Bientôt, il fut temps de me remontrer au lycée. J'appréhendais... mais j'étais consciente que c'était nécessaire. J'allai passer encore plus d'un an dans cette école, qui était aussi la sienne. Je ne pouvais pas espérer ne jamais le revoir. Je devais être capable de faire face à mes peurs.
Heureusement, ce jour-là, Eli était de retour et m'avait attendu dans le hall. Je me sentais soulagée de ne pas avoir à affronter cette journée seule. J'avais énormément de choses à lui raconter ; une mise au point était requise. Oui, nous étions des amis clichés, mais cela nous allait bien. Quel ne fût pas ma surprise lorsque j'appris qu'il avait au moins autant de choses à me dire que moi ! Son absence de l'autre jour avait été due à un terrible accident de voiture qui l'avait conduit à l'hôpital. Sa mère s'en était sortie indemne, mais Eli, lui, avait subi un choc important, et avait eu une sévère commotion cérébrale. Ma mâchoire tombait en l'écoutant me raconter les détails. Il ne serait donc pas, à mon plus grand désespoir, présent tous les jours au lycée ; ses médecins lui avaient recommandé une reprise partielle. Il devait revenir petit à petit. C'était égoïste de ma part de réagir comme ça, je m'en rendait bien compte. J'avais honte de moi, mais cette fichue rupture m'avait retourné l'esprit. Évidemment, j'étais surtout très inquiète pour Éli, mais la vie ne me facilitait pas la tâche. Ma morale et ma fierté avait pris un sacré coup. Mon esprit était dans un inconfortable désordre depuis quelques jours : je perdais le contrôle et avais l'impression d'être plongée dans un profond sentiment de malaise. Mes émotions se faisaient la guerre et moi, j'étais spectatrice de ce combat, et en subissait les effervescences. Que c'était agaçant ! Et que c'était triste d'avoir une réaction aussi puérile !
Quand ce fût mon tour de parler, je vis les yeux attentifs d'Eli s'écarquiller de surprise. Il ne put par ailleurs s'empêcher de lâcher un petit cri dont la tonalité traduisait de l'incompréhension. Je lui donnai des détails bien sûr, mais il n'y vit évidemment pas plus clair que moi.
Nos deux vies avaient été bougrement chamboulées au cours de ces derniers jours, des bouleversements qui nous suivraient tout le reste de notre existence. Nous étions abasourdis, devant cette dramatique situation qui était la notre. D'un point de vue extérieur, elle avait d'ailleurs, sans mentir, un aspect plutôt comique ! Nous nous fixâmes pendant de longues secondes et finîmes par rire à en perdre haleine ! Ah, ça, la vie était loin d'être simple, mais rire de ses aspects les plus tordus avec Eli me faisait un bien fou !
Néanmoins, Eli finit par reprendre un air sérieux et me dit :
- N'empêche que tu m'inquiètes! Tu sais que tu ne peux pas rester comme ça, hein Alice ? Tu ne lui as littéralement pas adressé un mot depuis votre rupture et pourtant te connaissant, tu dois avoir des choses à lui dire.
- Occupe toi rester en vie au lieu de d'inquiéter pour celle des autres, et révise le code de la route aussi, histoire que je n'ai plus à m'inquiéter pour toi! Rétorquai-je en souriant.Cependant, Eli avait raison sur ce point. J'avais besoin d'une discussion en bonnes et dues formes avec Nohé. Je méritais de comprendre, et certes, j'avais des choses à lui dire. Toutefois je préférerais ne pas y penser à ce moment-là.
La journée de cours se termina. Eli et moi décidâmes de nous rendre à l'aire de jeux où nous avions l'habitude de nous retrouver étant petits. Je le connaissais depuis longtemps Eli, plus longtemps que Nohé, plus encore que ma petite sur. Nos familles s'étaient rapprochées alors que nos dents de lait n'avaient pas encore commencé à pousser. Depuis, et bien nous avions grandi ensemble, sans jamais vraiment nous quitter. Notre relation se résumait à une complicité fraternelle sans histoires. Nous tenions profondément l'un à l'autre mais nous n'avons jamais laissé place à la moindre ambiguïté. Eli était gay, ce qui simplifiait les choses de ce coté là. Il avait fait son coming-out à ses neuf ans en affirmant que s'il avait le choix, il préférait avoir une relation amoureuse avec Ken plutôt qu'avec, je cite « Barbie, cette espèce de poupée en plastique sans âme ». Aujourd'hui, 16 ans après notre rencontre à la crèche, notre complicité avait gardé toute son authenticité. Je serais sans doute perdue si Eli n'était pas là et ne serais immanquablement pas la personne que je suis aujourd'hui.
À l'aire de jeu, nous passâmes un agréable moment à coup de rires et de cascades. Nous aimions voyager dans le temps quand nous nous rendions en ce lieu. Nous nous comportions comme de fougueux enfants, même si notre capacité respiratoire avait depuis l'époque il faut l'admettre, quelque peu déclinée. C'etait dans cet endroit que nous avions eu notre première dispute. Pour autant je serais dans l'incapicité à ce jour de vous dire quel en était le sujet ! Nous nous chamaillions peut-être pour savoir de qui le beau Ken tomberait amoureux, allez savoir.
Eli et Nohé se connaissaient, ils s'étaient croisés quelques fois. Ils n'étaient cela dit pas spécialement proches. L'un voyait en l'autre le "petit ami" et l'autre "le frère gay". Néanmoins, ça ne me dérangeais point : je les avais rencontré séparément après tout et je préfèrais ne pas mélanger ces deux relations, par peur de les perdre sans doute. Rien que l'idée que ça arrive m'était insupportable. J'avais peur de la solitude aussi. Je n'avais pas confiance en moi et étais persuadée que je serais incapable de quoi que ce soit sans eux.
L'avant-dernière année de l'école élémentaire, Eli était allé vivre dans la ville voisine, suivant sa mère et son nouveau travail. À cet époque, à cause de ce depart nous nous sommes perdus de vue quelque temps. J'étais enfant, je ne me rendais pas compte que ça me rendait triste, mais je me rend compte avec le temps que cette période s'était montrée violente émotionnellement pour moi. Quelques mois plus tard un nouvel élève arriva dans notre/ enfin ma petite école. C'était Nohé. Il n'était en ce temps là pas très doué pour se faire des amis, et j'admet que, moi non plus ; alors, naturellement, nous avions commencé à partager notre solitude. Nous restâmes souvent ensemble suite à cette rencontre. Ses grand yeux bleus dégageaient une aura enveloppante et sécurisante. Je finis par reprendre contacte avec Eli aussi, sa nouvelle école lui était sympathique. Comme moi, il s'était fait de nouveaux amis. Nous étions satisfait et quelque part, un peu fier l'un de l'autre. Nous nous sommes moins vus à partir de là. Nos vies avaient commencées à s'ouvrir à d'autres personnes. D'un autre coté, cela rendait les moments que nous passions ensemble encore plus précieux. Le collège passa, et nous nous retrouvâmes au lycée. Nous nous voyions plus souvent, mais gardions du temps pour nos vies personnelles respectives. Depuis le debut de mon amitié avec Nohé, je m'étais ouverte aux autres et avait commencé à mieux m'entendre avec mes camarades de classe, la vie était agréable en ce temps là. J'avais tout ce dont j'avais besoin : Nohé, Eli, ... et une vie sociale! La sérénité que j'avais à l'epoque me manquait.
Le ciel commencait à laisser apparaître certaines rougeurs : il était temps de rentrer à la maison. Eli et moi partîmes dans des directions opposées, après s'être chaleureusement serré dans nos bras. Nous laissions derrière nous, l'aire de jeux prendre feu sous la douce lumière orangée du soleil couchant.
En arrivant chez moi, je vis Juliette qui m'attendais sur le perron. Elle avait l'air contente de me voir et me sauta au cou, l'air enjouée. Elle me confia de la manière la plus solennelle qui soit pour pour une petite fille de 9 ans qu'elle avait un amoureux. Le petit chanceux lui avait offert un joli bracelet le jour même. Elle était heureuse! Dans ses yeux, brillait quelque chose d'éclatant. Elle respirait la joie de vivre et comme elle savait si bien le faire, me transmis une grosse partie de ses bonnes ondes. Malgré tout, je dois bien admettre qu'une partie de moi était jalouse de son succès et enviait son innocent sourrire. Ma rupture me rendait égoïste, je n'aimais pas ça. Je ne me connaissais plus, j'avais honte.
Dans la soirée, je réfléchis à la manière dont j'aborderais Nohé dans les jours à venir, et à la façon que je pourrais utiliser afin d'amener la conversation que je souhaitais avoir. Je me sentais lourde, j'avais le cafard. Ces derniers jours, j'avais été capable de sourrire sincèrement quand j'étais entourée, mais seule, je me rendait compte que j'étais perdue, j'avais peur et les sourrires, même sincères, me paraissaient alors bien vains. J'avais le coeur serré. Je n'arrivais pas à extérioriser mon mal être.
Depuis que je savais tenir un stylo, j'exorcisais mes démons en poésie... alors j'écrivis.
"Amertume
Ma bougie s'est éteinte.
Tout est sombre autour de moi.
Je ne sens plus ton étreinte,
Je suis seule ici bas.Les larmes montent, je ferme les yeux,
Et soudainement je t'aperçoit,
Ton doux regard, la grande bleue,
J'oublie de nager, je m'y noie.Recroquevillée au creux de tes bras,
Je me sens si petite, mais sans danger.
Ta douceur me supporte à chaque fois,
Elle me relève et n'as pas peur de m'aimer.J'ouvre alors les yeux, pour mieux te voir
Mais en un battement de cils, me revoilà dans le noir."
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Rupture
Ficção GeralAlice, jeune adolescente de 16 ans vit sa première rupture. Plongée dans une profonde mélancolie, elle ne sait que faire pour aller de l'avant et guérir sa profonde blessure.