Partie 1.

207 20 6
                                    

1938.

Guillaume suivait l'homme qui marchait devant lui, les yeux rivés sur son dos et la main dans la poche de sa veste. Il était si près du but. Ce dernier était simple : se faire employer chez le type qui martyrisait son peuple – peu importe le job–, demander à le voir dès que possible et le tuer à la seconde même où celui-ci accepterait sa demande et se retrouverait en face de lui. Sauf que dès qu'il était arrivé dans la maison, c'était celui-ci en personne qui l'avait accueilli et ce dernier lui avait aussitôt dit de le suivre, le prenant de court. Il en avait alors complètement oublié sa mission et pourquoi il était là, et s'était mis à le suivre à travers les couloirs de la maison, les mots de l'homme qu'il était censé abattre résonnant en lui : Viens, je vais te le présenter. De qui parlait-il ? Dans sa poche, caché à la vue de l'homme, il resserra les doigts autour de la crosse de son arme, prêt à dégainer cette dernière. Et pourtant... il n'y arrivait pas. L'homme s'arrêta devant une porte et jeta un regard dans sa direction par-dessus son épaule, le dévisageant un instant d'un air grave. Il s'immobilisa et resta silencieux, essayant de ne rien laisser paraître de son état d'esprit du moment. Il fallait qu'il se calme, qu'il agisse avec précaution, même si ses frères étaient en train de souffrir en ce moment même à cause de ce type. À cause de ce qu'il demandait d'eux alors qu'ils étaient innocents. Il n'aurait le droit qu'à une seule chance et il n'était pas question de gâcher cette dernière à cause de son empressement.

« Comme tu le sais vu que c'était dans l'annonce, j'ai besoin d'un garçon fort pour travailler pour moi. Mais tout particulièrement, j'ai besoin de quelqu'un pour s'assurer qu'il va bien. »

Il fronça légèrement les sourcils, se demandant de qui voulait parler le plus vieux et alors qu'une petite voix dans sa tête lui criait de lui tirer dessus maintenant tout de suite pour en être débarrassé, celui-ci le lâcha du regard et ouvrit la porte devant lui. Il le suivit en le voyant entrer dans une pièce et il reconnut immédiatement une bibliothèque. Que de livres, pensa-t-il en observant les bouquins répartis sur plusieurs armoires. Trop même, pour une seule vie. Il va pas me faire croire qu'il est aussi cultivé, ce monstre qui maltraite les miens ? Il s'arrêta alors en le voyant du coin de l'œil s'immobiliser et en se tournant vers lui, détachant ses yeux ébahis des livres, il fut surpris d'apercevoir un garçon assoupi dans un fauteuil devant le plus vieux, un livre sur ses genoux. Ce dernier approcha lentement sa main des cheveux mi-longs du garçon et il le vit glisser ses doigts dans sa frange noire pour la lui dégager de devant les yeux avec douceur :

« Tu vois... Ce petit, c'est la prunelle de mes yeux. Il m'est plus cher que ma propre vie. Alors, je compte sur toi pour t'occuper de lui et t'assurer qu'il va bien en toute circonstance. Quand je ne le puis pas. »

Il resta silencieux, ne sachant pas que répondre à ça, et l'homme se tourna vers lui, les traits apaisés :

« Il s'appelle Aurélien. Il a quatorze ans. C'est mon fils et il est malade. Alors je veux quelqu'un qui puisse veiller sur lui nuit et jour. Quelqu'un comme toi.

— Qu'est-ce... qu'il a ? osa-t-il demander et l'homme haussa les épaules, détournant le regard pour revenir observer le plus jeune qui semblait dormir profondément.

— On ne sait pas bien. Tout ce que je sais c'est que son métabolisme ne supporte pas le froid et que ça a comme conséquence de le faire cracher du sang.

— Du sang ? s'étonna-t-il et le plus vieux hocha la tête sans prendre la peine de se tourner vers lui.

— C'est pour cela que je fais le métier que je fais. Il a besoin de repos. » répondit simplement ce dernier et il le vit prendre le livre d'entre les doigts de son fils pour le poser sur une table près de lui.

Le plus vieux revint ensuite près de ce dernier et il le vit le prendre dans ses bras tel un enfant qui se serait endormi devant un film tard le soir. Le plus jeune poussa un petit soupir frustré au mouvement avant de venir inconsciemment se blottir contre son père. Il sentit son cœur rater un battement à cette vision, le prenant de court. Il croisa alors le regard de l'homme et quand celui-ci lui fit signe de le suivre d'un geste de la tête, il s'exécuta. C'était étrange.

Fiction OrelxGringe - Goulag. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant