North Haven, hiver 2011. Lee Minho, jeune éditeur, voyage pendant ses vacances pour découvrir de nouvelles librairies. Il est intrigué par la découverte d'un château d'allure fantastique dont, pourtant, personne ici ne semble connaître l'existence...
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North Haven, octobre 1564.
- Mais une nouvelle loi a été promulguée par la Chambre. Nous ne devrions rien avoir à craindre des fanatiques. Les mesures seront prises contre toute forme d'hérésie et je crois sincèrement qu'il ne faut pas avoir à nous en inquiéter.
Les mots prononcés d'une voix grave résonnaient dans la grande pièce froide. Brisant le silence, on n'entendait au-delà du dialogue que l'argenterie venant percuter la porcelaine des assiettes.
En bout de table, Ewan mangeait, le dos droit, ponctuant son repas de dialogues qu'il ouvrait et refermait à sa guise. L'homme avait des manières et du langage, et ne se lançait que sur des faits de société, des nouvelles militaires ou sur son travail de juge. Le genre de conversation d'adulte qui faisait piquer du nez l'amateur de fictions fantastiques.
Minho était assis à la gauche du juge, faisant face à la jolie Skye. Celle-ci gardait le silence la plupart du temps, mangeant sans faire de bruit et souriant de temps à autres. Quelques fois, quand son père lançait un nouveau sujet barbant, elle levait les yeux au ciel discrètement, et Minho et elle devaient se retenir de rire quand il la prenait sur le fait.
Assise à côté de Minho, Erin mangeait avec eux. Même si elle n'était qu'une gouvernante, le brun s'était rapidement aperçu qu'elle était presque traitée comme étant de la famille. Et puisqu'il n'avait encore vu personne d'autre dans la maison, et surtout pas de mère, il se demanda si Erin n'avait pas naturellement pris ce rôle auprès de Skye.
L'étudiant restait droit sur sa chaise, le regard pour la plupart du temps figé dans son assiette. C'était le premier repas qu'ils échangeaient, il était arrivé l'après-midi même. Il s'était familiarisé avec la maison, et avait pu constater qu'il s'agissait toujours de pièces froides, peu ornées, aux plafonds souvent trop hauts à son goût. Il y avait bien quelques tableaux et miroirs, de temps en temps deux ou trois bibelots, mais rien de très fantaisiste. Les couleurs étaient souvent sombres, pour les nappes, les tapis ou les rideaux. Les murs étaient tous recouverts de couleurs unies, assorties au reste des pièces qu'ils encerclaient, et même si les fenêtres étaient hautes, la faible luminosité de cette après-midi nuageuse ne laissait pas entrer beaucoup de soleil pour redorer les lieux. En clair, Minho n'était vraiment pas à l'aise à la première approche, et malgré la grandeur et la hauteur des pièces, il s'y sentait étrangement à l'étroit.
Mais il avait aussi eu l'occasion de sortir un peu, et cette petite heure passée dehors avait redessiné un léger sourire sur son visage. North Haven était un bourg réellement charmant, que les couleurs de l'automne ne faisaient qu'égayer encore. Les habitants qu'il avait croisés, pour la plupart, étaient souriants ; il y avait beaucoup de fleurs çà et là et l'architecture des maisons, pourtant simple, restait jolie. C'était une ville coquette qui ranimait son imaginaire bien plus que la maison du juge, malgré sa richesse, ne le ferait jamais.
Malheureusement, il était désormais prisonnier de cette salle à manger sombre et de ces conversations plates. Erin et Skye réagissaient de temps à autres aux paroles d'Ewan, et Minho lui-même s'efforçait de tenir la conversation. Ewan semblait apprécier le voir très au fait de l'actualité du royaume. Minho était étudiant en droit, ce n'était donc pas vraiment étonnant ; et son père surveillait ses activités de près. Il ne pouvait lire que lorsque ses devoirs étaient faits, ses leçons apprises et son rôle d'enfant modèle rempli. Cela fait, il était libre comme l'air ; mais c'était une liberté conditionnée qu'il parvenait rarement à pleinement savourer. Minho avait une vingtaine d'années, mais tant qu'il n'aurait pas un métier stable et son indépendance, il resterait aussi soumis à la figure paternelle que lorsqu'il en avait treize.
