Part 2.9

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Quand Lexi rentra, Brett, Cassie et sa mère l'attendaient assis en concertation autour de la table de la cuisine. Brett serrait son portable dans sa main, Suze sa cigarette entre ses doigts et Cassie se rongeait les ongles jusqu'au sang. On aurait dit qu'ils posaient pour un tableau ou même qu'ils étaient peints là tant ils ne bougeaient pas et n'osaient rien dire. Ils se contentaient de la fixer avec angoisse. 

Lexi s'approcha lentement. Des cernes marquaient son visage après toutes les larmes pleurées à l'hôpital mais maintenant, elle se sentait sereine, apaisée comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Elle savait exactement ce qu'elle allait faire, elle savait que rien ne pourrait l'arrêter et que c'était la bonne décision. 

Elle regarda les trois personnages qui se tenaient devant elle et s'attarda sur Cassie. Elle ressemblait à la Crying Girl de Roy Lichtenstein. La culpabilité et un peu de terreur aussi se lisait sur son visage. Elle songea que Cassie avait toujours été ce personnage de pop-art, que sa vie entière pouvait être résumée dans les œuvres de Lichtenstein. Heureuse, malheureuse, en larmes, amoureuse, contrariée, boudeuse, les émotions de Cassie étaient une suite de vignettes de BD. Cette pensée fit sourire Lexi. Elle ne lui en voulait pas. Cassie était vivante, elle faisait des erreurs, elle extériorisait ses sentiments, parfois trop, mais au moins, elle avançait. 

Lexi ne dit rien et se dirigea vers l'escalier où elle monta les marches deux à deux. Une fois arrivée dans la chambre de son enfance, elle prit quelques secondes pour se rappeler de sa disposition d'autrefois. Ses murs aux couleurs pastels, les photos qui y étaient collées, les guirlandes lumineuses, les accessoires de maquillages de Cassie, ses livres mal ordonnés dans la bibliothèque, les vêtements qui jonchaient le sol, l'odeur de vanille... Tout ça avait complètement disparu. "Le passé appartient au passé" dit-elle tout haut.  Elle ôta son pyjama et le jeta dans sa valise, elle fit de même avec le reste des affaires qu'elle avait amené pour la semaine. Elle enfila le premier pantalon et tee-shirt qu'elle trouva, s'attacha les cheveux rapidement et redescendit son bagage à la main.

Les trois personnages de son tableau s'étaient levés et se trouvaient maintenant en bas des escaliers, toujours avec le même air inquiet.

"Je m'en vais", annonça-t-elle simplement.

Cassie pris une inspiration. Elle allait se jeter à ses pieds, s'excuser, pleurer. Lexi refusa de subir ça.

"Cassie, tu peux te taper Fez autant que tu veux, c'est pas la raison de mon départ. J'avoue que j'étais vraiment en colère... enfin... jalouse... enfin... plutôt dégoûtée il y a quelques heures, mais je ne le suis plus maintenant. Je suis sûre que tu l'aimes... Je l'espère en fait. J'espère que c'est bien la raison pour laquelle tu fais quelque chose comme ça à ta propre sœur. Mais c'est pas grave. Je connais Fez... S'il est avec toi, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison, donc en fait, c'est très bien. Tu as ma bénédiction. Et puis, même si tu l'avais pas, soyons honnêtes, tu le ferais quand même... Enfin, comme je dis, c'est pas grave. C'est pas ça..."

Brett fit à son tour un pas en avant, bien décidé à raisonner sa fiancée.

"Brett, c'est pas toi non plus... Je suis désolée. Je suis vraiment désolée. J'ai pourtant essayé de toutes mes forces. J'ai vraiment fait de mon mieux et essayé de correspondre à ce que tout le monde attendait, mais je peux plus. Je peux plus c'est tout. La vérité c'est que c'est fini entre nous depuis longtemps. On est comme une entité tous les deux, comme une entreprise bien rodée et il faut que ça cesse. Il faut que je me retrouve à moi. Tu mérites mieux que ça. Tu mérites quelqu'un qui t'aime pour ce que tu es. Moi, je suis vraiment désolée mais je n'y arrive pas..."

Il ne se défendit pas, au fond, chaque mot était vrai, il en était conscient. Elle s'avança vers sa mère dont le regard était un mélange de crainte et de fierté. Elle la prit dans ses bras.

"Maman. Tu n'as pas toujours été la meilleure, mais je comprends maintenant. Tu n'es qu'un être humain, t'as fait ce que t'as pu."

Elle l'embrassa sur la joue et prit un moment pour les regarder tous les trois, comme elle avait fait avec son père, comme si elle voulait photographier cet instant et le garder pour toujours dans sa mémoire.

"Je vais bien, je vous assure. Je vais juste vivre ma vie maintenant." conclut-elle en claquant la porte.

Euphoria : L'autre HowardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant