Chapitre 1

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Thème : le mot "fougère"

Cela doit faire... 4 ? 5 ans ? que je n'ai pas revu ma mère. L'année de mes 19 ans, je suis parti de la maison familiale pour aller étudier à l'étranger. J'en ai toujours rêvé et je l'ai fait ! J'étudie la politique étrangère : je compare, rapporte et analyse les différents types de système politique du monde et en donne les points positifs et négatifs. Cela me passionne depuis l'enfance.

Depuis toujours, je suis un rat de bibliothèque. Je peux y passer mes journées à lire des livres sur la politique. L'histoire aussi me passionne, et bien sûr, la géographie. Et maintenant je suis en train d'en faire ma vie. Je crois que je vis en plein rêve.

Cependant, cela fait un petit bout de temps que je n'ai pas vu ma mère... Je ne rentrais pas pendant les vacances de fête ni pour les anniversaires. Un SMS de temps en temps, et encore. J'envoyais un cadeau, mais rien d'original, un paquet de chocolat, ses gâteaux préférés... Ouais. J'ai vraiment été absent pendant ces dernières années...

Mes études à Singapour me prennent tout mon temps... J'étudie, j'étudie, j'étudie mais j'aime cela, j'aime cela, j'aime cela.

De plus, ma mère est peu intrusive dans ma vie. Elle me laisse faire et ne cherche pas vraiment à avoir de contact. Depuis que je suis parti, elle fait un peu comme moi : un message de temps en temps, des fois des cadeaux pour les fêtes mais rien de spécial. Notre relation ressemble un peu à celle de Léonard et sa mère dans Big Bang Theory : chacun fait sa vie et on n'en demande pas plus.

Cependant, quand ma mère m'a dit qu'elle avait une nouvelle à m'annoncer et qu'elle voulait me le dire en face, je me suis inquiété. Ce n'est pas son genre de faire ça. Cela voulait dire que c'était très important. Mais genre, vraiment. Comme je le disais, la communication à distance, c'est pas notre fort ; donc les nouvelles, si ce n'est pas vraiment important, on ne se les dit pas.

Pour ma mère, le mot "important" c'est les trucs "basiques" si je puis dire : enterrement, naissance, maladie (si la personne nous est vraiment proche et que c'est une maladie grave). Donc oui, je m'inquiète un peu. Il y a une chance sur trois que ce soit une bonne nouvelle mais sachant qu'elle à 57 ans et que je n'ai ni frère, ni soeur, et que je ne vois pas mon oncle : cela ne peut pas être une naissance. Donc il ne reste que les mauvaises nouvelles...

Donc oui, réflection faite, j'ai pris mon sac à dos, le strict nécessaire et le premier avion vers le Canada, toute mon inquiétude avec moi.

Après 18h30 de vol, un bus et un taxi, j'arrive enfin devant la demeure de mon enfance. Elle est en plein milieu de la forêt, je doute qu'elle appartient strictement à une seule commune. Je donne en vitesse l'argent au chauffeur, qui a eu du mal à trouver la maison, ce qui me coûte extrêmement cher. J'empoigne mon sac, sort de la voiture et soudain je m'arrête. J'admire ma maison, comme à son habitude, elle est trop moderne pour le lieu où elle est, toujours aussi calme, on n'entend que le bruit du vent sur les feuilles des arbres, le chant des oiseaux et le son du ruisseau d'à côté. Je reprends mon souffle et ferme les yeux.

Malgré la panique et l'inquiétude qui me ronge, je les ré-ouvre doucement et avance d'un pas calme comme si de rien n'était. J'ouvre la porte d'entrée comme si je l'avais fait la veille, pose mon sac dans l'entrée comme quand je rentrais du lycée, enlève patiemment mes chaussure et crie, comme chaque jour de fin de cours de mon adolescence :

- MAMAN, JE SUIS RENTRÉ.

Oui, c'est une habitude que j'ai prise, le hurler et non le crier, mais bon...

Je m'avance doucement dans cette maison que je n'ai pas revue pendant, ce qui me semble, des siècles, et je retrouve bizarrement ma mère dans la cuisine. Une bonne odeur de sauce tomate émane de la casserole qui est sur le feu.

Le petit bonhommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant