Partie 05

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   [...]

Comme toujours, Jemima s'attelait aux comptes car bientôt, il serait l'heure de fermer le magasin. Elle se redressa en apercevant un jeune homme pénétrer dans la boutique. Il était grand... clair... Ah, mais c'est Lewis, se dit-elle. Elle referma son carnet et balaya la pièce du regard. Esther n'y était pas, ou plutôt n'y était plus, car cinq secondes plus tôt, Jemima était certaine de l'avoir vue rôder dans les parages.

-- Bonsoir Madame TRAORÉ, salua Lewis.

Puis, sans même attendre de réponse, il s'assit sur une chaise éloignée de la jeune femme.

-- Bonsoir Lewis. Esther n'est pas là. Elle doit être sortie un moment, je suppose.

-- Oui, elle me l'a dit tout à l'heure. Nous nous sommes croisés à la sortie, alors j'attends son retour.

-- Ah, d'accord. Désires-tu un peu d'eau ?

-- Non, ça ira, j'en ai assez bu en chemin.

-- Bien, concéda Jemima.

Aucun des deux ne prononça un mot de plus et Jemima profita de ce silence pour reprendre ses calculs.

-- Cela doit être stressant, n'est-ce pas ? Lui demanda Lewis.

Jemima éternua.

-- Excuse-moi, s'excusa-t-elle. Qu'est-ce qui devrait être stressant ?

-- Les calculs, répondit-il en désignant du doigt le fameux carnet de la jeune femme.

-- Ah oui, ça, dit Jemima avec un sourire. Non pas vraiment stressant, juste un peu. Et puis quand on en a l'habitude, cela nous paraît plutôt relaxant.

-- Les calculs relaxants ?

-- Oui en tout cas personnellement, ils ont le don de me...

La forte vibration de son téléphone lui coupa les mots, à la bouche. Elle vérifia et c'était un message de Léo.

  Ma vie, je rentrerai probablement tard aujourd'hui. Prends soin de toi. Bisous.

Jemima posa délicatement le téléphone dans son sac pour poursuivre sa lancée, exprimant particulièrement son amour pour les mathématiques avant de reprendre ses activités.

-- Je vais devoir m'en aller, l'informa Lewis après une vingtaine de minutes. Esther m'a écrit et ne compte pas revenir ici. Si tu le souhaites, je peux te raccompagner.

-- Oh, c'est aimable de ta part, mais j'ai encore quelques tâches à accomplir et cela va me prendre du temps. Une prochaine fois peut-être.

-- D'accord.

Lewis partit. Par la suite, Jemima fit de même un peu plus tard, une fois le magasin fermé. Une fois chez elle, elle ferma soigneusement portes et fenêtres avant de se coucher immédiatement.

La journée suivante fut très monotone pour elle. Réveil, bain, travail, puis retour à la maison. Cependant, cette fois-ci, elle ne parvint pas à dormir car nous étions bien le vingt-quatre novembre. Le jour de l'anniversaire de son mariage et pourtant, même après dix-neuf heures, Léo n'était toujours pas rentré. Le "Je rentrerai probablement tard" de la veille s'était décidément transformé en "Je ne rentrerai pas ce soir et encore moins demain", conclut Jemima. Elle appréciait néanmoins profondément le fait que son époux ait passé la nuit chez son père et qu'il ait du mal à le quitter. Il appréciait énormément Monsieur Moussa et Jemima ne pouvait qu'être éperdument amoureuse de lui.

Elle contempla fièrement la veste blanche qu'elle lui avait achetée pour l'occasion et se remémora le prix exorbitant qu'elle avait dû débourser pour se la procurer : quatre-vingt mille francs CFA. Rien que pour cette veste, elle avait sacrifié un mois de salaire en se disant que Léo l'adorerait certainement. De plus, elle avait renouvelé sa collection de sous-vêtements. Trois années de mariage méritaient d'être célébrées en grand style.

Désillusionnée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant