3

5 0 0
                                    

Une heure plus tard, après de multiples mises en garde sur les dangers que l'on court dans les fêtes et auprès
de certains étudiants – tout ça dans un langage plutôt dérangeant dans sa bouche –, ma mère est prête à
partir. Égale à elle-même, elle me prend un instant dans ses bras, me donne un petit baiser, dit à Noah qu'elle
l'attend dans la voiture et sort de la chambre.
– Tu vas me manquer, me dit-il doucement en m'enlaçant.
Je respire son parfum, celui que je lui ai offert à Noël deux fois de suite. L'intensité a diminué depuis ce
matin, mais je réalise, même si je m'en suis plainte plus d'une fois, que je vais regretter cette odeur et ces
sensations de sécurité et de familiarité qu'elle me procure. Je pousse un soupir, le nez enfoui dans son cou, en
me serrant fort contre lui.
– Tu vas me manquer aussi, mais on s'appellera tous les jours, je te promets. Je suis triste que tu ne sois
pas avec moi cette année.
Noah n'est pas beaucoup plus grand que moi, mais ça me plaît qu'il ne me domine pas. Ma mère me faisait marcher quand j'étais petite, elle disait que les hommes prennent un centimètre chaque fois qu'ils
mentent. Je ne m'aviserais pas de la contredire sur ce point, mon père était grand.
Noah effleure mes lèvres d'un baiser... Au même moment retentit un coup de klaxon provenant du parking. Il relâche son étreinte en riant.
– C'est ta mère. Elle s'impatiente.
Un baiser sur la joue et il sort précipitamment en criant :
– Je t'appelle ce soir !
Restée seule, je rumine un instant cette sortie précipitée. Je commence à défaire mes valises, rapidement
je range la moitié de mes vêtements soigneusement pliés dans une des deux petites commodes et suspends le
reste dans mon placard. Je m'étrangle à la vue des vêtements en cuir ou aux imprimés sauvages qui occupent
l'autre placard, mais ma curiosité est la plus forte et je me surprends à passer les doigts sur une robe au tissu
métallique, et sur une autre si fine qu'elle en est presque transparente.

La fatigue de la journée commence à se faire sentir, il vaut mieux que je m'allonge. Je me sens envahie
par un sentiment de solitude, nouveau pour moi, que l'absence de ma colocataire n'arrange pas, même si ses
copains me mettent mal à l'aise. J'ai l'impression qu'elle ne sera pas là souvent, ou ce qui serait pire, qu'elle va
souvent avoir de la visite. Pourquoi ne suis-je pas tombée sur une fille qui aime lire et étudier ? J'essaie de me
persuader que cela aura certains avantages, comme d'avoir la chambre pour moi toute seule, mais je ne suis
pas sûre que j'aimerais ça. Pour l'instant, la fac est loin de correspondre à ce dont j'avais rêvé.
En même temps, je ne suis arrivée que depuis quelques heures. Ça ira mieux demain. C'est certain. Je sors mon agenda et mes livres, et prends le temps de noter les cours pour le semestre et les éventuelles réunions pour le club de littérature, auquel j'ai prévu de m'inscrire. Je ne suis pas encore tout à fait décidée à le faire, je préfère me faire une idée par moi-même, mais j'ai lu un certain nombre de témoignages intéressants. Je pourrais peut-être y rencontrer un groupe de gens ayant les mêmes idées que
moi. Je n'aspire pas à me faire des tas d'amis, juste quelques-uns avec qui échanger et partager un repas de
temps en temps.
J'ai prévu d'aller faire un tour hors du campus demain, histoire d'acheter des trucs pour ma chambre. Pas pour encombrer mon espace comme l'a fait Steph, mais j'aimerais le décorer de quelques objets personnels pour me sentir un peu plus chez moi. Ce qui va compliquer les choses, c'est de ne pas avoir de
voiture, alors
plus vite j'en aurai une, mieux ce sera. Grâce à mes récompenses de fin d'études secondaires, et à l'argent mis
de côté en travaillant pendant l'été dans une librairie, je devrais pouvoir la payer. Mais, pour l'instant, je ne
suis pas sûre de supporter le stress de posséder une voiture. Et puis le fait d'habiter sur le campus donne accès
aux transports en commun et j'ai déjà repéré les lignes de bus. La tête pleine d'images d'emploi du temps, de
filles aux cheveux rouges et de garçons désagréables couverts de tatouages, je glisse dans le sommeil, mon
agenda à la main.
Le lendemain matin, Steph n'est pas dans son lit. Je veux bien apprendre à la connaître, mais ça ne va pas être facile si elle n'est jamais là ! Peut-être l'un des deux garçons qui l'accompagnaient est-il son petit
ami ? Si c'est le cas, j'espère pour elle que c'est le blond.
J'attrape ma trousse de toilette et me dirige vers les douches. Je sais déjà que le point noir de la vie en
résidence universitaire, c'est les douches. J'aurais bien aimé que chaque chambre ait son propre cabinet de
toilette... Bon, au moins elles ne sont pas mixtes.
Ou, du moins, c'est ce que je croyais... comme tout le monde l'aurait cru, non ?

Mais en arrivant à la porte, je dois me rendre à l'évidence, il y a deux plaques, une féminine et une masculine. Horreur ! Je n'arrive pas à croire qu'ils autorisent ce genre de choses, et que je ne l'ai pas découvert au cours de mes recherches sur WCU.
Je repère une cabine de douche libre. Me faufilant à toute vitesse entre des garçons et des filles à moitié
nus, je ferme le rideau soigneusement, me déshabille et accroche à l'aveuglette mes vêtements sur le portemanteau situé à l'extérieur. À part moi, personne ne semble le moins du monde gêné par tous ces corps
des deux sexes à moitié nus. La vie à la fac m'étonne de plus en plus, et ce n'est que le deuxième jour !
La cabine de douche est minuscule, j'ai à peine la place pour étendre les bras devant moi. Je me mets à
penser à Noah et à ma vie à la maison. Perdue dans mes pensées, je me retourne et donne un coup de coude
dans le portemanteau, faisant tomber mes vêtements sur le sol mouillé. Et l'eau de la douche qui coule
dessus... Ils sont complètement trempés !
– C'est pas vrai !
Je coupe l'eau précipitamment. Enveloppée dans ma serviette, je ramasse ma pile de vêtements trempés
qui pèsent une tonne, et me rue dans le couloir, espérant que personne ne m'a vue. Arrivée devant la porte de
ma chambre, je tourne à la hâte la clé dans la serrure et ne respire qu'une fois la porte refermée derrière moi.
C'est alors que je vois le garçon brun, tatoué et malpoli, allongé de tout son long sur le lit de Steph.

AFTER : SAISON 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant