Hardin a déjà disparu à l'intérieur, ce qui m'arrange : avec un peu de chance je ne le reverrai pas de
toute la
soirée, et vu la foule qu'il y a dans la maison, je sens que je devrais y arriver. Je suis Steph et Nate à travers le
salon bondé, et on me tend un gobelet rouge. Je me tourne pour refuser avec un « non, merci » poli, mais c'est
trop tard, je n'ai pas la moindre idée de qui me l'a donné. Je le pose et continue à les suivre dans la maison.
Nous nous arrêtons devant un groupe de personnes entassées sur un canapé. À leur look je déduis que ce sont
des amis de Steph. Ils sont tous tatoués, comme elle, et avachis sur le canapé. Malheureusement, Hardin est là
aussi, perché sur l'accoudoir, j'évite de le regarder pendant que Steph me présente au groupe.
– C'est Tessa, ma coloc. Elle n'est là que depuis hier, alors j'ai pensé la distraire pour son premier week-end à WCU, explique-t-elle.
L'un après l'autre ils me font un signe de tête ou me sourient. Ils ont tous l'air très gentils, sauf
Hardin,
bien sûr. Un garçon au teint basané, très séduisant, me tend une main aussi froide que les glaçons de
son verre, mais son sourire est chaleureux. La lumière se reflète sur sa bouche, et il me semble entrevoir
un truc métallique sur sa langue, mais il ferme la bouche trop vite pour que j'en sois tout à fait sûre.
– Moi, c'est Zed. C'est quoi, ta dominante ?
Je remarque que son regard s'attarde avec un petit sourire sur ma robe sévère, mais il ne dit rien. Je
réponds fièrement :
– Anglais.
Hardin ricane, mais je ne réagis pas.
– Génial, moi c'est les fleurs, ajoute-t-il en riant, et je fais comme lui. Les fleurs ? Qu'est-ce que ça veut
dire ?
– Tu veux un verre ? propose-t-il avant que je lui demande plus d'explications.
– Oh non ! je ne bois pas.
– C'est tout Steph, ça, de ramener Miss Coincée dans une teuf, murmure une fille minuscule aux cheveux
roses.
Je fais semblant de ne pas avoir entendu pour éviter une quelconque confrontation. Miss Coincée ? Je ne
suis pas du tout « coincée », j'ai juste travaillé dur pour arriver ici et depuis que mon père nous a quittées, ma
mère a bossé toute sa vie pour assurer mon avenir. Mais je tiens à tout prix à éviter les drames. Je n'ai pas
l'intention de me faire des ennemis, avant même d'avoir des amis.
– Je vais prendre l'air, dis-je en tournant les talons.
– Tu veux que je vienne avec toi ? crie Steph dans mon dos.
Je fais non de la tête et me dirige vers la porte. Qu'est-ce que je fais là ? En ce moment, je devrais être en
pyjama, roulée en boule avec un bouquin. Ou je pourrais être sur Skype avec Noah, qui me manque terriblement. Je préférerais même dormir plutôt que de me trouver dans cette party horrible, avec cette bande
d'inconnus alcoolisés. Je décide d'envoyer un texto à Noah et pars au bout du jardin, le seul endroit à peu
près tranquille.
TU ME MANQUES. LA FAC, C'EST PAS TRÈS MARRANT POUR L'INSTANT.
J'appuie sur « envoyer » et m'assieds sur le muret de pierres dans l'attente de sa réponse. Une bande de
filles soûles passe devant moi en gloussant, la démarche mal assurée.
La réponse de Noah ne se fait pas attendre.
POURQUOI ? TU ME MANQUES AUSSI TESSA. J'AIMERAIS ÊTRE AVEC TOI.
Son message me fait sourire.
– Et merde ! Désolé ! dit tout à coup une voix masculine au moment où je sens un liquide froid inonder le devant de ma robe. Le type trébuche et se rattrape en s'appuyant contre le muret.
– Au temps pour moi, marmonne-t-il en s'asseyant.
C'est de pire en pire. D'abord cette nana qui me traite de coincée, et maintenant ma robe trempée de Dieu sait quel alcool... qui pue en plus. Je soupire, ramasse mon téléphone et rentre pour essayer de trouver
les toilettes. Je me fraye un passage dans le hall bondé et tente d'ouvrir toutes les portes au passage. Sans
succès. Je préfère ne pas penser à ce qui se passe dans ces chambres.
Toujours à la recherche d'une salle de bains, je monte les escaliers. Enfin, une des portes s'ouvre. Malheureusement, ce n'est pas une salle de bains, c'est une chambre et, pire encore, une chambre dans
laquelle Hardin est allongé sur le lit, la fille aux cheveux roses à califourchon sur lui, sa bouche collée à la
sienne.