Dessine-moi

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Je regarde la statue du jardin public de Boston. Elle n’est pas éclairée, mais on voit facilement sa silhouette. Je regarde ensuite Henry qui croque dans sa glace au chocolat noir. Ce garçon a des goûts assez tranchés.

“C’est bien que tu m’ait attendu” dis-je.

“C’était juste pour la glace.” dit-il.

Je souris un peu et regarde en face de moi.

“Alors… ça fait combien de temps que tu craques sur moi?” dis-je.

“Je ne craque pas sur toi.”

“Roh je t’en prie! Après tout, nous sommes très bon amis”

Je ris un bon coup et il reste indifférent.

“Comment ça s’est passé avec Jane?”

“Elle a accepté. Mais en contrepartie je dois lui rendre un service.”

“De quel genre?”

“Du genre à jouer les serveuses le temps d’une réception qui se tiendra chez elle. D’être à ses ordres pendant une soirée.”

Il soupire. Bien évidemment, il trouve ça puéril…

“Et… Tu comptes lui présenter quoi exactement?” dit-il.

“... Je ne sais pas encore. Ça fait des mois que je n’ai pas peint.”

“Pourquoi?”

Je hausse les épaules en guise de réponse.

Je sais très bien pourquoi. Chaque pulsion de passion me vient d’Anthony. Mais, je refuse de m’en servir. Sinon… ça serait accepté que dans mon art, il y a une partie de lui.

“Il faut que tu t’y remettes Auxane.” dit-il en finissant sa glace.
“Je sais. Mais c’est plus dur que ça en a l'air."

Il me regarde, sortant un carnet et un crayon de son sac. Il me les tend.

“Dessine-moi.”

“Henry… Je fais de l’abstrait” dis-je

“Pas physiquement. Dessine-moi vraiment.”

Je regarde le crayon et le carnet, hésitante. Je ne sais pas quoi faire.

“J’ai vu ton travail, et je veux que tu me dessines." dit-il

“... D’accord.” dis-je

Je les saisis et ouvre une page vierge. Je ferme les yeux. Henry. Je les rouvre et trace un premier trait.

La froideur, la dureté, la sensibilité.

Je continue à tracer, emporté.

La rigueur, le dédain, l'intransigeance.

Tu es tout ça à la fois. Un mélange glacé et sévère. Franc, entier, honnête. Toutes ses qualités et ses défauts. Ce qui fait de toi Henry, le garçon qui me donne le sourire.

Je lui souris et regarde mon œuvre. Parfaitement imparfaite. Je lui tends.

“Jolie.” dit-il avec un petit sourire

Je le regarde plus profondément. J’ai réussi à créer. Et, c’est grâce à lui.

“Merci.” dis-je

“De rien.”

Je me pince les lèvres et ferme les yeux, prenant une grande inspiration.

“Et maintenant?” dis-je

“Il se fait tard… Alors je vais te raccompagner chez toi et te laisser libéré ce qui se passe dans ta tête.” dit-il

“Rien de romantique entre nous… n’est-ce pas?” dis-je doucement en souriant

“Tu peux toujours rêver." dit-il sur le même ton

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