Chapitre 13

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Ma tante continue de taper la discut à mes parents et le reste de la famille (avec Oikawa-san et Shittykawa bien sûr) mange silencieusement. Je pense qu'elle se rend pas compte à quel point c'est gênant.

« Et vous Oikawa-san, que faites-vous dans la vie ?
- Et bien je suis avocate dans le domaine des affaires conjugales, je m'occupe principalement des divorces et de la séparation des biens mais j'aimerais me réorienter vers un domaine plus centré sur les violences conjugales ou dans la défense des victimes de viols.
- Ça m'a l'air bien dur tout ça... Mais je suis sûre que votre mari vous aide ! »

Le visage d'Oikawa-san se referme soudainement. Ma tante ne doit pas être au courant.

« Nous avons divorcé
- Ah, pour quel motif ? »

La discussion aurait dû s'arrêter là, juste avec un désolé, mais la curiosité mal placée de ma tante a pris le dessus. Elle aurait dû remarquer à quel point c'est difficile pour Oikawa-san d'en parler, d'autant plus qu'Aiko n'est pas là.

« Eh bien...
- Ne me dites pas qu'il vous a trompé ?!
- Oh non... »

Toruu prend soudainement ma parole.

« Disons que mes parents ont divorcés parce qu'ils ne s'aimaient plus.
- Oui, voilà c'est parce que j'avais quelques soucis relationnels avec mon ancien mari.
- Ah je vois... Si jamais vous avez besoin je peux vous présenter un thérapeute qui propose des programmes concernant les couples et qui permettent de raviver la flamme des débuts, aussi bien au lit qu'au quotidien !
- Non merci, j'ai déjà quelqu'un d'autre dans ma vie...
- Vous êtes sûre ? On l'a testé avec mon mari et, tout va pour le mieux en ce moment ! »

Oikawa-san secoue la tête en signe de négation et la conversation dérive sur d'autres sujets plus ou moins aussi gênant.

Ma mère débarrasse la table et nous apporte le fromage.

« D'ailleurs, comment c'est passé le déménagement ?
- Olala, je t'en parle pas, é-pui-sant !
- Mais je pense qu'on a bien fait, n'est-ce pas Hisae ?
- Oui, je sais pas ce que j'aurais fait si ces choses avaient infecté mes magnifiques enfants !
- C'est vrai, je regrette l'époque où les gens comme ça finissaient en prison ou étaient condamnés à mort... »

Je n'y tiens plus. J'en peux plus, Yuki et Rui sont à deux doigts de pleurer, Shittykawa et sa mère son horrifiés par les propos de ma famille et Kaori acquiesce de la tête les idées de sa mère.

Je tire sur la nappe -une très jolie nappe d'ailleurs- renverse tout ce qu'il y avait posé sur table. Les assiettes se fracassent par terre, les verres explosent en mille morceaux, les fourchettes en argents crissent sur le sol et les formages tombent mollement aux pieds de ma tante.

Un silence de mort plane. Le silence avant la tempête.

« Allez-vous faire foutre »

J'ai envie de dire plus, de me révolter, de pleurer, de taper du poing sur la table, de me réveiller en sueur de ce cauchemar, de me blottir dans les bras de Toruu, de leur montrer qu'ils ont tort, de leur montrer qu'on est humain, comme eux. De leur montrer qu'on aime, qu'on pleure, qu'on s'énerve, comme eux. De leur montrer qu'aimer un homme n'est pas un crime, de leur montrer qu'il y a de différente façon d'aimer.
J'ai envie leur montrer mon amour, de leur dire que je suis heureux avec Toruu.

J'aimerais tant leur dire à quel point il compte pour moi, de leur dire à quel point ils comptent pour moi, que je les aime même s'ils sont comme ça. C'est ma famille, c'est eux qui m'ont vu grandir, ils m'ont soutenu, ils m'ont encouragés...
En faisant ça, j'ai l'impression qu'ils me trahissent, j'ai l'impression que chaque remarque homophobe est dirigée contre moi.
Je veux leur montrer mes sentiments.

« Maman, Papa, ma tante, mon oncle et Kaori, je t'oublie pas, allez-vous faire foutre bien profondément. J'aime les hommes. J'aime Toruu Oikawa. Et non, avant que vous commenciez à vous énerver, ce n'est pas une phase, c'est pas quelque chose qui va changer. Maman je pense que tu peux toujours rêver pour avoir que j'ai la petite famille parfaite dont tu rêves et désolé de t'apprendre que tu es un apôtre du diable vu que tu m'as mis au monde. Papa, j'aimais bien nos débats sur qui est la meilleure équipe de volley du Japon. Je vais partir de cette maison de tarés. Vous savez je vous aime quand même, vous êtes mes parents après tout...
- C'est... ce n'est pas possible... Je...
- Et si ma tante, c'est bien possible, alors ça fait quoi de savoir que le bébé qu'on a bercé, que l'enfant qu'on a aimé comme son propre fils aime en fait les hommes ?
- C'EST IMPOSSIBLE. TU N'EST PAS HAJIME IWAIZUMI
- Et si c'est bien moi. »

Je prends la main de Toruu, je l'embrasse doucement, avec tout l'amour du monde. Ma tante devient peu à peu violette, ma mère s'est évanouie, mon père s'occupe d'elle, mon oncle en a rien à foutre -comme d'habitude si je puis dire- et Kaori est tellement abasourdie que son menton touche la table.

Toruu qui a très bien compris mes intentions, m'attrape le menton au moment où je m'écarte et me rend mon baisé en dix fois plus osé.

Ma mère -qui entre temps s'était réveillée- retombe dans les pommes et ma tante devient limite bleue.

« C'est impossible, tu n'es pas mon petit Hajime, tu n'es pas mon magnifique petit neveu...
- Si. Au revoir. »

Je monte dans ma chambre récupérer ma dernière valise. Je saisi la main de Toruu, lance un dernier regard d'au revoir à ma famille et passe la porte dans un silence presque religieux.

Arrivé dans la chambre de Lazykawa, je craque j'en peux plus.

Les larmes coulent toutes seules, j'ai mal, je souffre. J'ai l'impression que chaque remarque que j'ai -que nous avons- reçu est comme un coup de poignard dans mon cœur.
J'ai l'impression d'entendre leur voix dans ma tête, leurs voix qui me crient qu'un homme ne pleure pas, leurs voix qui me crient qu'un homme ne peu aimer qu'une femme, leurs voix qui me crient que je ne suis même plus humain. J'entends la voix de ma mère qui me dit qu'elle aurait dû avorter. Je vois le regard dégouté et la mine réprobatrice de mon père. J'entends tous leurs reproches qui résonnent dans mon crâne et qui forment une cacophonie sans nom.

J'ai mal.

Mon souffle se coupe.
Je veux que ça s'arrête.
Leurs voix résonnent de plus en plus fort dans ma tête.

Puis une main saisie la mienne, la serre, pour me montrer qu'elle est là, pour me montrer que cette main tient la mienne. Ma tête vient se caler contre son corps.
Et peu à peu, mon souffle erratique ralentit, devient plus régulier, se calque au sien.
Les battements de son cœur prennent doucement le dessus dans ma tête, effaçant leurs voix qui crient. Ses paroles rassurantes -que je ne comprends qu'à moitié- chassent aussi lentement que brusquement cet orage de mon esprit. Leurs visages accusateurs et dégoutés se font de plus en plus faible et de plus en plus rares, remplacés par son regard amoureux.

Je tremble toujours un peu, mais c'est pas bien grave, la tempête est passé, l'orage est parti. Il a emporté avec lui tout ça, ne laissant que mon soulagement et sa tendresse.

J'ai l'impression d'être plongé dans du coton, chaud, doux et moelleux, j'ai l'impression d'être dans un rêve, dans un subconscient ou tout cela n'est pas réel.

Sa voix devient plus nette, ses yeux chocolat aussi.

Il m'embrasse doucement avec toute la douceur du monde. Je lui souris. Il me répond doucement.

« Hajime, tu as le droit. »

Toruu resserre ses bras autour de moi.

« Tu as le droit d'être heureux, tu as le droit d'aimer qui tu veux, tu as le droit d'être en colère, tu as le droit d'être triste, tu as le droit de ressentir des émotions... »

Il se tait et pince ses lèvres, avant de continuer :

« Tu as le droit d'avoir besoin d'aide, tu as le droit d'en demander... »

Il pose son front contre le mien, dépose un petit baiser sur mes lèvres, saisit mon visage en coupe avec ses mains et me regarde dans les yeux.

« Hajime, tu as le droit de vivre »

Une larme coule sur ma joue. Une larme de soulagement. Je pose ma tête sur son épaule. Ses bras viennent naturellement m'étreindre tendrement.

« Merci Toruu »

Les étoiles brillentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant