avait-elle marché trop bruyamment ? S'était-elle aventurée trop loin ?

Toujours est-il qu'un brouillard l'entoura. Il était très étrange : brumeux, gris pâle, sans odeur. Désorientée, Emma avança à l'aveuglette, sans savoir si elle allait vers la jungle ou non. Etait-ce une invention tordue des Juges ? Après tout, ils s'étaient fait discrets depuis leur entrée dans l'arène.

Non, ce n'était pas ça. Le brouillard était trop dense, trop étrange, trop rapide. Il lui semblait qu'il la suivait, pour la désorienter. Il lui cachait le vrai monde, la réalité... Emma eut un flash-back.

C'était il y a environ cinq ans, à une époque où elle allait encore à l'école. Ce jour-ci, ils avaient étudié la guerre de Troie, un fameux récit de la mythologie grecque. Et leur institutrice leur avait expliqué que les dieux demeuraient invisibles aux yeux des mortels grâce à la Brume... Phénomène qui ressemblait énormément à ce qui arrivait à Emma : le paysage autour d'elle demeurait invisible, aspiré par le brouillard.

Soudain, un étau se referma sur son poignet gauche, dont la main tenait son canif. La matière douce et chaude ne pouvait correspondre qu'à une main humaine. Emma se débattit, mais elle ne parvenait pas à voir son adversaire, qui avait apparemment plus de visibilité qu'elle.

Son canif lui échappa des mains.

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Hazel tira de toutes ses forces sur les doigts d'Emma pour qu'ils lâchent le canif, qui tomba au sol dans un tintement. Elle le ramassa, et hésita. Tuer cette fille comme ça, sans qu'elle ne sache l'identité de son meurtrier, lui paraissait ignoble. Elle claqua des doigts et la Brume disparut.

La jeune blonde recula d'un bond, et fit surgir de ses mains une boule de feu crépitante.

- Je ne te le conseille pas, dit Hazel.

- AH oui ? Et pourquoi ? répliqua Emma, ses yeux verts lançant des éclairs.

- Car tu n'y arriveras, répondit Hazel. Regarde tes pieds.

Emma poussa un cri étranglé en remarquant la roche qui s'était formée autour de ses chevilles, la faisant prisonnière.

- Alors c'est comme ça ? cracha-t-elle. Tu vas me faire mourir lentement, sadiquement, comme tous tes potes carrières le font ?

- Pas du tout. Je ne souhaite pas particulièrement te faire souffrir. On ne se connaît pas, on ne s'est jamais battues. Mais tu es un obstacle. Jason te craint.

- Quoi, le blond musclé ? C'est votre chef, c'est ça ? Tu lui obéis au doigt et à l'oeil comme un gentil toutou ?

- Non, nous sommes amis je te signale. Il ne se prend pas pour notre chef.

- C'est ça, ricana Emma, étrangement calme pour une personne au bord de la mort.

Son sourire moqueur disparut quand son regard se posa sur le canif.

- Fais-le vite, souffla-t-elle.

Hazel se mordit la lèvre.

- Je suis désolée. J'aurai préféré que ça finisse autrement.

- Ouais, c'est ça, marmonna Emma.

Elle ferma les yeux. Hazel leva le canif.


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