Mardi 12 Novembre un changement déroutant

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Cher journal,

Dois-je une fois de plus, pour me sentir bien, faire en sorte que tes pages soient immaculées d'encre noire ? Aimes-tu cela ? Ne trouves-tu pas que cela ne reflète qu'une part obscurcie de moi-même, celle de l'égoïsme ? Plus loin encore, ne penses-tu pas que j'en fais trop ? A l'inverse, en ai-je fais assez ? 

Je ne sais pas. Le sais-tu, toi ? 

De toute façon je n'ai pas spécialement de choses incroyables à te raconter : aujourd'hui j'avais opté pour un petit changement de style. Moi qui d'ordinaire ne me sépare pas du traditionnel look d'ado en jean-sweat me voilà en chemise rose légère et pantalon blanc, quelle agréable surprise ! fin... Il s'agit là de ce que je pensais ce matin en tout cas. Par rapport à hier, le temps s'est adouci je n'avais donc pas besoin de blouson. Les beaux jours reviennent, mais qu'est-ce qu'un beau jour ? S'agit-il uniquement d'une belle journée de printemps au cours de laquelle le soleil traverse les nuages blancs afin d'apporter ce léger regain de chaleur après la fraicheur hivernale ? S'agit-il alors de toutes ces tulipes et ces jonquilles que l'on voit fleurir dans les jardins, redonnant de la couleur à ces paysages devenus moroses il y'a peu ? Peut être alors qu'il ne faut pas chercher aussi loin et qu'un beau jour peut se trouver à n'importe quel moment de l'année, pourvu que l'on se sente bien durant celui-ci et que l'on soit en paix et en accord avec soi-même. Ou avec les autres. Ou les deux. Alors, qu'est-ce qu'un beau jour ? 

Le sais-tu, toi ? Moi, je ne sais pas.

J'ai pensé cette fois aux cookies de mr Philipe, étrange cette fois il n'avait pas son chien avec lui. La boulangerie était fermée aujourd'hui. Je me suis donc retrouvé en avance à la gare, je me suis installé sur un banc avec mes écouteurs et j'ai laissé ma playlist se diffuser, je ne saurais pas te dire quelles musiques ont défiler puisque cela m'a juste permis de me laisser envahir de nouveau par cette sensation d'hypnose. 

Je me suis à nouveau retrouvé dans la maison de mon enfance, j'étais dehors en train de m'amuser à courir et à me cacher au milieu des champs avec mes amis. Je souris. Enfant, aucun problème ne nous tracasse et il suffit d'une belle journée ensoleillée comme il y'en avait chaque jour par la bas, c'est une des choses qui me manque le plus.

Anais arriva encore une fois bien en retard, si bien que les portes du train ont faillis se refermer sur elle. Un jour elle finira par rester bloquée sur le bord du quai j'en suis persuadé ! 

D'ailleurs ce n'est qu'après s'etre assise et avoir rouspété pendant la moitié du trajet en me parlant de sa soeur qui l'aurait soi-disant mal regardée dès le réveil qu'elle finit par remarquer mon changement vestimentaire :

"Oh bah tient qu'est-ce que tu nous fait ? T'a un rendez-vous galant aujourd'hui ou quoi !?"

Anais... Toujours égale à elle-même, j'avais beau lui certifier que non il n'y avait personne dans mon coeur en ce moment qu'elle recherchait déjà si j'avais un nouvel abonné sur instagram pour "juger sa photo de profil." Forcément il n'y avait rien, je l'avais pourtant prévenue. 

Comme cette fois ci l'heure du train dépassait l'heure d'arrivée de nos autres camarades, Jérémy vint nous chercher en dernier ce qui fit qu'on était tout serrés à l'arrière. Je te laisse deviner quelles furent les premières paroles d'Anais une fois rentrée dans la voiture :

" Vous savez quoi ? Il est amoureux et il ne veut même pas me dire de qui, vous avez vu comment il s'est habillé aujourd'hui ? il y'a clairement anguille sous roche !" 

Et forcément ce fut au tour de Léa de me pousser un interrogatoire forcé tandis que Jeremy me regardait avec compassion via le rétroviseur et qu'Anouk s'esclaffait avec Anais. 

Je vais te dire honnêtement qu'à un moment j'ai carrément cesser de les écouter, ils sont beaucoup trop chiants parfois dès le matin ! J'ai préféré regarder par la fenêtre et me laisser bercer par le paysage. On pouvait commencer à voir apparaitre des traces de neige sur le haut des montagnes, annonçant ainsi la prochaine ouverture de la saison de ski ou, comme chaque année nous serons envahis de touristes.

Je me revit alors quelques années auparavant, lorsque je suis arrivé ici et que Nathalie m'avait emmené pour la première fois faire du ski avec Nana et Charline. Je ne me souviens plus trop de ce qu'il s'est passé exactement ce jour là, en revanche je me souviens bien de la sensation que j'ai éprouvé devant toute cette "herbe blanche". Toi le premier, tu sais que chez moi on ne connaissait pas la neige. Ce que l'on pourrait appeler "hiver" chez nous c'était les jours où la température descendait en dessous de 25 degrés mais restait au dessus de 20 quand même.

Enfin bref, tu connais mon emploi du temps, cours rigolades, recours, bouquin, manger, rigolade et recours... Chouette d'être étudiant hein ? Le pire c'est qu'encore à ce moment là de la journée je me disais que si je faisais tout ça c'était pour m'assurer un bel avenir derrière.

Je dus rentrer seul ce soir, Nana étant restée avec ses amis et Anais ayant une leçon de conduite, j'avais le train pour moi tout seul faut croire. Comme je te l'ai dis plus haut il faisait beau ce matin mais à la sortie du train il commença à pleuvoir, et sans blouson ma chemise me collait à la peau c'était vraiment désagréable.

Toujours le même chemin, je me suis pourtant surpris à me dire que comme il pleuvait je n'allais pas tomber dessus. 

J'avais tort, Journal, TORT.

J'ai du me rediriger vers eux à nouveau, comme chaque soir depuis quelques semaines. Ils étaient différents je n'ai pas compris pourquoi au début. Au début ils ne faisaient que me proposer de fumer, de chevaucher leurs engins... le jour d'après c'était le jeu de qui tape le plus fort mon épaule, du oh, regarde si mon couteau coupe bien, merde tu saignes ah bah oui il coupe... Depuis quelques jours ils ont pris l'habitude du jeu de la toupie ou du "voyons jusqu'a quand tu respires avec mes mains sur ta gorge."

Rien de bien méchant en somme, juste des jeux. 

Mais comme je te l'ai déjà expliqué, aujourd'hui c'était la journée du changement.

Ils ont commencés par tous m'encercler en me disant que j'étais mignonne en rose bonbon, et que j'étais bonne en tant que petite chienne mouillée. Ils m'ont dit que chevaucher leurs engins m'aiderait à me sécher, j'ai donc regardé leurs motos et je me suis dit qu'après tout ils pouvaient me déposer plus vite chez moi. J'ai donc dit à l'un d'eux que c'était gentil de proposer et que je voulais bien. 

Cher journal,

Les engins qu'ils m'ont fait chevaucher n'étaient pas les motos comme je le croyais.



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