Je suis réveillé depuis au moins une demi-heure, et depuis une demi-heure je suis assis sur mon lit, les yeux rivés sur la fenêtre, baillant de temps à autre. Une tasse de café – avec du lait, un carré de sucre et pas plus - dans la main, un pinceau dans l'autre, j'attends. Je vais finir par regretter d'avoir ces pulsions, un jour. Il est à peine sept heures, sérieux, et c'est dimanche. Je me frotte les yeux puis installe ma toile et prépare ma palette. Les premières lueurs orangées apparaissent dans le ciel, je ne dois rien louper. Soudainement, une boule de poil me gâche la vue en sautant sur le rebord de ma fenêtre.— Non ! Moustache ! dégage !
Le félin noir et blanc tourne la tête vers moi, et ne semble pas donner d'intérêt à ce que je dis car il s'assoit et se met à faire sa toilette.
Quelle arrogance.
Je soupire, mais d'un certain angle, cela pourrait donner du charme à ma peinture, Moustache est bien placé, sur le côté de la fenêtre, le coucher de soleil l'entoure parfaitement. Je me mets alors à la tache et commence à peindre, l'air très concentré. La seule chose que je souhaite, c'est que mon chat ne bouge pas d'un poil, sinon ça gâcherait tout. Heureusement pour moi, la vue sur le monde extérieur semble bien trop intéressante à ses yeux pour partir d'ici. Je me dépêche, déposant du rouge ici, un peu d'orange là, et une once de violet par ici. Mon pinceau glisse habilement sur la toile, qui prend vie peu à peu.
Je ne regrette absolument pas de m'être levé aussi tôt, c'est magnifique. Ce spectacle de couleur, le soleil qui vient peu à peu estomper toutes les nuances d'orange, de rose. Ce que j'ai peint représente parfaitement la scène naturelle que j'ai juste devant mes yeux. Je n'aurai jamais eu le même résultat avec une photo prise d'internet, et puis ce que je peins doit toujours être quelque chose que j'ai vu, vécu, c'est comme ça que je fonctionne.C'est peut-être pour cela que mon bureau est rempli de peintures multiples de couchers de soleil, et que mon carnet lui multiplie les dessins de Moustache. Ce n'est pas de ma faute, il est magnifique ce chat. Et je suis sûr qu'il le sait.
Je pose mon pinceau sur le bord de ma toile et ma palette sur un petit tabouret à ma droite. Je sais que je ne vais pas penser à les nettoyer avant une semaine mais bon, ça ne fait rien. Je regarde la peinture que j'ai peins avec fierté, cela faisait un certain moment qu'une œuvre est destinée à un autre endroit que délaissée pour toujours dans le garage. Il faut que je réfléchisse pour l'endroit où je m'apprête à l'afficher, sûrement avec les quelques toiles qui sont disposées dans un coin de ma chambre, sur une grande étagère qui comporte aussi des livres en tout genre ainsi que mes affaires de cours.En parlant de cours, je reprends l'université dans deux semaines, on a un temps d'adaptation pour souffler un peu et ça commence réellement fin novembre. Genre les examens toutes les semaines, le stress, le travail jusqu'à vingt-deux heures le soir. Traduction : le cauchemar.
Mis à part ça, le début d'année s'est étonnement bien passé. Je ne me suis pas fait vraiment d'amis, certes. Seul un mec de mon cours de philosophie me parle de temps en temps, et un groupe d'étudiants m'invitent à manger avec eux quelque fois.
Mais hormis cela, je ne suis pas le garçon populaire que tout le monde connait. Je ne l'ai jamais été. Mais en revanche j'adore ce que j'apprends, les professeurs sont agréables et je peux dessiner et peindre toute la journée. Je me suis même inscrit au cours de théâtre et depuis quelques jours les étudiants me parlent de plus en plus et ils m'ont même ajouté sur les réseaux. Je suppose que c'est bon signe.
Il faut aussi que je me trouve un appartement. Maman me met la pression avec ça, pourtant ce n'est pas ce qui presse le plus. Heureusement que papa est gentil et me laisse faire ce que je veux tant que je suis heureux. Mais rien qu'à l'idée d'habiter seul, de devoir me débrouiller seul, tout gérer seul, ça me fait stresser. Ah, j'aimerai tellement redevenir un enfant, avec l'innocence, l'imagination débordante ainsi que les problèmes en moins.
Je regarde le monde extérieur par la fenêtre. Le soleil est désormais presque totalement visible, éclairant la totalité de ma chambre qui était il y a une trentaine de minutes plongée dans l'obscurité. Les arbres perdent peu à peu leurs feuilles, annonçant l'arrivée de l'hiver.
J'aime beaucoup ce temps, à la fois nostalgique et mélancolique, ça me rappelle beaucoup de souvenis divers. Aux caches caches dans les bois adjacents avec mes parents, les sauts dans les feuilles mortes mais colorées -comme si elles vivaient encore- avec mes deux meilleurs amis de primaires, puis les moments calmes et paisibles devant la télévision avec un chocolat chaud, qui réchauffait mes mains, tout autant que mon cœur. Et puis, ça veut dire plein de nouveaux paysages, donc pleins de nouvelles peintures, j'ai tellement d'idées qui me viennent en tête, alors la météo a intêret d'être de mon côté et de pleurer des flôcons de neige cette année.
Moustache lâche un petit miaulement et tourne sa petite tête vers moi, avant de cligner respectueusement des yeux, et comme un abruti, je fais la même. Vous n'allez pas me mentir, tous les individus qui possèdent un chat – et qui l'aiment – font ça, pas à moi.
Désormais levé, je prends mon chat dans mes bras et laisse glisser mes yeux tout autour de moi, et j'observe ma chambre, je ne saurai jamais si je l'aime bien ou pas.Elle est assez simple en soit, un lit pas fait, un bureau en bordel rempli de peinture, une chaise transformée en dressing, une armoire en débarras, un miroir recouvert de stickers et de photos, ainsi qu'une commode qui est à deux doigts de lacher prise vu la tonne de fringues qu'elle supporte, alors que je ne porte plus que le quart. Sur les murs, des dessins, affiches de films, le genre de films que peu de gens connaît, Stand by me, A bout de course, Midsommar, Transpotting, bref, je ne suis clairement pas un matheux mais je dirai que, y'a genre quinze pourcents de chance que quand quelqu'un rentre dans ma chambre il s'exclame : « Oh je connais ça ! », j'aurai pu avoir des affiches de Retour vers le futur, Harry Potter, ou Pulp fiction, mais ça fait vraiment adolescent cliché puceau, entre nous. Même si je le suis encore, certes, mais ce n'est qu'un détail.
Je regarde ma collection de capsules de canette, 64, 86, leffe, eguzki, ninkasi... Ça fait alcoolique, mais promis je ne bois pas. C'est limite si j'ai déjà fait une soirée, enfin la seule que j'ai fait j'en garde un mauvais souvenir.
C'était en première. Mon meilleur ami m'avait forcé à y aller et comme un con j'avais accepté.
Déjà je ne m'amusais pas, je connaissais presque aucune musique, puis je m'ennuyais assis sur le canapé en mode personnage principal ténébreux d'une série sur Netflix, alors que j'étais juste figurant d'un court métrage dailymotion.
Et soudainement une fille m'a abordé, fait boire un verre de vodka alors que le seul alcool auquel j'avais touché c'était du champagne à noël, mais bien trop timide pour refuser. Puis cette fille m'a un peu éloigné, m'a dit des trucs que je n'ai pas capté, avant de m'embrasser. J'ai paniqué, je l'ai repoussé et j'ai pris la fuite, en essayant de l'ignorer durant toute la soirée.
Je ne suis pas fort pour ignorer les gens, du genre je vais me retrouver à les chercher parce que je trouve ça bizarre de pas les voir. Je sais, je suis bizarre.
Ça fait dix huit ans qu'on me le dit.

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Jusqu'à la mort
Ficção AdolescenteD'un côté, il y a Hunter. Hunter, c'est le profil typique de l'adolescent à problème qui aime se battre et qui a mal tourné. C'est le genre à garder tout le temps un flingue sur lui, et à jamais dire merci. Ses seuls amis forment un petit groupe de...