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Avoir Fred comme ami, c'était étrangement apaisant, notamment parce que je pouvais être moi-même sans qu'il ne s'en offusque. J'avais toujours été moi-même avec lui, bien sûr, mais désormais, je ne forçais plus le trait pour tenter de le faire fuir. J'étais juste désagréable, mon moi normal en somme.

Je faisais pourtant des efforts. Je continuais à décider du chemin que nous prenions, mais je demandais aussi son avis à Fred. La plupart du temps, Fred se fichait d'ailleurs d'où nous nous rendions, l'essentiel étant que nous restions en mouvement. Lui comme moi n'aimions pas l'immobilité. Nous n'étions pas des vagabonds pour rien.

— Le fait de voyager ensemble, cela fait-il de nous un clan aux yeux des vampires ? s'enquit Fred une après-midi où nous sautions d'arbres en arbres en faisant s'envoler des myriades d'oiseaux.

— De la façon dont je vois les choses, nous sommes deux nomades qui courrons dans la même direction, répliquai-je sans m'arrêter.

Fred parut considérer ma réponse, puis je le vis hocher la tête en signe d'approbation.

— J'aime cette idée, répondit-il. Nous voyageons ensemble mais nous conservons notre propre indépendance.

— Très importante à mes yeux, cette indépendance.

Mon compagnon de route sourit. Il ne fit aucune remarque mais je lui avais suffisamment rabâché mon désir de ne dépendre de personne pour qu'il sache déjà à quoi s'en tenir. Il ne remettait plus mon obsession en question : j'avais beau ne pas lui en avoir expliqué l'origine, il acceptait et respectait cette condition importante à sa présence à mes côtés.

Fred ne me posait plus de questions sur mon passé. Je faisais l'hypothèse qu'il attendait que l'initiative vienne de moi, ou bien qu'une opportunité adéquate se présentât. Dans tous les cas, j'en étais grandement soulagée. S'il avait persisté dans ses questionnements incessants, j'aurais peut-être mis fin à notre amitié précipitamment, quand bien même j'appréciais sincèrement Fred. Néanmoins, il avait bien pris la mesure de l'importance que j'accordais à mes secrets et c'était bien comme ça.

Fred, lui, me parlait de temps en temps de son passé. Peut-être espérait-il que ses confidences répétées m'amèneraient moi-même à me confier ? Je l'ignorais. Dans tous les cas, si c'était là ses espérances, je lui souhaitais d'être particulièrement patient !

Mon compagnon de route m'avait effectivement relaté la façon dont sa vie avait commencé – sa vie humaine. Il était né à Vancouver et avait grandi avec son père après le divorce de ses parents. Ses rapports avec son père avaient été particuliers et avaient participés à construire l'adolescent solitaire qu'il était devenu par la suite. Effectivement, il n'y avait guère de place pour l'émotion dans la relation père-fils qu'ils entretenaient. Après avoir été harcelé à l'école, à cause de son physique d'intello gringalet, il avait beaucoup grandi mais avait conservé son goût pour la solitude. Fred n'était pas un adolescent qui cherchait l'attention des autres, bien au contraire.

C'est à l'issue de sa deuxième année d'université qu'avait eu lieu la rencontre avec Riley, celle qui a changé sa vie. Il participait alors à un projet de recherche qui lui avait été proposé par son professeur favori de biologie marine. Fred avait passé son été à arpenter les plages des côtes de l'Oregon et de Washington, y campant la plupart du temps. C'était un été très solitaire au cours duquel il lui arrivait de ne voir personne pendant plusieurs jours, mais Fred aimait ça.

Du fait de cette solitude, Riley avait du estimer qu'il était une cible parfaite, que sa disparition ne surprendrait vraiment personne. Riley lui avait ainsi demandé si un peu d'excitation dans sa vie l'intéresserait, proposition que Fred avait déclinée. Néanmoins, il était vite apparu que c'était plus une question rhétorique qu'autre chose, et que Fred n'avait pas véritablement le choix. Comment aurait-il pu tenir tête à un vampire de toute façon ?

Vagabonde [Twilight]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant