Sting x Lucy x Grey : L'Hôtel macabre

Chapitre 11 : Le Salvateur

Les larmes de l'aurore avaient inondé le ciel rose, et enfin les mages furent libérés de leur chambre, impuissants.
Yukino, dévastée, rongée par la culpabilité, n'avait pas quitté des yeux le corps inerte de son camarade. Ses pauvres prunelles se noyaient dans leurs sanglots jalousés de l'Achéron, ses paupières rosies la brûlaient et elle n'avait pas encore remarqué la perle rouge qui venait de naître sur sa lèvre abîmée par la morsure, alors qu'elle pleurait le nom de Rogue.

Le dragon de feu fut le premier à la rejoindre, et assister à la scène bouleversante, les yeux écarquillés.

***

La nuit précédente, celle du tragique accident, Natsu n'était pas parvenu à fermer l'œil.

Il se tournait encore et encore, s'enroulait dans les draps froissés et gigotait à la façon d'un enfant insatisfait. Agacé de ne pas trouver le sommeil, il jeta un œil à sa droite pour découvrir son compagnon bleu assoupi.

— Chanceux, marmonna-t-il.

S'abandonner au rapt de Morphée n'était décidément pas donné à tous ce soir-là. Si au moins il avait pu sortir se dégourdir les jambes ! Mais les quelques jours passés ici avaient suffi à lui apprendre que la porte ne s'ouvrirait pas avant le matin. Et pourtant, fidèle à sa renommée, Natsu sortit du lit d'un pas décidé, puis se traina paresseusement jusqu'à la porte. Sa main tendue vers la poignée, il se préparait à devoir l'arracher, réveillant Happy au passage, tout cela pour n'essuyer qu'un échec cuisant face à la maudite architecture de la chambre. Cependant le scénario fut tout autre, et la Salamandre parvint à passer de l'autre côté avec une aisance insoupçonnée. Ce n'est que lorsqu'il fut livré au sombre couloir sans magie pour le guider que le mage de feu comprit la bêtise de son instinct. Avant qu'il n'ait le temps de regretter, il sentit littéralement le sol se dérober sous ses pieds maladroits, et se vit aspiré par les entrailles de l'hôtel.

Natsu se frotta l'arrière-train douloureusement, jurant grossièrement dans le secret de la nuit. L'atterrissage n'avait pas été délicat.

— Vous êtes de plus en plus créatif, grogna-t-il.

À ses geignements répondit le rire discret de son hôte.

— Je te prie d'excuser cette entrée grotesque, tu n'as du moins pas à t'inquiéter, c'est ta bonne étoile qui t'amène.

— Comment ça ? rétorqua prudemment Natsu, toujours méfiant.

— Tu as le pouvoir de protéger l'un de tes amis pour ce soir. Tu n'as qu'à mettre son nom dans l'urne en face de toi, et tu pourras repartir.

Il avait établi le scénario avec une lassitude évidente, comme si l'ennui l'avait laissé à l'agonie. Natsu eut un haut-le-cœur en y songeant, incapable de percevoir l'étendue de sa cruauté.

Laissé seul au silence de la pièce, il se mit à se triturer les neurones. Il avait au moins la chance de ne pas subir son rôle, peut-être même d'en être satisfait, de ne pas avoir à le combattre ; il l'utiliserait, il en était certain. La lutte serait tout autre : comment l'utiliser ?

Il songea d'abord à Jellal, ou Luxus : sinon la mort, que craindre de pire que la colère d'Erza ou Mirajane ? Mais Reby était enceinte, il fallait y penser. Natsu avait désormais le pouvoir de protéger ce bébé, ce pauvre être innocent et chétif qui se retrouvait prisonnier des dangers du monde avant même d'y être né. Ses cellules grises en pleine frénésie, il tournait en rond autour de l'urne qui scellerait le destin de l'un de ses camarades.
Natsu saisit tout de même le stylo posé sur la table, sûrement de crainte qu'Il ne change d'avis et ne lui retire son pouvoir.